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Viables et vivables avec près de 100 vêlages par UMO

Ces dernières années ont été marquées par la progression de la dimension de la plupart des cheptels allaitants, qui s’est traduite par des évolutions dans la conduite. Moyennant des itinéraires techniques de production raisonnés et raisonnables, il est tout à fait possible d’avoir des élevages viables et vivables avec près de 100 vêlages par UMO.

En 2017, il y avait en France 85 000 exploitations détenant des vaches allaitantes en retenant les seules exploitations possédant des cheptels de plus de cinq mères. Quatre ans plus tôt, elles étaient encore 96 000. Cette contraction du nombre de détenteurs s’est accompagnée d’une progression de la dimension des cheptels. En 2014, 12 % des vaches allaitantes françaises étaient détenues dans des troupeaux de plus de 100 mères. Cette proportion était passée à 27 % trois ans plus tard.
Si on analyse ces chiffres sur un plus grand écart de temps, la proportion de vaches allaitantes détenues dans les cheptels de 80 mères et plus est passée de 29 % en 2008 à 41 % en 2018. Corollaire logique de cette évolution, la proportion des vaches détenues dans des cheptels de moins de 60 mères est passée de 55 % en 2008 à 42 % l’an dernier. Ces données statistiques ne font toutefois pas état du statut de leurs détenteurs (exploitations individuelles ou sociétaires) et surtout du ratio UGB/UTH.
Pour maintenir leur revenu compte tenu de la contraction de leurs marges, la plupart des producteurs de viande bovine se sont agrandis. Ils ont accru la productivité de leur travail sans oublier la volonté toute légitime d’optimiser les différentes aides compensatrices qui les ont souvent elle aussi incités à accroître la dimension de leur élevage.
L’actuelle pyramide des âges des éleveurs allaitants fait que les départs en retraite vont s’accélérer dans les années à venir. Même si l’importance du capital nécessaire à une installation, la faible rentabilité de ce capital et les nombreuses incertitudes qui pèsent actuellement sur la production de viande bovine (accords de libre-échange, devenir de la PAC, évolution du climat…) font planer certaines menaces sur la dynamique des installations, bien des données laissent à penser que l’actuelle tendance vers la progression raisonnée de la dimension des cheptels n’est pas près de s’inverser.

Recherche de gains de productivité

Afin de comprendre les déterminants de ces évolutions et mieux connaître et analyser les potentialités techniques et économiques de différents systèmes de production, une équipe de l’Inra de Clermont-Theix avait mis en place, dès les années 1970 un réseau d’observations sur le long terme dans des élevages allaitants charolais du centre de la France. Il s’appuyait sur un échantillon constant d’élevages spécialisés (naisseurs stricts et naisseurs engraisseurs) dont le suivi a permis de caractériser leurs trajectoires d’évolution.
Si on s’en tient à la seule période 1990-2010, « la productivité physique du travail a fortement augmenté dans les élevages suivis. Le nombre d’hectares de SAU, d’hectares de cultures, de vaches et d’UGB totaux détenus par UMO totale a augmenté respectivement de 50 %, 45 %, 55 % et 42 % en vingt ans, tandis que la part des cultures dans la SAU était restée stable. En 2010, un travailleur produit en moyenne 48 % de viande vive de plus qu’en 1991 : 27 780 kilos vifs produits par UMO en 2010 contre 18 730 kilos en 1991 », précise un compte rendu de cette analyse paru sur le site de la revue Viandes et produits carnés.
Ces évolutions se sont accompagnées d’une réduction de la gamme d’animaux produits et d’une « standardisation » accrue de ces derniers. Cela a favorisé la simplification des itinéraires techniques de production. Les gains de productivité nécessaires pour faire face à la conduite de surfaces et cheptels en nette progression avec simultanément une contraction de la main-d’œuvre disponible ont été permis par l’évolution des bâtiments d’élevage et en particulier la généralisation de la stabulation libre accompagnée d’une mécanisation accrue de la récolte puis, la distribution des fourrages. Autant d’investissements souvent accompagnés de niveaux d’endettement conséquents qui ont limité le revenu disponible pour les prélèvements privés.

