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Du nouveau sur le pâturage des chèvres

La recherche agronomique cherche à mieux connaître le comportement alimentaire et les performances des chèvres au pâturage. Aperçu des recherches en cours.

Des travaux sont actuellement menés par l’Institut de l’Élevage (station du Pradel en Ardèche) et l’Inra (essais analytiques à l’UMR Pégase à Rennes et essai système à Patuchev-UE Ferlus à Lusignan) dans le cadre du Casdar CAPHerb et du PSDR Flèche, afin d’estimer de façon plus précise l’ingestion d’herbe au pâturage par la chèvre et ses facteurs de variation (temps d’accès, quantité d’herbe verte offerte, nature de la prairie pâturée, stratégie de complémentation azotée, pâturage d’automne, mise à disposition d’eau au pâturage…). La technique du pâturage est en effet pénalisée par la difficulté actuelle d’estimer les ingestions et les substitutions au pâturage.

Des repas plus longs lors d’un temps de sortie court

Suivre finement le comportement alimentaire de la chèvre au pâturage (périodes et durée d’ingestion, de rumination ou de repos) n’est pas simple. Ainsi, depuis 2015, des suivis couplés entre observations et mesures avec un accéléromètre (Lifecorder placé autour du cou des chèvres) sont réalisés. Les premiers résultats sont positifs, mais doivent encore être consolidés. À titre d’exemple, les suivis réalisés à l’Inra ont pu mettre en évidence que, sous contrainte horaire (4 ou 6 heures de pâturage dans la journée), les chèvres faisaient un long repas (un repas représentant plus de 95 % du temps de pâturage), alors que lors de sorties plus longues (8 heures), les chèvres avaient tendance à faire plus de repas (2 à 4) et à passer moins de temps effectif à ingérer de l’herbe (de 75 à 90 % du temps de pâturage). Les chèvres ont donc une bonne capacité à concentrer leurs activités de pâturage (moins de repas, mais des repas plus longs en cas de contrainte horaire) ! Ces essais (qui vont se poursuivre) permettront également de qualifier les performances laitières des chèvres à différentes durées de pâturage et d’herbe offerte (pression de pâturage).

Des compléments azotés pendant le pâturage

Au printemps 2016, un essai a été conduit à la station du Pradel, afin d’apporter des éléments de réponse à la question « quelle stratégie de complémentation azotée adopter au cours de phases de pâturage de prairies diversifiées ? ». Le schéma expérimental comportait 116 chèvres au pic de lactation, divisée en quatre lots selon la nature de la prairie pâturée (graminées vs prairie multi-espèces) et le niveau d’azote apporté par la complémentation (800 g/jour à 11,9 % MAT vs 21,4 %). Cet essai a été réalisé avec du pâturage tournant, sur des prairies très homogènes de ray-grass hybride (15,2 % MAT en moyenne), ou sur des prairies multi-espèces très hétérogènes (14,3 % de MAT en moyenne, avec 3 à 30 % de légumineuse selon la parcelle et la saison) à base de dactyle, trèfle violet et fétuque élevée. Exceptionnellement, le troupeau était conduit en bi-traite.

Premier constat, le niveau de complémentation azotée et la nature de la prairie pâturée n’ont pas eu d’effet sur les taux butyreux et protéique. Par contre, cet essai a permis de confirmer que le niveau de complémentation azotée a un effet sur la production laitière : +7 % de lait (235 g/chèvre/jour) produit avec un niveau de complémentation azotée élevée, quelle que soit la nature de la prairie. Les chèvres pâturant de la prairie de graminées sont plus réceptives à cet apport de concentré riche en azote (+317 g de lait/chèvre par jour).

Des chèvres trieuses en multi-espèces

À l’inverse, le niveau de complémentation azotée a peu d’effet sur la réponse laitière lors de pâturage de prairies multi-espèces. Les chèvres semblent avoir la faculté de trier l’offert, ce qui leur permettrait de choisir les espèces les plus riches en azote dans l’ingéré au pâturage de prairies multi-espèces, augmentant ainsi la production de lait. Mais cet effet peut être sans doute compensé par le niveau de complémentation protéique sur des prairies multi-espèces. On constate également que la durée d’ingestion sur du pâturage de prairie multi-espèces est plus importante que sur la prairie de graminées : + 28 minutes par jour en moyenne (sur 10 heures de pâturage). Ceci confirme certaines observations d’éleveurs sur le comportement alimentaire de tri de la chèvre sur prairies multi-espèces.

Il est donc prévu de poursuivre ces suivis à nouveau au printemps 2017, afin de confirmer certaines hypothèses et également de prendre en compte une nouvelle saison climatique (qui est pour l’instant bien différente de 2016 !) et de nouvelles prairies multi-espèces (en termes de nature et de période de pâturage).

