« Nous optimisons chaque mètre carré de bâtiment avec une génétique performante »
L’EARL Bonneau, située en Vendée, a gagné cette année la Saanen d’or de Capgènes. En fermage total et ne pouvant donc s’agrandir, l’EARL a choisi d’optimiser chaque mètre carré de la chèvrerie grâce à la génétique.
L’EARL Bonneau, située en Vendée, a gagné cette année la Saanen d’or de Capgènes. En fermage total et ne pouvant donc s’agrandir, l’EARL a choisi d’optimiser chaque mètre carré de la chèvrerie grâce à la génétique.
Le 28 février dernier, au Salon international de l’agriculture, Capgènes a remis à l’EARL Bonneau le trophée Saanen d’or qui récompense les éleveurs les plus impliqués dans le schéma de sélection de la race Saanen. L’histoire de l’EARL Bonneau, à Saint-Michel-Mont-Mercure, en Vendée, commence en 1971 avec l’arrivée des Deux-Sèvres des grands-parents de Christophe Bonneau, accompagnés de 15 chèvres Alpines. « Ils se sont installés là où nous sommes encore, en fermage total, explique Christophe, aujourd’hui associé avec sa femme Magali. Mes parents ont ensuite pris la suite, en passant en saanen. Puis je me suis installé en 1998. » À l’installation de Christophe, le troupeau est agrandi et une chèvrerie pouvant accueillir 200 chèvres est construite, avec mise en place du contrôle de performances. Puis, en 2007, au départ en retraite de ses parents, Christophe s’associe avec sa femme Magali. « Notre laiterie, Lactalis, nous a alors suggéré de nous agrandir, expliquent-ils. Mais nous étions toujours en fermage total et nous ne voulions pas investir encore dans des bâtiments sur un terrain dont nous n’étions pas propriétaires. » Les éleveurs décident alors de miser sur la génétique pour optimiser chaque mètre carré de la chèvrerie. Ils choisissent de développer l’insémination animale (IA) débutée en 2005. Et ils adhèrent à Capgènes en 2009. « Je me suis vite pris au jeu, car la génétique m’a toujours intéressé, précise Christophe. À 16 ans, quand mon père avait 50 vaches, je suivais les ascendances et descendances du troupeau. »
62 % des chèvres issues d’insémination animale
L’exploitation compte aujourd’hui 200 chèvres, 30 vaches Blondes d’Aquitaine et 74 hectares. 50 % des chèvres sont désormais inséminées. « Je travaille beaucoup sur l’inventaire génétique pour choisir les chèvres à inséminer et les meilleurs boucs, explique Christophe. Pour chaque chèvre, je regarde les performances de l’année antérieure, ses index et ceux de son père et de sa mère. Je surligne en rose les index qui ne sont pas bons et en jaune ceux qui sont très supérieurs à la moyenne Capgènes. Je repère ainsi facilement les défauts et les atouts de chaque animal. » Depuis trois ans, l’éleveur insémine aussi chaque année une quinzaine de nullipares. « Même si elles font un peu moins de chevreaux, cela permet d’accélérer le progrès génétique, estime-t-il. Les deux premières années, le taux de réussite a été en moyenne de 72 %. » Dans un premier temps, les choix génétiques ont surtout porté sur la production, ce qui a permis d’atteindre 1 218 kilos de lait par chèvre et un IPC (index de production caprine) moyen de 119. « La sélection avance rapidement en caprin », apprécie Christophe. Il y a trois ans, l’éleveur s’est aussi concentré sur la mamelle, sans abandonner la production. « L’IMC, l’index morphologique caprin, qui était de 98, est remonté à 105, précise-t-il. Et les chèvres vieillissent de mieux en mieux. » Depuis un an, l’éleveur utilise aussi l’index fertilité. Et l’index combiné caprin (ICC) du troupeau a atteint 2,9 en 2023. « Aujourd’hui, l’objectif est d’être bons sur tous les critères pour augmenter encore les performances du troupeau et vendre des reproducteurs », indiquent Christophe et Magali Bonneau.
Réformes très strictes
Les inséminations sont réalisées le 15 septembre, sur le premier cycle, avec de la semence classique. « En 2022, j’ai testé les paillettes sexées, mais les résultats ont été très mauvais », précise Christophe. Le plan d’accouplement est réalisé avec Seenovia et Gènes Diffusion. Le taux de réussite à l’IA sur les chèvres est en moyenne de 58 %. Le lendemain des inséminations, les quatre boucs sont placés avec les 100 autres chèvres. Dix-huit jours après les IA, deux des quatre boucs sont déplacés dans le lot des chèvres inséminées, pour les retours. Toutes les chèvres sont échographiées le 1er décembre. Les chèvres vides sont réformées. « Comme nous avons un petit troupeau et que nous travaillons en couple, nous tarissons toutes les chèvres et fermons la salle de traite du 20 décembre au 10 février, expliquent les éleveurs. Cela nous fait une pause et permet de nettoyer la salle de traite pour la saison suivante. » L’élevage ne pratique ainsi aucune lactation longue. « La fertilité est donc essentielle et une cause de réforme, souligne Christophe. Je suis strict sur les réformes, sur la production, les cellules, mais aussi la fertilité. En 2023, 11 % des réformes étaient liées à la fertilité. »
Vente de boucs et de chevrettes
Pour assurer le renouvellement, 65 chevrettes nées d’IA sont gardées, en priorité des chevrettes issues de nullipares désormais. Elles sont choisies d’après les inventaires génétique et morphologique. « Vincent Gousseau, de Capgènes, vient pointer toutes les chevrettes », précise Christophe. Les autres chevrettes sont vendues à la pépinière Élevage Clochard. « L’élevage est inscrit au CSO tremblante et nous vaccinons contre la paratuberculose. Nous avons toutes les garanties sanitaires. Les tarifs varient selon les index, mais la pépinière achète toutes les chevrettes à vendre, soit 70 à 80 par an. » L’éleveur garde pour lui six boucs par an, issus des IA des meilleurs boucs sur les meilleures chèvres ou chevrettes. Cette année, quatre jeunes boucs, issus d’accouplements programmés, sont entrés à la station Capgènes. Et l’EARL en vend vingt à d’autres éleveurs. Les autres mâles sont vendus à trois jours à Ovicap pour l’engraissement.
