Le bien-être pour les chèvres et les éleveurs à la Fringale
Au Gaec de la Fringale, les éleveurs se soucient du bien-être de leurs chèvres, tout comme du leur, au travail et dans leurs convictions.
Aire d’exercice, enrichissement du milieu, brosses rotatives, phytothérapie, reproduction saisonnée sont autant de facteurs du bien-être animal que garantissent Isabelle Genevier et Richard Bransol à leurs 160 chèvres. Le Gaec de la Fringale, à Veuil, dans l’Indre, est en plein cœur des zones AOP de selles-sur-cher et valençay. Les quelque 90 000 litres de lait annuels sont intégralement transformés et vendus via différents canaux. Un gros tiers des fromages partent en frais salé chez un affineur alors qu’un quart de la production est emmené à Rungis par un intermédiaire. Un autre quart est destiné au GIE Berry-Touraine qui prend en charge les cinq AOP caprines du Centre. Le reste est vendu en direct sur la ferme et à un restaurant du coin.
Augmenter la production sans augmenter le cheptel
Isabelle Genevier s’est installée hors cadre familial en 2014, elle a repris la ferme et le troupeau et les voies de commercialisation. Mais elle a apporté sa touche personnelle pour la conduite de l’élevage et les choix sont faits en adéquation avec ses convictions. « À la reprise, le troupeau n’était pas bon. Je me suis fixé l’objectif d’augmenter la production laitière sans augmenter le cheptel, se remémore-t-elle. J’ai donc sélectionné au fur et à mesure les meilleures productrices, leur libérant de la place en bâtiment à mesure des réformes. » Le couple de chevriers s’est imposé un principe simple, préserver un maximum les chèvres pour les garder plus longtemps. « Les chevrettes sont si coûteuses à élever, nous avons tout intérêt à miser sur les adultes », explique la jeune femme.
Une reproduction centrée sur le renouvellement
Les lactations longues sont donc privilégiées pour plus des deux tiers du troupeau. « Nous faisions habituellement 45 inséminations artificielles, mais nous avons eu de gros problèmes de portées multiples avec parfois cinq chevreaux, des avortements, etc. Tout cela impactait trop nos chèvres. Nous reprendrons avec de la monte naturelle la prochaine saison », explique Isabelle Genevier. Tout le troupeau est saisonné car, d’une part, l’éleveuse ne souhaite pas aller contre la nature et, d’autre part, une grande partie des ventes se fait grâce au tourisme estival. C’est donc pendant l’été qu’il faut toute la force de production. La reproduction ne sert finalement qu’à mettre au monde des chevrettes de renouvellement.
L’aire paillée, un atout pour le confort des chèvres
Il faut produire, certes, mais Isabelle et Richard, qui a rejoint l’exploitation en 2017, sont attentifs à leurs animaux. Une parcelle d’un hectare et demi de prairie naturelle jouxte la chèvrerie. Elle fait le bonheur des chèvres, qui s’en servent d’aire d’exercice et d’amusement, surtout depuis qu’un tronc d’arbre y a été déposé. « Quand les chèvres font de l’exercice, elles ne produisent pas, reconnaît Isabelle. On observe toujours une chute de 15 à 20 litres les premiers jours où elles peuvent sortir, mais cela ne dure pas. » Et voir les chèvres gambader dans l’herbe, quel bel outil de communication avec les clients qui viennent faire leurs emplettes sur la ferme ! « Je discute beaucoup avec les visiteurs, je leur explique pourquoi les chèvres ne sortent pas tout le temps, je reste ouverte à leurs questions et préfère la transparence ».
Miser sur la transparence et la communication
Pas d’arbre sur la parcelle ? Ça risquerait de faire augmenter la pression parasitaire sur une zone restreinte. Même problème avec un point d’eau. Certaines chèvres n’ont pas de cornes ? L’éleveur précédent les écornait, mais elles ont aujourd’hui suffisamment de place pour ne pas se battre ni se concurrencer à l’auge alors Isabelle les laisse pousser. Dans le même esprit, Isabelle et Richard ont installé l’hiver dernier une brosse rotative dans l’aire paillée. « Depuis qu’on l’a mise, les chèvres font un peu moins de bêtises », sourit Richard Bransol.
Un tank à lait plus que bienvenu
Là où les éleveurs ont le plus travaillé à leur bien-être personnel, c’est au niveau de la salle de traite. Celle-ci, équipée de 12 postes pour deux quais de 20 places, permet de réaliser la traite en une heure et demie. Le bémol, c’est qu’à l’installation d’Isabelle, l’exploitation était dépourvue de tank à lait. Le lait était donc amené au fur et à mesure à la fromagerie où il était refroidi très artisanalement. La chevrière s’est donc dotée d’un tank de 700 litres situé dans la fromagerie. Un lactoduc entre la salle de traite et le local transformation se charge du reste. « Cela nous évite beaucoup de manutentions, permet de stocker du lait en cas de problème et évite les mauvaises surprises du refroidissement contrôlé au petit doigt », assure la jeune femme, dynamique.
À la recherche de l’autonomie fourragère pour du confort économique
En théorie, l’exploitation est autonome en fourrages depuis la reprise par Isabelle. En pratique, tout n’a pas été simple pour la chevrière qui aimerait pouvoir compter sur les 28 hectares dédiés au fourrage et se passer d’achats extérieurs. Pourtant, le système était rodé : le blé, l’orge et le colza sont vendus et la paille est gardée ; l’avoine, le maïs grain, le millet et le tournesol assurent l’autonomie protéique. Côté fourrages, la ferme a subi un incendie en 2016 qui a fait perdre toute la première coupe et qui a compromis le semis suivant. C’est ensuite trois années de sécheresse qui ont nécessité des achats de fourrage. En 2019, les associés ont essayé d’implanter de la luzerne, avec succès. Ils ont pu faire deux coupes, de même cet été avec seulement cinq millimètres d’eau entre les deux coupes. Isabelle ne désespère donc pas d’atteindre son objectif d’autonomie alimentaire totale.