Les défis de la filière face à la société
Pour l’élevage de chèvres, ces dernières années ont vu émerger de nouvelles pratiques et de nouvelles idées liées aux préoccupations écologiques. La filière caprine doit y répondre pour se tourner vers l’avenir.
Pour l’élevage de chèvres, ces dernières années ont vu émerger de nouvelles pratiques et de nouvelles idées liées aux préoccupations écologiques. La filière caprine doit y répondre pour se tourner vers l’avenir.
La filière caprine, au cours des années 2010, est marquée par une diffusion de certains modes de pensée et modes alimentaires en contradiction avec le modèle intensif. Les problématiques liées au développement durable ainsi que la protection animale impactent les habitudes de consommation. S’accentuant graduellement, la tendance industrielle de la filière introduit de nouveaux outils et de nouvelles technologies dans l’organisation des exploitations. Les enjeux de l’élevage d’aujourd’hui et de demain sont de natures multiples : un champ des possibles s’ouvre à la filière caprine pour la décennie à venir.
Au bonheur des chèvres
De plus en plus, la question du bien-être en élevage est posée par la société. Du consommateur attentif à la provenance des produits qu’il achète au militant végane, la place et les droits des animaux domestiques font l’objet de polémiques. L’éleveur de chèvres, qui vit quotidiennement au contact de ses bêtes, est directement impliqué dans les débats. « La chèvre étant un animal très familier et sympathique, le lien existant entre les animaux et l’éleveur fait du bien-être animal une question à laquelle les éleveurs sont sensibles », remarque Jean-Claude Le Jaouen.
Vers une automatisation généralisée
Dans une société 2.0, l’ensemble des filières de l’élevage s’inscrit dans un contexte de mutation des technologies. Les outils d’assistance et les logiciels de gestion, parfois présents dans les smartphones et tablettes sous forme d’applications, sont à portée de main pour permettre à l’éleveur de rester connecté. Utiles pour les grands troupeaux, les nouvelles technologies peuvent offrir au professionnel de l’élevage un important gain de temps et une autonomie certaine. Encore faut-il pouvoir amortir les investissements que ces techniques représentent et être prêts à les utiliser car, pour certains éleveurs, elles peuvent entrer en contradiction avec leur passion.
Préserver la biodiversité
En décembre 2017, Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint de l’Inra, déclarait dans La Chèvre « L’élevage a toute sa place dans une alimentation durable. Loin d’être un acteur majeur du réchauffement climatique, il doit être l’un des acteurs majeurs d’une agriculture climato intelligente. » Valorisant les surfaces difficilement labourables, le pastoralisme traditionnel et les ruminants participent à la préservation des paysages et des terroirs contre l’érosion et l’urbanisation, fertilisent les sols, préviennent les inondations et maintiennent la biodiversité. Mais le défi incarné par la protection de la biodiversité n’est pas complètement relevé : le retour des grands prédateurs dans les régions pastorales rend difficile la cohabitation entre les troupeaux, les loups, les ours ou les lynx.
Avis d’éleveurs : Aurélien et Karine Mourier, éleveurs de 125 chèvres en Ardèche
« Notre image est menacée par l’industrialisation »
« Le point fort de notre filière aujourd’hui est son antériorité par rapport à d’autres. Il y a un savoir-faire, une génétique, un travail fait sur les appellations. En élevage de chèvres, nous avons donc une longueur d’avance, des salons, des outils, des moyens… C’est ce que constatent des éleveurs qui s’installent aujourd’hui et qui se font aider par un réseau compétent. Quand nous nous sommes lancés, nous étions un peu insouciants et nous avons découvert les difficultés au fur et à mesure. L’installation est toujours compliquée : au moins dix ans pour que tout soit en place. Grâce au groupe caprin que nous avons intégré, nous avons pu être formés.
Nous vivons un peu mieux maintenant et nous avons choisi d’embaucher de la main-d’œuvre pour nous libérer un peu de temps. Le troupeau n’était pas assez grand pour automatiser, et ça ne nous intéressait pas, même si ça peut sembler plus économique. Mais, comme dans le reste des filières agricoles, l’industrialisation est prépondérante. Jusque-là, notre filière bénéficie d’une bonne image auprès du consommateur. Si la tendance à l’industrialisation ne s’inverse pas, l’évolution du modèle d’élevage risque de nuire à l’ensemble de la filière, car nous sommes tous sur le même marché. En Ardèche, nous ne sommes pas compétitifs, tandis qu’ailleurs, les troupeaux se concentrent et grossissent. Ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus souhaitable pour les éleveurs, car ça devient compliqué de s’occuper de toutes les chèvres, surtout en période de mise bas par exemple. Tout est plus simple quand ce n’est pas industrialisé, surtout en termes de rapport à l’animal. L’émergence du mouvement végane fait réfléchir, ainsi que la question du bien-être. Comme nous faisons beaucoup de vente directe, nous remarquons que les consommateurs se préoccupent du sort des chèvres et des chevreaux. Il faut être capable de penser l’évolution de notre système actuel pour qu’il soit durable et s’adapter aux exigences des consommateurs, car ce sont aussi eux qui nous font vivre. »