L’importance du réseau
Au final, l’EARL Bonneau produit ainsi plus de 1 200 kilos de lait par chèvre par an, avec des taux assez stables à 40 de taux butyreux (TB) et 34,8 de taux protéiques (TP) en 2023, et vend 20 à 25 boucs par an et 70 à 80 chevrettes. « Mais pour cela, nous investissons 8 500 euros par an en paillettes, éponges, frais vétérinaires et d’insémination, adhésion à Capgènes et au contrôle de performances, précise Christophe. Et je consacre environ 15 % de mon temps à la génétique ». L’éleveur souligne aussi l’importance d’être entouré de conseillers. « Les structures sont importantes, mais aussi les humains qui nous suivent depuis le début, souligne-t-il. Nous n’aurions pas eu les mêmes résultats sans Laurent Suaudeau de Seenovia, Vincent Gousseau de Capgènes, Pascal Babin et François Gerbaud de Gènes Diffusion… » L’éleveur ne participe par contre jamais à des concours. « Il y a des risques sanitaires. Et je n’aime pas la compétition ni me mettre en avant. » Même s’ils sont encore loin de la retraite, Christophe et Magali Bonneau commencent aussi à réfléchir à l’avenir de l’exploitation. « Nos enfants ne sont pas intéressés. Mais comme nous prenons chaque année un CS caprin en apprentissage, l’un d’eux voudra peut-être reprendre l’exploitation. Et qui sait, peut-être qu’une opportunité d’achat du siège sera possible… »
Les meilleurs fourrages pour les chèvres
Les chèvres sont alimentées en ration sèche, avec au pic de lactation 2,1 kilos par jour d’un aliment Cavac associant du concentré chèvre laitière, un aliment azoté et des bouchons de luzerne. Le concentré est complété par 1,5 kilo d’enrubannage et du foin à volonté. Depuis son installation, Christophe Bonneau a arrêté le maïs ensilage et fortement réduit les céréales qui seront supprimées en 2025 pour ne produire que de l’herbe. « Je ne suis pas très intéressé par les cultures et le matériel », avoue-t-il. Les fourrages sont triés à la récolte selon leur qualité. « Un intérêt d’avoir à la fois des vaches et des chèvres est que je peux trier les fourrages. Je réserve les meilleurs fourrages aux chèvres. Les vaches ont le reste. » Deux semaines avant les inséminations, toutes les chèvres reçoivent par ailleurs du propylène glycol et des vitamines. Même si l’alimentation est assez riche, la ration a peu évolué depuis vingt ans, mis à part la qualité des concentrés. « C’est surtout la génétique qui a permis d’améliorer les performances », estime Christophe.
Chiffres clés
Coté éco
Résultats 2023
Avis de conseiller
« Une évolution très rapide »
En quatre ans, les chèvres ont gagné 30 kilos de lait, 0,4 gramme sur les taux et six points sur la morphologie. Analyse de Vincent Gousseau, technicien Capgènes en charge du suivi génétique de l’EARL Bonneau.
« Le trophée Saanen d’or récompense les éleveurs ayant eu une évolution génétique conséquente sur les cinq dernières années et qui se sont investis le plus efficacement dans le schéma de sélection de la race. L’EARL Bonneau a eu une évolution très rapide de son niveau génétique. Christophe est très à l’écoute des conseils qu’on lui donne et très précis dans son travail. Toutes les étapes sont minutieusement réalisées : le plan d’accouplement, la reproduction, le choix des femelles de renouvellement… La taille moyenne du troupeau permet aussi une bonne connaissance des animaux. En quatre ans, l’élevage a progressé génétiquement de 30 kilos de lait, 0,4 gramme de TP et 0,4 gramme de TB. La synthèse production du troupeau est aujourd’hui très élevée, avec un IPC de 119, contre 105 pour la moyenne de la race. Sur cette période la morphologie mamelle a gagné 6 points d’IMC, ce qui n’est pas facile à associer à la production. Le résultat est un troupeau complet sur tous les critères (+23 kilos en lait, +0,7 grammes en TP, +0,7 gramme en TB, IPC 119, IMC 105, Cellules 102, 2,9 ICC). L’EARL met aussi son travail de sélection au service du collectif et participe activement aux accouplements programmés pour la production de boucs du schéma de sélection national. Ces cinq dernières années, dix mères à bouc ont été sélectionnées chaque année et six boucs sont rentrés à Capgènes, dont Sirene S560 qui devrait être diffusé en catégorie reine (GA) l’an prochain. »