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La filière caprine en ordre de bataille face au changement climatique

Dans le cadre de sa feuille de route Cap’Climat, l’Anicap lance, avec l’appui de l’Idele, un projet ambitieux afin de faire émerger localement des solutions : Cap’Climat Territoires.

Cap’Climat est la démarche nationale mise en place par l’Anicap en 2022. Elle définit les grands objectifs de la filière laitière caprine pour lutter contre le changement climatique d’ici à 2030. Cette feuille de route a été rédigée à l’issue du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique. Elle comprend deux volets : l’atténuation, avec notamment le projet Casdar Élevages caprins durables, l’intégration du diagnostic Cap’2ER niveau 1 au code mutuel caprin, les stratégies régionales bas carbone… et l’adaptation, avec les projets Climlactic, Batcool, Adaopt, Cap’Adapt en Pays de Loire et Auvergne-Rhône-Alpes, le PEI résilience des systèmes caprins ou encore le projet Ferti’Heat en cours de dépôt.

Pour assurer la réussite de ces projets, c’est toute la filière qui doit être mobilisée. « Beaucoup estiment peut-être que les filières animales ne font pas ce qu’il faut et qu’il est plus simple de diminuer les troupeaux et d’arrêter de manger de la viande et des produits laitiers que de trouver des solutions. Or une multitude d’acteurs est impliquée sur la question climatique, a souligné Franck Moreau, en introduction de la journée de lancement Cap’Climat Territoires le 1er juin. Ça bouge dans les exploitations et les réseaux techniques. Il faut être efficaces et clairs sur la manière dont tous s’articulent. Les filières d’élevage se bougent face au changement climatique. »

Adaptation et atténuation au changement

« Il y a un vrai enjeu de transfert et de vulgarisation, a renchéri Mickaël Lamy, président du Brilac. Jusque-là, en cas de sécheresse, les éleveurs se disaient : "On achètera du foin ou des concentrés." Mais aujourd’hui, nous sommes en première ligne face au changement climatique. »

D’après le 6e rapport du Giec, le changement climatique est sans équivoque. Il est donc nécessaire d’accompagner l’adaptation des systèmes caprins pour y faire face. Les principales zones d’élevage caprin vont être confrontées aux aléas climatiques, avec une modification des périodes de croissance de l’herbe et de valorisation possible des fourrages. Les enjeux seront forts et multiples, tant sur l’adaptation des systèmes de cultures que sur la conduite du troupeau (reproduction, alimentation, etc.). Les travaux de recherche et développement sur ces thématiques sont nombreux en caprin. L’enjeu est d’assurer leur état de fonctionnement en élevage, selon les contextes locaux.

Pour cela, sept groupes d’éleveurs sont en cours de mise en place pour construire des systèmes adaptés au changement climatique. C’est Cap’Climat Territoires. Financé par l’Anicap et piloté par l’Idele, ce projet a pour objectif de faire émerger localement des solutions d’adaptation au changement climatique des élevages caprins ainsi que d’atténuation de leur impact. Il est complémentaire d’ADAoPT pour l’AOP picodon et l’AOP valençay ainsi qu’aux 10 groupes de travail sur l’adaptation au changement climatique déjà mis en place dans le cadre du réseau REDCap en Nouvelle-Aquitaine.

Mobiliser les éleveurs dans Cap’Climat

Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, dans ces sept régions, des groupes d’éleveurs sont créés et vont travailler avec une méthode commune pendant trois ans pour construire un système local adapté, favoriser la diffusion des solutions techniques et le partage d’expérience. Au cours de la première réunion, les projections climatiques locales sont présentées à partir du scénario le plus pessimiste, +4 °C d’ici à 2100, mais qui est aussi le plus probable aujourd’hui.

