Au Salon de l'agriculture 2019, tous les chemins mènent aux caprins
L’édition 2019 du Salon de l’agriculture a été riche en évènements caprins. Autant sur le ring que dans les allées du salon, petits et grands ont pu redécouvrir la filière dans tout son dynamisme.
La chèvre a connu un franc succès lors du salon de l’agriculture à Paris. Pour cette 56e édition de la plus grande ferme de France qui s’est tenue du 23 février au 3 mars, interprofession caprine, syndicat et centre de sélection se sont donné la main pour garantir aux visiteurs une plongée au cœur de la filière. Sur le stand de la ferme caprine, enfants et adultes ont pu rencontrer des éleveurs venus témoigner de leur métier et de leur passion, deux cuisinières se tenaient aux fourneaux et au micro pour faire préparer et goûter des recettes aux fromages de chèvre à qui le voulait. Une équipe d’experts fromagers proposait tout au long des neuf jours de l’exposition des dégustations de fromages : chèvre frais, bouchon, mothais sur feuille et chevrotin. « La question qu’on nous pose le plus, c’est : où peut-on acheter du fromage de chèvre ? », raconte avec un certain étonnement Marwen, animateur et crémier à Toulouse. Enfants, retraités, habitués du salon, tous types de personnes défilent sur le stand caprin pour caresser les saanens et alpines qui font l’animation, s’extasier devant les belles cornes de la Rove, s’attendrir du spectacle des chevreaux joueurs et sourire de la bouille frisée de la chèvre angora.
Les lycées s’affrontent et la génétique est récompensée
Sur le ring, l’heure n’est pas à la rigolade car, en ce mercredi 27, des lycéens spécialisés s’affrontent sur leur culture générale caprine. « C’est une façon ludique de promouvoir l’enseignement agricole et la spécialisation en caprin, s’enthousiasme Pierre Martin, directeur de Capgènes. C’est aussi une voie pour répondre au besoin de renouvellement des générations. » Car oui, ce concours fait des émules et trois lycées y participent : Melle (Deux-Sèvres), le domaine Olivier de Serre (Ardèche) et la Ferme des Ages (Indre), nouvel arrivant dans la compétition. Les candidats sont questionnés sur les races, la génétique et les fromages et doivent également faire part d’une innovation spéciale caprin qu’a mis au point leur lycée. En Indre, ils ont travaillé sur une table de retournement pour la fabrication des pouligny-saint-pierre. En Ardèche, ils se sont penchés sur l’utilisation du lait acidifié pour l’élevage des chevrettes. Et dans les Deux-Sèvres, c’est l’aromathérapie qui a été étudiée.
Grand public et éleveurs échangent sur l’élevage caprin
Toujours sous l’égide de Capgènes, le prix d’excellence génétique a été remis à deux élevages, sélectionnés parmi les plus de 1 500 adhérents à l’organisme de sélection. Le Gaec des Colombes a reçu le prix saanen. Francine et Joël Soulard suivent la génétique de leur troupeau depuis 31 ans. Installés en Vendée, ils ont réussi à transmettre leur passion puisque deux de leurs enfants s’installent avec eux. Sur les 300 chèvres du troupeau, 35 % sont en insémination artificielle. Depuis cinq ans, les efforts ont été faits sur la qualité du lait et sur la morphologie mammaire, allongeant ainsi la longévité des chèvres. Le Gaec du chèvrefeuille remporte le prix d’excellence alpine. Marie-Isabelle Gobin et son frère Pierre ont repris l’exploitation de leurs parents dans les Deux-Sèvres. Le troupeau était déjà doté d’une très bonne génétique et les éleveurs ont souhaité homogénéiser au maximum leurs animaux. Deux boucs à chevrettes sont issus de l’élevage et, selon les généticiens de Capgènes, ils sont très prometteurs quant à l’amélioration de la qualité du lait.
74, 740 ou 7 400 litres par chèvre et par an ?
