Chez Jean-Bernard Gautherot dans l’Aube : une excellente marge brute à l’hectare
Le système naisseur-engraisseur est équilibré entre cultures et élevage, et il n’a pas été désintensifié depuis l’installation de Jean-Bernard Gautherot. Le troupeau charolais de 55 vaches, conduit à 100 % en IA de longue date, a donné naissance à plusieurs taureaux d’insémination.
Le système naisseur-engraisseur est équilibré entre cultures et élevage, et il n’a pas été désintensifié depuis l’installation de Jean-Bernard Gautherot. Le troupeau charolais de 55 vaches, conduit à 100 % en IA de longue date, a donné naissance à plusieurs taureaux d’insémination.
Jean-Bernard Gautherot est installé en EARL à Avreuil, dans l’Aube, en Champagne humide. Les sols humides de cette zone d’élevage bordant le bassin parisien sont un avantage pour la productivité des prairies quand le printemps n’est pas trop humide. Jean-Bernard Gautherot, et son père avant lui, a investi dans le drainage des parcelles au fur et à mesure des remembrements successifs. « Je dispose de quatre-vingt-dix hectares drainés et six autres hectares sont sains. C’est un avantage important, qui apporte de la régularité d’une année sur l’autre, et rend moins aléatoire la date de réalisation des travaux », explique Jean-Bernard Gautherot. Une autre parcelle est par contre inondable par l’Armance.
Le troupeau charolais a été créé en 1983 par Jean-Bernard Gautherot, au moment de son installation. Des vaches ont été achetées dans l’Yonne et du croisement par absorption a été mené sur les Tachetées de l’Est qu’élevaient ses parents. L’effectif s’est assez vite stabilisé à 55 vaches, et le système a été calé avec engraissement des mâles et des femelles. Contrairement à beaucoup d’éleveurs, Jean-Bernard Gautherot n’a pas augmenté la surface de l’exploitation pour désintensifier son système durant les années 2000. La SAU est restée à 120 hectares, avec un équilibre entre cultures et élevage.
Les cultures (blé, colza et orge) occupent une soixantaine d’hectares. Jean-Bernard Gautherot produit autour de 10 hectares de maïs chaque année, dont 6 sont ensilés et le reste est récolté en grain et stocké en boudin, sous forme de maïs grain humide. Les prairies permanentes occupent 30 hectares. Les autres prairies sont à base de RGA, avec pour certaines parcelles de la fétuque élevée, et pour les autres un RGH typé anglais tétraploïde (adapté pour la fauche et la pâture), et du trèfle blanc. Mais ce dernier ne tient pas dans toutes les parcelles.
Une conduite de la reproduction très cadrée
Les vêlages sont calés précisément pour démarrer le 20 octobre et se terminer pour les fêtes de fin d’année. Les inséminations sont réalisées jusqu’au 25 mars. Environ 70 femelles sont mises à la reproduction. Le taux de renouvellement a été élevé ces deux dernières années, autour de 37 %, mais il peut varier selon les origines que l’éleveur favorise plus ou moins, le nombre de génisses qui sont nées deux ans plus tôt, et le taux de réforme. Une échographie de diagnostic de gestation est réalisée entre 40 et 60 jours après l’insémination, en plusieurs lots. L’IVV moyen était de 385 jours en 2018. Les chaleurs sont observées surtout le matin, parfois le midi, et confirmées le soir. Cette année, les vêlages, surveillés à la caméra, ont été très faciles. Le taux de mortalité des veaux est de 5 % à 8 % selon les années. Avec plusieurs paires de jumeaux nées chaque année, la productivité numérique est souvent supérieure à 100 %.
Jean-Bernard Gautherot fait vêler pratiquement toutes ses génisses. Les quatre ou cinq les plus développées au sevrage vêlent à 24 mois. « Je les intègre tout simplement dans le lot des vaches. L’ensilage est rationné pour les multipares, et la quantité que je distribue correspond à la capacité d’ingestion après vêlage des génisses de deux ans. » Il est bien possible d’autre part que leurs veaux profitent comme ça de la générosité de quelques vaches pour boire un peu plus de lait. « Je ne développe pas plus le vêlage à deux ans dans le troupeau, même si le gabarit des vaches le permettait, pour ne pas pénaliser le potentiel laitier », remarque Jean-Bernard Gautherot.
Les animaux expriment tout leur potentiel grâce à une alimentation riche et précise, et étant donné le niveau génétique du troupeau, ceci nécessite quelques précautions. Les veaux mâles et femelles sont vaccinés contre l’entérotoxémie. Jean-Bernard Gautherot distribue d’autre part aux vaches une spécialité à base de sauge pour accélérer la coupure de production de lait au moment du sevrage des veaux (à neuf mois de lactation en moyenne) et éviter des mammites.
Système ensilage précoce préfané
Les vaches mangent avant vêlage de l’ensilage d’herbe, 1 kilo de céréales (blé, orge ou maïs grain humide) avec un CMV et 500 g d’un aliment acheté de valeur équivalente à celle de drêches de brasserie, contenant aussi de la pulpe et de la luzerne. Quand un tiers à deux tiers des vêlages sont réalisés, la ration devient ensilage d’herbe, 1 kilo de céréales et CMV. La quantité de céréales monte à 1,5 à 2 kilos quand les deux tiers des vêlages ont eu lieu.