Les éleveurs sont invités à définir les priorités de leurs thèmes de travail pour adapter les élevages caprins de leur région au changement climatique. « Les thèmes prioritaires des trois premiers groupes réunis sont le système fourrager, les rotations culturales et, notamment, la rénovation des prairies, a précisé Caroline Sauvageot, coordinatrice Cap’Climat Territoires. Nous avons un vrai enjeu de mobilisation des éleveurs sur trois ans pour que ce projet soit une réussite. C’est plus facile dans les régions où des groupes existaient comme en Saône-et-Loire et dans le Centre. »

Après les projections climatiques, des projections de la pousse de l’herbe seront présentées à partir du modèle Stics de l’Inrae. Il permet de faire des modélisations de pousse de l’herbe (rendements, dates de récolte, besoins en eau) sur l’ensemble du cycle pour chaque zone. « Au sein des groupes d’éleveurs du RedCap, nous travaillons non pas sur des moyennes, mais des types d’année : poussante ; sécheresses estivale et automnale ; sécheresse précoce et repousse automnale ; printemps pluvieux. L’enjeu dans ces différentes “années types” est de réussir l’implantation et la conduite d’une prairie productive et de qualité, que ce soit pour de l’herbe pâturée ou des stocks, a résumé Jérémie Jost, animateur du réseau RedCap en Nouvelle-Aquitaine à l’Institut de l’élevage. Pour le Poitou méridional par exemple, nous avons mobilisé le rami fourrager, un jeu sérieux développé il y a dix ans. Nous avons travaillé sur l’évolution du système fourrager dans le futur et le bilan fourrager en fonction du type d’année en relation avec les besoins des animaux. Certaines années, le bilan est positif, d’autres négatifs. Par exemple, sur un troupeau de 400 chèvres de la zone en système foin de luzerne, il manque 37 tonnes de fourrages en moyenne. L’enjeu est fort. »

L’objectif est que tous les groupes soient lancés cet été et aient réalisé leur seconde réunion pour la fin de l’année. Les éleveurs aborderont l’adaptation du système fourrager, des cultures (assolement, rotations, itinéraires techniques…), de la conduite du troupeau, notamment la reproduction, des bâtiments (ventilation, salle de traite…) et de la fromagerie.

Le volet atténuation ne sera pas oublié, avec la mobilisation de leviers via les cultures, la conduite du troupeau ou encore la gestion de l’eau en fromagerie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des élevages caprins.

Côté web

Retrouvez toutes les informations sur la feuille de route de la filière caprine Cap’Climat sur anicap.org/cap-climat et pour plus de précisions sur les groupes de Cap’Climat Territoires, sur idele.fr/CapClimatTerritoires/

« Le changement climatique affecte déjà toutes les régions de la terre »

« Lorsque l’on observe l’évolution des températures de 1880 à 2020, on voit que le réchauffement est global, et que des régions se réchauffent plus que d’autres, notamment les continents plus que les océans, a expliqué Aurélie Madrid de l’Idele, lors de la journée de lancement Cap’Climat Territoires le 1er juin. Cela est dû à l’inertie plus importante de l’eau. Le changement climatique affecte déjà toutes les régions de la terre de multiples façons. En France, le réchauffement est de 1,5 °C en 2017. »

Quant à ses origines, le Giec rappelle que s’il existe une variabilité naturelle du climat, elle ne suffit pas pour expliquer les changements climatiques observés. Deux effets combinés jouent : un réchauffement dû aux gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane et protoxyde d’azote) et un refroidissement lié aux aérosols (particules fines). Il est incontestable que les activités humaines sont à l’origine du changement climatique.

Les messages clés du dernier rapport du Giec sont clairs : les changements climatiques récents sont généralisés, rapides et s’intensifient. Ils sont sans précédent depuis des milliers d’années. Et ce changement rend les phénomènes climatiques extrêmes plus fréquents et plus graves (notamment les vagues de chaleur, les fortes précipitations, les sécheresses). Il n’y a pas de retour en arrière possible pour certains changements dans le système climatique. Mais d’autres pourraient être ralentis et certains arrêtés en limitant le réchauffement.

Changement climatique, chaque région cherche ses solutions

Le travail mené par les groupes d’éleveurs de Cap’Climat Territoires débute seulement, mais ils se sont prêtés à l’exercice de mettre en avant les enjeux et potentielles solutions pour chaque zone.