D’essais analytiques à une approche systémique du pâturage

Ces résultats amènent à se questionner sur l’interprétation à faire de ces essais, en termes de conduite du pâturage. Pâturer du ray-grass hybride avec un haut niveau de complémentation azotée permet d’optimiser les performances laitières… mais à quel coût et avec quel résultat économique ? Privilégier une complémentation bas-azote semble pertinent avec du pâturage de prairie multi-espèces… à condition de réussir à conserver des légumineuses. Le compromis, c’est-à-dire valoriser des prairies en graminées, en luzerne et des prairies multi-espèces à différentes périodes de la saison de pâturage semble donc être une solution intéressante pour répondre aux enjeux de la conduite alimentaire d’un troupeau caprin, tout en limitant les besoins en intrants et en apportant de la souplesse à l’éleveur. Sans oublier qu’il faut évidemment prendre en compte la gestion intégrée du parasitisme, qui est la clef de voûte de la maîtrise de ces systèmes. Cette gestion intégrée est mise en place et suivie à la station du Pradel et à Patuchev depuis plusieurs années en jouant sur le triptyque suivant : renforcer la défense de l’hôte (la chèvre), réguler la source de contamination et réguler la population de vers adulte, tout en prenant en compte les enjeux économiques et temps de travail des éleveurs.

La prise en compte de ces essais analytiques à l’échelle d’un troupeau (réalisés à la Station du Pradel et à Patuchev) permettra d’évaluer des pratiques pertinentes pour mettre en place du pâturage en caprin efficace et répondant aux attentes des éleveurs. La filière caprine française dispose de cette opportunité, avec les différents dispositifs expérimentaux présentés dans cet article, qui sont complétés de réseaux d’éleveurs et de techniciens régionaux pour faciliter les échanges avec les éleveurs de chèvres (REDCap et PEP caprin).

En savoir plus

Deux rendez-vous pâturage à l’automne

Pour échanger sur les premiers résultats de ces essais et sur le pâturage en général, rendez-vous à la journée technique Cap’Vert le 28 septembre à Lusignan (Vienne) et aux portes ouvertes du PEP caprin le 12 octobre au Pradel à Mirabel (Ardèche).

Une maxi-pâturante en Dordogne

Stéphanie Kaminski est livreuse dans le nord de la Dordogne avec 150 chèvres qui produisent au pâturage 147 000 litres de lait (soit 980 l/chèvre), avec un TB de 37,4 et un TP de 32,7 en 2016. Les chèvres sortent après les mises bas qui ont lieu en mars. Au mois d’avril, elles valorisent des prairies en ray-grass italien et trèfle incarnat. Ensuite, les chèvres pâturent un mélange de vesce et d’avoine jusqu’à mi-juillet (semis 90 kg de vesce et 70 kg d’avoine). L’association de dates de semis différentes et de semis d’automne et de printemps permet d’étaler un maximum la période de disponibilité en ce fourrage vert. Durant l’été, les chèvres pâturent du sorgho fourrager (qui a été semé après le labour d’une parcelle en vesce-avoine d’automne), complété d’affouragement de luzerne (parcelles éloignées de l’exploitation) pour équilibrer la ration. En général, les chèvres pâturent trois fois par an chaque parcelle.

Deux à trois sorties par jour

Le parasitisme est maîtrisé dans cet élevage où les chèvres pâturent depuis 1995. Une coprologie est réalisée mensuellement. La clef de la conduite (et de la gestion du parasitisme au pâturage) repose sur le pâturage au fil avant de parcelles labourées tous les ans (cultures fourragères annuelles), le fractionnement des repas d’herbe verte dans la journée (deux à trois sorties par jour, ce qui favorise l’ingestion d’herbe lorsque les chèvres sont dehors) et le pâturage de cultures (sorgho, vesce-avoine) hautes. La maîtrise des transitions alimentaires est essentielle dans ce schéma, à la sortie au pâturage et lors du changement de la nature de l’herbe offerte. Cette pratique satisfait les éleveurs, mais nécessite d’accepter une astreinte quotidienne pour gérer les déplacements des chèvres. "Soigner ses chèvres en bâtiment prend également du temps, note cependant Stéphanie. Et c’est moins agréable que de faire le tour des prairies ».

Avec un niveau d’autonomie alimentaire de 75 % et une valorisation forte de l’herbe pâturée (70 % de fourrages dans la ration, soit 382 g/litre de concentré et déshydratés), le coût du système alimentaire est minimisé à 345 €/1 000 l, ce qui permet une rémunération de 320 € les mille litres.

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