Les petits veaux consomment en bâtiment à partir de mi-janvier un mélange composé de 60 % de maïs grain humide et 40 % de l’équivalent « drêches » acheté avec un très bon foin. Une fois au pré, ils ont à partir de la fin du printemps à disposition dans un nourrisseur un aliment du commerce à 17 % de protéines. La consommation est de deux à trois kilos de moyenne sur la période.
Les veaux mâles sont sevrés entre le 1er et le 14 juillet, et les femelles vers le 10 août. Les veaux mâles passent à l’ensilage de maïs, complémenté avec un aliment acheté à 40 % de protéines, et avec pour commencer un à deux kilos de céréales. En fin d’engraissement, les jeunes bovins reçoivent 4 kilos de céréales. Ils sont vendus à 15 mois et demi et donnent des carcasses de 470 kilos de moyenne.
Les vaches de réforme pèsent quant à elles autour de 540 kilos de carcasse en moyenne. Elles sont engraissées de 30 à 90 jours selon leur état de début, à base d’ensilage de maïs à volonté, et d’un mélange de céréales et d’un aliment acheté à 40 % de protéines. Les premières partent mi-août et les dernières en novembre. Tous les animaux engraissés sont vendus à l’organisation de producteurs commerciale Cialyn (groupe Sicarev).
Sur le plan sanitaire, Jean-Bernard Gautherot applique un protocole visant à une bonne sécurisation. Par exemple, pour prévenir les maladies respiratoires, les veaux reçoivent un vaccin en intra-nasal à l’âge d’une semaine, puis un deuxième trois mois plus tard. Des oligoéléments, en particulier du sélénium, sont distribués systématiquement aux veaux. Le troupeau ayant subi il y a plusieurs années un épisode de BVD, toutes les vaches sont vaccinées contre cette maladie chaque année.
Pâturage tournant et stocks sur pied
Le troupeau est sorti à l’herbe le 8 avril cette année. Au pâturage, les vaches suitées sont conduites en deux lots (chargement 2,5 UGB/ha au printemps) et tournent sur trois parcelles de prairies naturelles, avec un changement tous les six ou sept jours. Une bonne moitié de la surface est ensilée de bonne heure, toujours avant le 15 mai, en visant le stade dernière feuille ligulée. Cette année, le rendement s’est établi autour de 5 tMS/ha. « Des analyses faites sur plusieurs années m’ont donné un bon repère pour la valeur alimentaire de cet ensilage. Elle tourne autour de 0,88 UFL/kg MS. » Les repousses sont ensuite intégrées dans le circuit de pâturage ou bien récoltées en foin, comme c’est le cas cette année. Le foin n’est récolté que sur de petites surfaces en visant un stade précoce, et il est destiné aux vaches avant vêlage et aux petits veaux. De même, l’enrubannage n’est que très peu utilisé. Il sert par exemple pour récolter le RGI implanté comme couvert hivernal (7,6 ha cette année), et il est pratique à distribuer pour les génisses au sevrage, rentrées au cours de l’été pour décharger les prés, quand il n’y a pas d’autres animaux en bâtiment. L’an dernier, Jean-Bernard Gautherot a commencé à nourrir les animaux au pré seulement fin août. Les mâles ont été sevrés fin juin et les femelles fin juillet pour décharger les prés. Et l’éleveur disposait de stocks sur pied non épiés, qui ont été très utiles. De l’enrubannage récolté en début de campagne a été entièrement distribué au pré à partir de fin août, puis le silo d’herbe a été attaqué. « Cette année, je dispose de sept hectares de prairies temporaires supplémentaires prises sur les cultures. »
Les animaux expriment tout leur potentiel génétique grâce à une alimentation précise
Un Ivmat des vaches qui frôle les 110 de moyenne
Inscrit au herd-book charolais, le troupeau est de type élevage, sélectionné sur la facilité de vêlage, la production laitière, et secondairement sur les qualités bouchères. La conformation moyenne des animaux est U-. La souche Vif a particulièrement marqué le troupeau. Une vingtaine de vaches sont mères à taureau au sein du programme Union charolais croissance, et entre un et sept mâles sont évalués en station de contrôle individuel chaque année. Déjà plusieurs veaux nés chez Jean-Bernard Gautherot sont devenus des taureaux d’insémination : Toledo, Bastion, Davreuil, Island P, et dernièrement Marcello, un taureau à génisses typé viande. La moyenne de l’Ivmat des vaches frôle les 110. Les poids-âge-types moyens à 210 jours étaient de 363 kilos chez les mâles et 293 kilos chez les femelles en 2018. Jean-Bernard Gautherot n’a pas cherché à développer le gène sans cornes tant que le modèle des animaux ne lui semblait pas satisfaisant. Il l’utilise un peu depuis quelques années, et possède déjà une vache et quelques génisses homozygotes.
Avis - Jérôme Laviron, responsable du pôle viande d’Alysé
Une marge brute de 983 euros par hectare de SFP
« La marge brute élevage est excellente chez Jean-Bernard Gautherot. Cela traduit la très bonne efficacité de ce système relativement intensif. La production de viande vive par UGB est de de 521 kilos, ce qui est très important par rapport à une référence de 380 kilos pour un système naisseur-engraisseur comparable. Et de l’autre côté, les frais d’élevage et vétérinaires sont maîtrisés, et les charges alimentaires (213 euros/UGB) sont conformes à la référence pour ce système. La conduite d’élevage est carrée. Tout est fait à date précise, et la régularité des résultats est là. »
Chiffres clés
118 ha de SAU
53 vaches vêlées
1 UMO
1,37 UGB/ha SFP de chargement