Saône-et-Loire

En Saône-et-Loire, le climat sera plus chaud (de type Marseille !), avec une pluviométrie difficile à anticiper. L’herbe pousse déjà très vite en mai, avec des températures de plus en plus élevées, un arrêt de la pousse l’été et des hivers froids. Les enjeux identifiés par les éleveurs du groupe Cap’Climat Territoires sont l’adaptation du système fourrager, les rotations culturales, les bâtiments, la reproduction et la fromagerie, dans un département très fermier. Des actions ont déjà été réalisées sur la pérennisation de l’alimentation du cheptel, avec l’optimisation des assolements, l’introduction de légumineuses, l’amélioration des prairies permanentes…

Drôme

Les enjeux sont importants pour la Drôme, qui aura un climat méditerranéen et de montagne sèche. Le maintien ou non de l’irrigation dans le nord du département et la plaine de Valence conditionnera la présence de certaines cultures. Côté solutions, les éleveurs jugent indispensable de développer le stockage de fourrages face aux aléas avec une capacité de stocker 18 mois en une année. La révision des bâtiments (isolation, orientation, ventilation) et la valorisation des fourrages d’automne-hiver alors que les cahiers des charges des AOP interdisent les fourrages humides sont aussi au cœur des débats. Enfin, les éleveurs ont souligné l’importance de la ferme expérimentale caprine du Pradel toute proche pour l’adaptation au changement climatique.

Centre

Le cahier des charges du crottin de Chavignol a changé en décembre 2022 pour intégrer des points sur l’alimentation concentrée, l’hygiène de la litière, l’ambiance du bâtiment et l’élevage des jeunes. « La grande question du changement climatique est : "Comment anticiper l’imprévisible ?" a souligné Dominique Verneau, représentant de l’AOP le 1er juin. Parmi les défis qui nous attendent, il y a celui parfois oublié de l’énergie. Nous devons trouver des solutions pour économiser et produire de l’énergie dans un monde avec 50 % d’énergie fossile en moins. »

Lot et Aveyron

Dans le Lot et l’Aveyron, les éleveurs font eux aussi face à l’avancée de la pousse de l’herbe au printemps, et l’impossibilité de la conserver sous forme humide. Que faire de cette herbe ? : pâturage, affouragement en vert, séchage en grange… L’enjeu est de conserver, voire d’augmenter l’autonomie alimentaire et de limiter l’impact des fortes températures sur les troupeaux. Améliorer les prairies avec des mélanges multi-espèces, implanter des méteils, repenser les bâtiments et l’abreuvement des animaux… autant de pistes à explorer pour le groupe.

Hérault, Tarn et Aude

Dans ces territoires avec une pratique historique du pastoralisme, la question est d’assurer une ressource fourragère en qualité et quantité, et notamment en préservant la ressource sur parcours et l’autonomie alimentaire des systèmes pastoraux extensifs. Premières pistes de travail : mise en place et implantation de variétés plus résistantes à la sécheresse, allongement de la durée de vie des prairies, plantation d’arbres et de haies, installation de systèmes de récupération de l’eau (en étant vigilant à la qualité de l’eau), décalage de la période de reproduction…

Bretagne

Les éleveurs bretons ont pour enjeu de réussir les cultures fourragères et céréalières pour nourrir les troupeaux en maintenant la production laitière. La question du recours à l’irrigation se pose pour certaines zones de la Région. Ils souhaiteraient créer un diagnostic sécheresse qui mettrait en avant les fragilités des exploitations aux aléas climatiques et proposerait des solutions pour les cultures, l’élevage.

Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire

Ces deux Régions travaillent depuis 2020 sur le sujet de l’adaptation au changement climatique et ont permis de créer les premières références sur le sujet. Dix groupes d’éleveurs sont mobilisés ainsi que la ferme expérimentale caprine de l’Inrae de Lusignan, notamment. Leurs travaux ont permis de créer le lien entre atténuation et adaptation au changement climatique, avec une approche système (solutions locales, opérationnelles et adaptées) et de tester les jeux sérieux existants pour les adapter à la filière caprine.

Pyrénées-Atlantiques

Le climat des Pyrénées-Atlantiques s’oriente vers des étés plus chauds et plus secs, avec une forte variabilité selon les zones et une pousse de l’herbe décalée à l’automne et au printemps. L’enjeu est la production de fourrages quantitatifs et qualitatifs alors que les élevages disposent souvent de peu de surfaces et sont dépendants des achats. Les éleveurs de ce groupe souhaitent également aborder l’implantation des cultures et les rotations, l’adaptation des fromageries et des bâtiments d’élevage.

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