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Pour cet éleveur caprin du Rhône, « la génétique, c’est avant tout une passion »

Fromager fermier dans le Rhône, le Gaec Lepin a reçu le trophée Gènes Avenir en alpine. Le suivi génétique réalisé depuis trois générations sur l’exploitation a permis d’améliorer grandement les performances du troupeau, tant au niveau de la production que de la morphologie.

Associé avec son père, Jean-François, depuis 2013, Aurélien Lepin gère le troupeau de 148 chèvres alpines sur l’exploitation familiale installée à Ancy, dans le Rhône. Lancé dans les années 1960 par les grands-parents, l’atelier caprin s’est progressivement développé avec la construction d’une salle de traite et l’agrandissement de la fromagerie. La taille du cheptel a également augmenté après l’installation du petit-fils, passant de 70 à 110 têtes.

« Le gros du travail, c’est la transformation, confie l’éleveur. Ce sont mes parents qui s’en occupent en majorité, avec la commercialisation. » Avec le bassin de consommateurs que constitue la ville de Lyon, l’exploitation privilégie la vente indirecte, en livrant trois demi-journées par semaine. Les produits sont vendus à six grandes et moyennes surfaces et à une centrale d’achat qui livre à des commerces de proximité, comme le primeur lyonnais « Cerise et Potiron ».

« De mon côté, je me concentre sur la gestion du troupeau, explique l’éleveur. Pour moi, le suivi génétique n’est pas une charge supplémentaire, car il fait partie de la conduite technique d’un élevage. » Un travail qui a été récompensé par le trophée Gènes Avenir Alpine d’or remis par Capgènes lors du Salon de l’agriculture en mars.

« Prendre le train de la génomique en marche »

S’ils adhèrent à Capgènes en 1992, la famille Lepin fait du suivi génétique depuis plus de trente-cinq ans.

Une fois par mois, le contrôle laitier en salle de traite permet de suivre l’évolution du lait et des taux. Cette manœuvre double le temps de traite, mais ce n’est pas un frein pour l’éleveur. « Les résultats techniques sont là et nous confortent dans nos choix », atteste l’éleveur de 36 ans. Les deux périodes de mise bas permettent d’étaler le travail et le lait sur l’année.

Les chèvres sont triées à la reproduction, sur la base d’un plan d’accouplement programmé (PAM), l’outil informatique proposé par le contrôle laitier pour optimiser les appariements. « Avant le PAM, on y passait beaucoup plus de temps et c’était moins efficace, confie l’éleveur. Cette année, on a eu beaucoup de chèvres bien indexées, donc on a pu faire quatre-vingt-quatorze inséminations artificielles. »

Le plan sert également pour le choix des boucs, créant un ordre de priorité pour optimiser les performances, tout en évitant la consanguinité. « Il faut s’habituer à faire confiance à l’informatique, car on va vers la génomique. Il est important de savoir prendre le train en marche. »

Faciliter les filiations

« Avec les protocoles de synchronisation lumineux et hormonal, on a un taux de réussite à l’insémination artificielle en moyenne de 60 %, même s’il est très hétérogène en fonction des années, de la ration et du lot, saisonné ou non. »

Le bouc est introduit dans le troupeau trois semaines après les inséminations et des échographies sont réalisées tous les mois. « On introduit un seul bouc pour faciliter les filiations. Si l’IA [insémination artificielle] a bien fonctionné, ça ne pose pas de problème, car on aura peu de chèvres vides. Si elles ne remplissent pas au premier cycle, elles le font au second, ce qui permet d’étaler la production sur l’année. »

« L’important, c’est de réussir la reproduction »

Des choix décisifs

Le Gaec Lepin a l’honneur de voir ses meilleurs boucs envoyés au centre de sélection. Quatre ont été inscrits au catalogue Capgènes en 2023. Ceux présentant une valeur génétique pour le troupeau sont conservés comme reproducteurs pendant trois ou quatre ans. À partir de cet âge, leurs filles sont dans le troupeau, les boucs sont alors vendus à des éleveurs pratiquant la saillie naturelle. Les autres sont cédés à l’engraisseur. « Le plus important, c’est de réussir la reproduction, sinon la génétique est perdue. »

Neuf chevrettes ont été sélectionnées cette année pour devenir de potentielles mères à boucs. Une cinquantaine sont conservées pour le renouvellement et une soixantaine sont vendues à d’autres éleveurs. Dans ce dernier cas, les chevrettes partent à quinze jours pour économiser de la place dans le bâtiment.

