Des granulés de sainfoin contre les nématodes
La firme service MG2Mix a développé des granulés déshydratés de sainfoin, une légumineuse riche en protéines et en tanins aux propriétés antiparasitaires.
Légumineuse un peu oubliée dans les rations fourragères, le sainfoin revient sous forme de granulés. Cette plante vivace à racine profonde valorise les sols calcaires en offrant du fourrage équilibré en énergie et en protéines. Les tanins naturels du sainfoin présentent aussi un grand intérêt par l’action de tannage des protéines d’abord mais aussi par leur effet anthelminthique.
Les tannins condensés du sainfoin retardent en effet le développement des nématodes gastro-intestinaux. La thèse d’Élodie Barbier menée à l’unité mixte de recherche Inra/Envt sur l’interaction hôtes-agents pathogènes a permis de montrer l’intérêt du granulé de sainfoin pour les petits ruminants. « Les granulés permettent une lutte alternative en complétant les anthelminthiques de synthèse et en limitant le développement des résistances à ces molécules chez les nématodes gastro-intestinaux » explique la jeune femme, devenue depuis responsable scientifique pour la firme service MG2Mix.
Une cure préventive de deux semaines minimums
Les essais ont montré qu’un seuil minimum de tannins condensés dans la ration entre 1,5 et 2 % en pourcentage de la matière sèche totale ingérée était nécessaire pour limiter le développement des larves L3. « Il faut au moins 15 jours de distribution pour altérer la biologie des nématodes » précise Élodie Barbier. Ainsi, après douze jours de distribution d’une ration avec du sainfoin contenant 1,9 % de tanin condensés, les agneaux présentaient 72 % de larves L3 d’Haemonchus contortus en moins que les agneaux ne recevant pas de tanins. Des effets ont aussi été montrés sur Trichostrongilus columbri et les recherches débutent sur les coccidies.
Les essais ont également montré qu’il est préférable de ne pas utiliser d’anthelminthique de synthèse, ici de l’ivermectine par voie orale, en même temps que les tannins pour éviter les interactions négatives. Dans la littérature scientifique, il a été montré que les chèvres sont capables d’une sorte d’automédication en augmentant leur consommation en cas d’infestation mais ce comportement n’a pas été montré lors des essais. « Pour bénéficier de l’effet antiparasitaire, il est préférable de distribuer les granulés déshydratés de sainfoin en cure préventive de deux semaines minimum au printemps et à l’automne » explique Élodie Barbier. Avec 16 à 17 % de MAT et 0,77 UFL par kilo de matière sec, les granulés présentent aussi un intérêt alimentaire.
Plus de picodons par kilo de lait
Pour concentrer les propriétés de la plante, la firme service en nutrition animale MG2Mix, basé à Châteaubourg en Ille-et-Vilaine, s’est alliée avec la jeune coopérative Sainfolia, dans l’Aube, pour développer une variété riche en sainfoin et créer une filière de sainfoin déshydratée. Le sainfoin déshydraté est ensuite proposé comme aliment du bétail par un réseau de fabricant d’aliment qui utilise cette matière première.
En Rhône-Alpes, c’est par exemple le cas de la Maison François Cholat qui vend du sainfoin à Bernard Chatelan et Isabelle Archinard. Les deux fromagers fermiers avec une centaine de chèvres à Rochefort-Samson dans la Drôme ont observé un meilleur rendement fromager, passant de 1,4 à 1,7 picodon par kilo de lait. « Nous en distribuons toute l’année, y compris aux chevrettes. La transition alimentaire au moment du sevrage se passe mieux et les chevrettes sont plus belles », explique Bernard Chatelan. En lactation, ils distribuent aux chèvres 400 g de granulé de sainfoin et 400 g de Capridigest, un mélange de céréales contenant des levures. « Nous connaissons le sainfoin car nous en avons tous les ans de deux à quatre hectares autour de la maison. Nous fauchons en mai quand elles commencent à fleurir. Cela fait beaucoup de volume mais qui n’est pas toujours facile à sécher ; les feuilles sèchent vite alors que les grosses tiges sèchent mal. Les chèvres pâturent ensuite les repousses. » Vendu 375 euros HT la tonne, le granulé de sainfoin est aussi apprécié pour son action antiparasitaire. « Nos chèvres pâturent de mars à octobre et, dans le passé, nous avons eu pas mal de problèmes de parasitisme. Avec le sainfoin et des cures mensuelles d’huiles essentielles, ça se passe mieux maintenant ».
Du lait et du fromage plus riche en oméga 3
Éleveurs dans le Rhône, Jean-François et Aurélien Lepin distribuent aussi du sainfoin depuis une saison, entre avril et octobre durant toute la saison de pâturage. « Les performances laitières ont été maintenues mais nous avons allégé notre lutte contre le parasitisme. Par exemple, les multipares n’ont pas été déparasitées au tarissement cette année ».
À Nueil-sous-Faye dans les Deux-Sèvres, Michel et Laurence Proust, éleveur laitier de 240 chèvres, ont diversifié leur source de protéine en remplaçant une partie de la luzerne déshydratée d’abord par du LuzaSainfoin, avec 50 % de sainfoin et 50 % de luzerne, puis par du SainfoinLuz, commercialisé aussi par Arrivé Bellanné mais avec 75 % de sainfoin. Vendus 230 euros la tonne, les bouchons de 6 mm sont très appréciés des chèvres lors des six repas quotidiens apportés sur les tapis par une distributrice sur rail. « En plus du foin de luzerne et du foin de graminée-trèfle, nous donnons 350 g de SainfoinLuz avec 1,4 kilo de chèvre laitière et 300 g de correcteurs azotés. J’ai l’impression que les chèvres ruminent davantage et la production s’est maintenue autour de 1 250 à 1 300 kilos de lait par chèvre ».
Dernier avantage démontré du sainfoin, la plante semble améliorer la qualité du lait et du fromage. Des essais suisses ont par exemple montré que les vaches recevant du sainfoin produisaient du lait et du gruyère significativement plus riche en oméga 3 que celles nourries à la luzerne.