Plus de machinisme et de carburant

Pour l’échantillon d’exploitations suivi par l’Inra, « l’agrandissement des surfaces n’a pas entraîné une dilution des besoins en équipements et des investissements par unité de surface (notion d’économie d’échelle). L’investissement par hectare de SAU est resté stable tout au long de la période étudiée autour de 200 euros par hectare et par an », précisent les responsables de ces suivis. Et d’ajouter que cette mécanisation accrue s’est accompagnée d’une nette progression des achats de carburant. « La consommation globale de carburant par hectare de SAU a augmenté de 37 % : 77 litres/ha en 2012 contre 56 litres/ha en 1990. De plus, le prix unitaire du carburant ayant augmenté de 71 % sur cette période, les charges de carburant par hectare ont en moyenne augmenté de 134 % sur la période étudiée."
Les caractéristiques du parcellaire (éloignement des parcelles de pâturage, dimension, relief et géométrie de celles utilisées pour constituer les stocks) sont déterminantes en termes de charge de travail, de consommation de carburant et d’efficacité du processus de production. La bonne gestion de la rotation des lots sur les pâtures, pour faire prendre des kilos à moindre coût et optimiser l’utilisation de l’herbe au bon stade le plus longtemps possible, est elle aussi très liée à une structure foncière adaptée (proximité, regroupement, taille des parcelles, accessibilité aux points d’eau…).
Côté performances techniques, « malgré le fort alourdissement des poids moyens de carcasse des vaches de réforme dans les exploitations suivies (380 kg en 1990, 430 kg en 2010) et du poids vif des broutards (+ 20 kg en vingt ans au même âge de vente), la productivité pondérale, c’est-à-dire la production de viande vive par UGB, n’augmente que de 5 % (312 kg/UGB contre 298) », précise Patrick Veysset, économiste à l’Inra qui était l’un des chercheurs alors en charge de ce suivi. « Cette relative stagnation est la conséquence d’une moindre finition (45 % des mâles étaient engraissés en 1990 contre à peine 30 % en 2010) et du raccourcissement du cycle de production. La forte baisse du prix des céréales entre 1992 et 2006, entraînant celle des concentrés, a également encouragé la simplification des pratiques. » Leur distribution s’est faite de façon beaucoup plus libérale : 720 kg/UGB en 2010 contre 510 kg/UGB en 1991 (+ 41 % en vingt ans). « Dans le même temps, le chargement exprimé en UGB/ha SFP (1,25 à 1,30) ainsi que la production de viande vive/ha SFP (390 à 400 kg), et donc la disponibilité en fourrages par animal, n’ont pas évolué. La valorisation de la ressource herbe, c’est-à-dire les kilos de viande produits uniquement avec l’herbe, a baissé au profit des aliments concentrés faciles à acheter et de valeur alimentaire stable sur l’année. »

Des exemples d’élevages viables et vivables

Les reportages qui suivent présentent des éleveurs à la tête d’exploitations spécialisées. Des élevages viables et vivables côté temps de travail, où le fait de conduire des cheptels conséquents avec un ratio UGB/UTH important mais raisonnable, ne les empêche pas d’obtenir de bons résultats dans la gestion technique de leurs élevages. Il va sans dire que le volet économique en serait conforté si la conjoncture et la météo se montraient un tant soit peu plus favorables !

La raréfaction de détenteurs de vaches allaitantes s’est accompagnée d’une nette tendance à la hausse des cheptels

La définition de ce qu’est un grand troupeau est difficile à cerner. Il convient de relativiser la dimension du cheptel selon le nombre de personnes qui s’en occupent.

