A14 ans, il gérait déjà lui-même la génétique du troupeau familial. Nicolas Turpault rejoint en 2003 le Gaec de ses parents, le troupeau passe alors à 360 chèvres, auxquelles s’ajoutent les 90 chevrettes de renouvellement. À son arrivée sur l’exploitation, Nicolas décide avec ses parents de recréer un troupeau indemne de Caev et obtient la qualification indemne pour son troupeau, qu’il n’a plus depuis le changement de système d’analyses. Il peut alors facilement trouver des acheteurs pour ses reproducteurs. Il démarre en effet la vente de 220 chevrettes et d’une centaine boucs par an. L’engouement pour la génétique s’est manifesté tôt chez Nicolas Turpault. « Mes parents sont adhérents au contrôle laitier depuis leur installation en 1977 et à Capgènes depuis 1992, se remémore l’éleveur de 37 ans. J’ai baigné dès mon adolescence dans la génétique, mes parents y accordaient déjà beaucoup d’importance. Il y a trois critères sur lesquels je travaille principalement : la production de lait, les cellules et les taux pour avoir un bon prix du lait. » D’ailleurs, à l’arrivée du nouveau troupeau, toutes les chevrettes ont été inséminées et « les taux ont connu une belle progression sur les dix années suivantes », se rappelle Nicolas Turpault. Depuis 2013, Denis Rabusseau a rejoint le Gaec, puis les parents de Nicolas sont partis à la retraite. Aujourd’hui les deux associés emploient deux apprentis, ce qui leur permet de se dégager du temps de travail pour aller plus loin dans la gestion du troupeau. « Je ne pourrais pas dire combien de temps je passe à travailler sur la génétique, cela se fait au fur et à mesure et un peu chaque jour », explique Nicolas Turpault. En 2018, la production moyenne par chèvre s’élevait à 1 244 kg de lait soit une production globale de près de 450 000 litres par an, livrés à Terra Lacta. Les taux moyens sont également très corrects puisque le taux butyreux s’élève à 37,8 g/kg et le taux protéique à 33,5 g/kg.
Moins de renouvellements pour plus de grosses productrices
Nicolas Turpault aimerait augmenter sa production en atteignant les 1 300 voire 1 350 kg par chèvre, mais sans pour autant renforcer le cheptel. Il a à cœur de garder un élevage à taille humaine et fait remarquer, non sans ironie, qu’il produit autant de lait que certains élevages à 500 chèvres. « Il faudrait que je passe des 22 % de renouvellement actuel à moins de 18 %, afin d’avoir le moins possible de chevrettes dans le troupeau, donc plus d’adultes et une production moyenne par chèvre plus élevée », détaille l’éleveur. Déjà, les chèvres quittent l’exploitation à l’âge moyen de six ans, soit deux ans de plus que la moyenne du contrôle laitier. Il connaît chacune de ses chèvres et pour les meilleures d’entre elles, connaît même leur ascendance sur une voire deux générations. Pour ses chèvres 100 % alpines, la reproduction se fait par insémination artificielle pour la moitié du troupeau avec le meilleur index génétique, le reste se fait en monte naturelle. Ces deux paramètres ne sont pas toujours corrélés comme le montrent les résultats du contrôle laitier : la meilleure laitière produit 7,8 kg par jour mais a un index génétique négatif. « J’aimerais que la meilleure puisse dépasser les 9 litres de moyenne. C’est faisable, mon record plafonne pour l’instant à 10,1 litres », annonce l’éleveur. Une recherche de performance globale et individuelle qui pousse le chevrier a adopté la conduite de troupeau en conséquence.
Génétique, bien-être animal et hygiène lors de la traite
Pour essayer de réduire les taux cellulaires, qui lui coûtent 5 000 euros par an sur la paye de lait, il fait installer un système de désinfection des manchons de traite par pulvérisation entre chaque chèvre. Nicolas Turpault veille également à ce que ses chèvres ne subissent aucun stress. Pour cela, il limite le nombre d’intervenants sur son élevage. Il réalise lui-même la taille des onglons et les échographies. Le vétérinaire vient très peu. « Finalement, les seules personnes qui viennent sont les commerciaux, le contrôle laitier et l’inséminateur », se félicite l’éleveur deux-sévrien. Les deux associés du Gaec Turpault essayent de limiter au maximum l’utilisation d’antibiotiques et se tournent de plus en plus de préférence vers les traitements phytothérapeutiques. Amateur du fabricant de compléments alimentaires Néolait, Nicolas Turpault utilise depuis cette année une solution contenant persil et artichaut pour le tarissement de ses chèvres les plus productives, après avoir créé un stress alimentaire en diminuant la ration de concentrés. Il utilise aussi les granulés à l’eucalyptus, toujours du même fabricant breton, pour soigner la grippe. En plus de cela, Nicolas Turpault a mis en place des cornadis pour les chevrettes. « Elles s’habituent dès leur plus jeune âge aux manipulations, aux vaccins aussi », précise l’éleveur. Il est fier de la relation de confiance qu’il a avec ses chèvres et celles qui ont eu une carrière d’exception ne sont pas envoyées à l’abattoir, mais passent leurs derniers jours sur la ferme, entourées de leurs congénères. « C’est une émotion pour nous lorsque ces très bonnes chèvres meurent », ajoute-t-il.
14 282 kg de lait en huit lactations
À ce jour, sa meilleure chèvre est la 0168 qui a produit 14 282 kg de lait en huit lactations. Nicolas Turpault reçoit fréquemment des visiteurs internationaux sur son exploitation pour montrer le bon niveau génétique du troupeau et le haut niveau de production. « J’ai accueilli des Russes, des Brésiliens, des Italiens… Tous étaient très intéressés par les résultats du troupeau et surpris de voir que nous avons un peu moins de 400 chèvres », se remémore Nicolas Turpault. Pour lui, un seul regret, celui de n’avoir jamais été vraiment reconnu et récompensé par ses partenaires professionnels (laiterie, centre génétique, etc.) pour les niveaux de production impressionnants et le fait que plus d’une trentaine des meilleures laitières de France se trouvent dans son troupeau.