Au stand Soignon, le public était invité à déguster fromages et produit frais, à caresser les chevrettes ou à interroger les éleveurs. Sébastien Delair était l’un des éleveurs au gilet rouge : « j’apprécie le contact humain et, pour moi, représenter une marque avec ses éleveurs c’est important. » Par contre, il s’étonne que le grand public ait besoin de leur aide pour répondre à la question « combien de lait produit une chèvre par an ? 74, 740 ou 7 400 litres ? ».
6 000 euros, c’est le montant reçu par l’association de sauvegarde pour la race chèvre des Pyrénées pour sa seconde place au prix national pour l’agrobiodiversité animale. Chaque année, les laboratoires Ceva et la Fondation du patrimoine récompensent les projets visant à « sauvegarder le savoir-faire, la génétique et la génomique des races domestiques françaises », explique Arnaud Leboulanger, directeur France de Ceva. L’association pour la chèvre des Pyrénées va mettre en circulation d’ici fin 2019 un fascicule de promotion de cette race rustique. « Nous souhaitons mettre l’accent sur les capacités de valorisation des zones en friches de la chèvre des Pyrénées », développe Fanny Thuault, animatrice de l’association. Le fascicule, distribué aux éleveurs, collectivités territoriales et partenaires du projet, louerait donc les mérites de cette biquette particulière qui permettrait à un éleveur de lutter contre la fermeture de parcelles difficiles d’accès et lui donnerait une assise foncière supplémentaire.
Les AOP du Centre-Val de Loire à toutes les sauces
Dans le hall des régions, les cinq AOP de la région Centre-Val de Loire proposaient de déguster les fromages crus ou sublimés par François Guionie, professeur de cuisine au lycée hôtelier de Blois. « La consommation de fromage en plateau baisse et nous voulons montrer qu’on peut manger du fromage autrement », souligne le chef qui revendique son respect des producteurs et des produits. Il veille ainsi à ne pas épicer les recettes, à garder des morceaux de fromage et à ne pas les chauffer trop. Les visiteurs apprécient ses verrines de chavignol aux lentilles acidulées, son valencay en tartine sucrée au potiron ou ses gourmandises de pouligny-saint-pierre. Même s’ils connaissent les fromages, ils découvrent des recettes simples, rapides et visiblement appréciées vu la vitesse à laquelle les bouchés de selles-sur-cher en roulade confiturée disparaissent. Bien souvent, ils s’arrêtent à la boutique des cinq syndicats pour repartir avec quelqu’un des 2 000 fromages amenés pour les neuf jours du salon. Un peu plus loin, c’est Aurélien Chevreau qui vend l’un de ses 600 fromages, 200 saucissons ou 150 terrines caprines. « Je me suis installé en 2014 mais je viens au salon depuis 2015, j’y suis bien et je retrouve mes amis du trait poitevin ».
Le renouvellement des générations a son livre blanc
Dévoilé à l’occasion du SIA, le livre blanc pour le renouvellement des générations en élevage bovin, ovin et caprin a été publié par la confédération nationale de l’élevage (CNE), l’institut de l’élevage, les Jeunes agriculteurs et les syndicats spécialisés. État des lieux des installations et départs, enquêtes terrain composent ce recueil à destination des politiques nationaux et européens, des élus locaux, etc. En face de chaque frein à l’installation identifié, les auteurs ont imaginé une solution. Le livre blanc a pour ambition notamment de donner plus d’ampleur au secteur agricole dans les manuels scolaires généraux et une vision de l’agriculture plus globale dans l’enseignement spécialisé. Joël Mazars, administrateur de la Fnec rappelle que « la transmission des savoirs et des connaissances est essentielle et il ne faut surtout pas minimiser l’importance du tutorat des futurs éleveurs. »
61 médailles au Concours général agricole
Les fromages et produits laitiers caprins ont engrangé 8 médailles d’or, 32 d’argent et 21 de bronze au Concours général agricole qui se tenait lundi au Salon de l’agriculture. Les huit médailles d’or sont :
En plus de ces médailles, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a récompensé 39 producteurs qui ont reçu un du Prix d’excellence 2019 du Concours général agricole. Ce prix récompense les producteurs ayant obtenu les meilleurs résultats lors des trois dernières éditions du concours. Pour les fromages de chèvre, ont été récompensés Agathe Crouzet dans la Drôme pour son picodon AOP et Emmanuelle et Jean-Marc Vincent en Lozère pour leur pélardon AOP. Bravo à tous !
