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Des chèvres dans la forêt

D’ennemi numéro un à allier indispensable pour l’entretien de l’espace et la lutte contre les incendies, la place des chèvres en forêt a beaucoup évolué au fil de l’histoire.

Les chèvres ont longtemps été considérées comme ennemies des forestiers. © A. Villette
Les chèvres ont longtemps été considérées comme ennemies des forestiers.
© A. Villette

« Bœuf à barbe, mort des arbres » disait un dicton populaire originaire de la Drôme. Ainsi s’illustre la mauvaise réputation des chèvres dans le milieu forestier au cours de l’histoire. Ainsi, les chèvres réputées pour "leur garde difficile et leurs dents venimeuses" ont parfois été qualifiées de nuisibles. Elles ont été longtemps chassées ou maintenues loin des forêts par un ensemble de lois et une chèvre surprise dans un champ pouvait être tuée par le propriétaire de la parcelle.

« Mais la plupart du temps, les interdits étaient largement transgressés et les chèvres pullulaient, explique Jean-Noël Passal, ethnologue spécialiste des caprins. Car la chèvre, vache du pauvre, assure le lait, aliment aussi essentiel à la survie que le pain. Elle est nourrice à l’occasion. Elle a tous les atouts : peu onéreuse à l’achat, résistante aux maladies, elle s’adapte à tous les types de pâturages : bois, jachères et tous terrains difficiles ou inutiles aux autres bestiaux. »

Les arbres, une proie facile pour la dent de la chèvre

Chaque habitant, sans avoir la moindre propriété pouvait ainsi détenir quelques moutons et chèvres qu’il faisait paître où il pouvait, ce qui fait que tout arbre, buisson, haie vive pouvaient être leur proie. « Les occasions de pénétration des caprins dans les forêts étaient plurielles », rappelle Jean-Noël Passal. Ce pouvait être une chèvre seule que son maître vannier ou fabricant de balais emmenait avec lui dans la journée afin qu’elle se nourrisse des talus sous sa bonne garde. Ce pouvait être la présence permanente d’une ou deux chèvres nécessaires à l’alimentation des familles de charbonniers, le temps de leur installation sur les lieux mêmes de leur production, au cœur de la forêt. Et ce pouvait être via le droit de "glandée" des troupeaux, souvent collectifs (cochons, moutons, chèvres) où les animaux étaient menés en forêt sous la garde du porcher.

Des complémentarités entre usages forestiers et élevage

« Aujourd’hui il semblerait qu’une nouvelle approche de la forêt soit possible, sous les regards croisés de l’écologie et du risque incendie » conclut Jean-Noël Passal. L’Inra et l’ONF ont réalisé que les animaux pouvaient avoir un intérêt dans la lutte contre les incendies. Ils ont commencé à élargir les couloirs de lutte contre les incendies pour qu’ils soient intéressants à valoriser par le pâturage. « Il y a un intérêt à allier forêt et élevage » reconnaît Pascal Grosjean de l’ONF. Les arbres fournissent un abri pour le troupeau l’hiver, ils fournissent aussi une ressource abondante et variée qui apporte souplesse d’utilisation et sécurité en cas de sécheresse. Les animaux permettent de maintenir les paysages et le milieu ouvert et contribuent à la lutte contre les incendies. Enfin les deux activités peuvent être complémentaires en termes de revenu en associant la production de bois d’œuvre et le pastoralisme. Mais comme ce sont des milieux en croissance, avec des conditions d’accès qui peuvent être difficiles et une grande diversité de situations, il n’y a pas de recette toute faite. Des contrats d’entretien peuvent être souscrits, avec des objectifs de résultats sur la gestion annuelle de la végétation. « Le forestier doit être le maître des compromis car il y a souvent des attentes différentes entre gestionnaire et utilisateur. »

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