Quel seuil retenir pour définir un grand troupeau

Un troupeau de 110 mères conduit dans le cadre d’une exploitation individuelle sans salarié est dans un sens plus conséquent que 250 vaches détenues par un Gaec à quatre associés.
La part des UGB à l’engraissement et les objectifs de production gagnent aussi à être pris en compte. Soixante vaches destinées à une production exclusive de veaux sous la mère ne sont en rien comparable côté temps de travail et astreinte à 80 vêlages annuels en système strictement naisseur. Selon les départements, l’appréciation de la dimension des cheptels est également différente. Les troupeaux de plus de 250 mères deviennent courants en Bourgogne et dans les Pays de la Loire. Ils sont moins fréquents dans bien des départements du Sud-Ouest où les exploitations sont souvent plus diversifiées (céréales, vignes, fruits et légumes, palmipèdes gras…). La disponibilité en main-d’œuvre gagne aussi à être analysée de près dans le ratio UGB/UTH. Certains élevages bénéficient de l’aide bénévole (parents, cédant, stagiaires…) dont les coups de main sont parfois non négligeables lors du travail quotidien ou au moment des « coups de bourre » en particulier lors de la constitution des stocks de fourrage ou de paille.

La progression de la dimension des exploitations et des troupeaux se retrouve dans la plupart des autres pays européens. Analyse sur l’intervalle 2005-2013.

Tendance similaire dans d’autres pays européens

L’Inra a réalisé un parallèle entre la France, l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Irlande. « Les fermes françaises de structure déjà importante sont celles dont la taille a le plus augmenté (+ 24 % en SAU/UTA) avec une faible variation de main-d’œuvre. Le Royaume-Uni a connu une évolution similaire », précise Michel Lherm, auteur de cette étude. D’après des données moyennes d’Eurostat (lire graphique), les cheptels moyens de ces deux pays sont importants et en croissance pour atteindre 61 UGB/UTA. Des dimensions moyennes qui sont près de deux fois celles observées en Espagne qui pourtant augmentent de 30 à 40 UGB/UTA. « En revanche en Irlande, l’évolution de la taille des structures est particulière, en lien avec le peu d’emplois industriels de ce pays et le prix des terres. Non seulement, elles n’augmentent pas mais elles tendent à diminuer », souligne Michel Lherm. De nombreuses fermes allaitantes irlandaises et tout particulièrement les systèmes naisseurs relèvent d’éleveurs doubles actifs et ceci explique peut-être cela.

Les performances de productivité numérique d’un élevage ne sont pas liées à la dimension du cheptel.

Pas de lien entre performances du cheptel et taille du troupeau

Il existe des élevages qui obtiennent de bonnes performances en termes de productivité numérique dans des troupeaux de moins de 40 vaches comme dans des troupeaux de plus de 100 vaches. Idem pour ceux qui obtiennent de très mauvaises performances. Le site reproscope.fr permet de confirmer ce constat. Ce site est une mine d’informations. Il est un observatoire national des performances de reproduction des troupeaux bovins français. Il s’alimente à partir des données de reproduction résultant des enregistrements des naissances, des mouvements d’animaux, des inséminations et des contrôles de performances dans les bases de données nationales et produit des statistiques anonymes sur l’ensemble des élevages. Il gagne donc à être occasionnellement consulté.

À titre d’exemple pour la campagne 2016-2017, il indique que sur les 75 666 cheptels allaitants pris en compte dans les calculs, les cheptels de 10 à 39 vaches ont un IVV moyen (420 jours) nettement supérieur à celui des troupeaux de plus de 100 vaches (387 jours). Il indique aussi que sur cette même campagne, les 1 831 cheptels salers pris en compte en région Auvergne Rhône-Alpes ont un IVV moyen de 392 jours pour les troupeaux de 10 à 39 vaches et 378 jours pour les cheptels de plus de 100 vaches.

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