Objectif 780 euros les mille litres lors des négociations
Les négociations commerciales ont été tendues malgré les engagements des États généraux de répercuter les coûts de production.
Les négociations commerciales pour les produits à marque avaient mal commencé en début d’année et la Fnec a dû avertir le médiateur des négociations et le ministre de l’Agriculture pour rappeler qu’il fallait tenir compte des coûts de production du lait de chèvre. « La filière caprine peine encore à renouveler ses exploitations, rappelait un communiqué de la Fnec du 10 janvier. Les États généraux de l’alimentation, et la loi qui en est issue, réaffirment la nécessité de prendre en compte les coûts de production pour la détermination du prix des produits agricoles. Cela est d’autant plus nécessaire dans la filière caprine qui, depuis la sécheresse de cet automne, voit à nouveau les charges partir à la hausse. » La Fnec a également adressé un courrier à chaque grande enseigne pour demander que les prix de vente industriels des fromages de chèvre soient négociés à la hausse afin que les producteurs de lait de chèvre soient rémunérés de façon juste et équilibrée pour pouvoir faire face à la hausse de ces coûts de production, améliorer leurs conditions de travail et continuer à produire un lait de qualité « origine France » en accord avec les attentes sociétales.
Déception après les États généraux de l’alimentation
Plus concrètement, le syndicat caprin demande une revalorisation du prix du lait pour atteindre un prix moyen annuel de 780 € les mille litres, soit de quoi rémunérer les éleveurs à l’équivalent de deux Smic par personne. « Il manque encore 70 euros pour y arriver, observe Jacky Salingardes. Cela prendra quelques années mais il faut y arriver si on veut installer de nouveaux éleveurs qui acceptent les astreintes de l’élevage alors que les prix des céréales remontent ».
Le discours semble avoir été partiellement entendu jusque dans les box de négociations. « Les négociateurs ont eu une autre écoute après l’intervention de la Fnec, observe Dominique Verneau de Triballat Rians. D’autant plus que la hausse demandée ne représente en moyenne que 90 centimes par ménages et par an si l’on veut rajouter 20 à 30 euros des mille litres. » Si les industriels restaient discrets fin février sur l’issu des négociations, les coopératives se disent déçues. « Il y a eu de l’écoute et de la compréhension de la part des grandes surfaces mais cela n’a pas assez transpiré jusque dans les box de négociations », regrette Mickaël Lamy d’Eurial.
Un communiqué de Coop de France métiers du lait du 22 février appelait ainsi à « une juste répartition de la valeur entre tous les maillons de la chaîne pour permettre à l’ensemble de la filière laitière de préserver l’avenir. Alors que les coopératives agricoles assurent les deux tiers de la production française de lait de chèvre, il y a urgence à pérenniser le modèle dans un contexte de hausse des charges pour les producteurs et de volatilité des prix ». Pour la coopérative Eurial qui commercialise près d’un fromage de chèvre sur trois, les négociations ont peut-être été freinées par la position de leader de Soignon. « Nos fromages à marque sont assez disputés entre enseignes qui réalisaient peu de marges dessus, remarque Mickaël Lamy. Avec les lois Egalim et la majoration de 10 % du seuil de revente à perte, certaines enseignes vont être obligés d’augmenter le prix de vente aux consommateurs. Ils sont donc peu enclins à les augmenter davantage. »