« On a des obligations de productivité également pour optimiser les 160 places du bâtiment car, avec la surface fourragère, ils constituent nos deux facteurs limitants. » Avec 35 hectares de SAU regroupés autour de la ferme, essentiellement en herbe, l’exploitation est autonome en fourrage, mais elle doit compléter les rations avec des achats d’aliments importants. La surface en orge leur fournit également de la paille qui, mélangée avec les refus, est utilisée comme litière.

1 200 litres par chèvre

Avec une production de 1 200 litres par chèvre pour des taux protéique et butyreux de 35 et 45 grammes par litre, les performances du troupeau de la famille Lepin sont au-dessus de la moyenne des troupeaux Capgènes. Si la quantité de lait semble stagner depuis l’année dernière, les taux continuent de progresser.

« La production a vraiment augmenté quand on a installé le distributeur automatique de concentrés sur rail. Cela permet de mieux fractionner l’alimentation et d’éviter les pics de concentrés. » Avec cinq repas par jour au lieu de deux, l’éleveur constate également une baisse des cas d’entérotoxémie. « Quand il y a moins d’assauts de concentrés dans la journée, on a une flore intestinale en meilleure santé, donc des animaux plus robustes face aux autres maladies. »

Un troupeau indemne de Caev

Autre objectif de sélection : la morphologie des chèvres. « On vise surtout la qualité d’attache arrière de la mamelle, car à un tel niveau de production, le ligament risque de céder et la mamelle de traîner par terre. » En plus du risque de mammite, une telle situation entraîne des difficultés pour la traite et une moindre accessibilité de la mamelle en général. « On a des prés en pente avec des buissons, donc une mamelle qui traîne peut vite dégénérer en blessure. »

La sélection sur la conformation semble offrir d’autres atouts en permettant, selon l’éleveur, une bonne santé générale du troupeau. « Avec les années de sélection sur ce critère, on remarque que l’on a des animaux très complets. » Le chevrier reconnaît que les inséminations artificielles représentent un coût, mais qui est rapidement compensé par la vente des chevrettes et des boucs. « L’atout principal de notre troupeau, c’est qu’il est indemne de Caev. Nous effectuons chaque année des prises de sang, et nous n’avons eu aucun cas depuis 1986. »

Anticipant le départ à la retraite de ses parents, Aurélien Lepin envisage de recruter un salarié ou un associé à moyen terme. « En plus de donner de la plus-value à notre exploitation avec le travail génétique fourni, on est fiers de faire avancer le cheptel caprin français qui attire de plus en plus à l'étranger. »

« Des index à la hausse grâce au suivi des filiations »

Pour Antoine Gourdon, technicien référent Capgènes, l’historique génétique et le soin porté à l’enregistrement des filiations ont permis un important progrès génétique sur la morphologie et le rendement fromager.

« La famille Lepin a toujours été passionnée de génétique. À leur installation dans les années 1960, les grands-parents avaient des vaches laitières et ils s’intéressaient déjà à la génétique pour augmenter la productivité. Aujourd’hui, Aurélien continue d’améliorer les performances du troupeau caprin. Avec l’aide des nouveaux outils numériques, les appariements sont mieux optimisés. Mais cela fonctionne uniquement parce qu’il connaît la filiation de tous ses animaux. Il a des très bons boucs de ferme qui, avec la saillie naturelle, lui permettent d’améliorer son index de production caprine. Certains éleveurs ne font pas de filiation paternelle et progressent donc moins vite. Au-delà de la production, avoir un objectif de conformation avec une bonne attache arrière de la mamelle lui évite des problèmes sanitaires, essentiel à ce niveau de production. Sur les cinq dernières années, le troupeau a gagné 12 points d’index production caprine (IPC) et 1,9 point d’index combiné caprin (ICC). On nous dit souvent que le schéma de sélection n’est pas fait pour les fromagers, alors qu’à l’instar du Gaec Lepin, de bons index donnent un meilleur rendement fromager. »

Chiffres clés

148 chèvres
1 200 litres de lait par chèvre
125 d’index de production caprine
106 d’index morphologique caprin
3,4 d’index combiné caprin moyen du troupeau
Rédaction Réussir

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