Au Gaec Cognard, dans la Nièvre
Un ratio EBE sur produit brut de haut niveau
Sur le contrefort sud du Morvan, Jean-Pierre et Arnaud Cognard ont spécialisé leur élevage sur la seule production de bétail maigre. Un bon suivi et une excellente maîtrise des charges leur ont permis en 2016 d’avoir un ratio EBE sur produit brut de 49%.
Sur le contrefort sud du Morvan, Jean-Pierre et Arnaud Cognard ont spécialisé leur élevage sur la seule production de bétail maigre. Un bon suivi et une excellente maîtrise des charges leur ont permis en 2016 d’avoir un ratio EBE sur produit brut de 49%.
Située à Savigny Poil Fol, à 320 mètres d’altitude dans le Sud-Est de la Nièvre, l’exploitation de Jean-Pierre et Arnaud Cognard est un exemple de maîtrise des charges et d’investissements raisonnés. Associés à une bonne productivité numérique, il en résulte un ratio EBE sur produit brut de 49%, niveau de plus en plus rarement observé en système allaitant. Pour arriver à ces résultats, le troupeau est conduit avec rigueur, en raisonnant de très près tous les investissements et en faisant la chasse à toute dépense inutile.
Comme la plupart des exploitations situées sur la bordure méridionale du Morvan, la roche mère granitique se traduit par des sols séchants. « Idéalement, on aurait besoin d’eau tous les huit jours pour faire pousser l’herbe dans de bonnes conditions, mais depuis le début des années 2000, c’est sec neuf années sur dix! », souligne Jean-Pierre Cognard. Le désormais habituel trou d’herbe estival laisse donc à penser que la décision, prise voici de nombreuses années, de miser sur les vêlages d’automne avait été la bonne.
Emploi du temps chargé du 15 septembre au 15 novembre
Les mises bas démarrent fin septembre avec une centaine de vêlages sur un mois et se prolongent jusqu’en décembre. « Compte tenu du parc de bâtiment dont nous disposons, il ne nous serait pas possible d’en avoir autant sur un aussi court intervalle de temps si ce pic de vêlages était centré sur janvier », estiment les Cognard père et fils. Ce choix du vêlage d’automne est également lié au volet sanitaire et à la possibilité de vendre en été des broutards qui sont aussi suffisamment âgés au moment de la mise à l’herbe pour valoriser au mieux la pousse explosive du printemps.
« De fin septembre à fin novembre, notre emploi du temps est monopolisé par la surveillance de nos animaux. » Avec un choix de reproducteurs assez axé sur la conformation, les vêlages doivent être surveillés de près et les interventions sont fréquentes. Toutes les vaches vêlent en bâtiment. « On les rentre quinze jours à trois semaines avant la date prévisible du vêlage, et on les surveille de près avec la caméra. » Au moins jusqu’à début novembre, dès que tout va bien, elles ressortent au plus tôt, généralement deux ou trois jours après le vêlage. Elles utilisent alors les repousses d’automne avec un râtelier de foin dès que l’herbe diminue en qualité et quantité. L’objectif est d’avoir terminé les vêlages début décembre. L’emploi du temps est ensuite nettement plus calme.
Hormis les génisses de 1 an hivernées en semi plein-air avec foin à volonté et 1,5 kg/tête/j de concentré, tous les lots sont rentrés début décembre. Un peu plus tôt cette année, compte tenu de la météo. Le stock fourrager est composé de deux tiers de foin pour un tiers d’enrubannage, en tablant sur un besoin de 1,65 tMS/UGB hivernée pour une durée d’hivernage d’environ 4,5 mois, entre le 1er décembre et le 15 avril. Au moment de la rentrée, tous les lots ont une cure de minéraux pendant cinq jours. En stabulation, les rations sont basées sur une association foin + enrubannage. Pour les femelles suitées, ces fourrages grossiers sont complétés en début d’hivernage par 4 kg/tête d’une association céréale + aliment complet. Cette complémentation cesse à compter à compter de fin février, mais la quantité de fourrage augmente avec, pour les multipares, une ration qui avoisine alors 14 kgMS/tête équitablement répartis entre foin et enrubannage.
Tous les cases sont sur litière et il n’y a pas de couloir raclé. « La dépendance en paille est un des points faibles de notre exploitation. On compte 1,2 t de paille de litière par UGB pour un peu plus de 4 mois d’hivernage. On en achète 150 t/an. Elle nous est livrée en plusieurs fois en cours d’hiver et nous revient à 65 €/t. C’est un poste de dépense important. On évite tout gaspillage. D’ailleurs nos cases ne sont pas hyper propres en décembre janvier quand la période des chaleurs et des saillies bat son plein. »
Petit flushing avec de l’avoine maison
Le troupeau est conduit en monte naturelle et les taureaux sont mis dans les cases le 10 décembre. Au moment de la rentrée à l’étable, les vaches sont triées de façon à ne pas mélanger primipares et multipares, en tenant également compte de leur morphologie et de l'aptitude au vêlage pour être avec le taureau qui leur conviendra le mieux. « On recherche des animaux avec de la finesse et de la viande pour les valoriser au mieux. Compte tenu de la répartition des lots dans les cases, il nous faut onze taureaux plus deux remplaçants. En cours d’hiver, on en a classiquement un ou deux qui se blessent et doivent être remplacé en urgence. » Tous les lots de femelles bénéficient en début d’hivernage d’un flushing avec une petite ration d’avoine cultivée sur l’exploitation.
« On veut 160 vêlages par an, suffisamment groupés, et notre taux de renouvellement est classiquement de 20 %. Pour cela, on met environ 185 femelles à la reproduction de façon à pouvoir réformer sans trop d’hésitation les vides et celles qui n’ont pas rempli dans les dates souhaitées. » En revanche, les bonnes vaches sont conservées tant qu’elles vêlent régulièrement sur la période souhaitée. « Cette année, elles se sont un peu décalées dans le mauvais sens. Dans l’idéal, on voudrait que la période des vêlages n’excède pas trois mois. »
Les saillies vues sont notées et toutes les vaches douteuses sont échographiées par les éleveurs en fin d’hiver. Une grosse partie des femelles de réformes sont vendues à ce moment-là, non finies. Pour les veaux, malgré quelques vêlages difficiles, le taux de mortalité n’a pas excédé 6 % ces trois dernières années et il a été en grande partie compensé par les naissances gémellaires. La campagne de vêlage 2016 fait état de 183 femelles mises à la reproduction, 159 vêlages, 170 veaux nés et 10 pertes.
À l’herbe, il y a neuf lots de vaches suitées, deux de génisses pleines, et cinq à six lots de génisses de l’année qui utilisent les plus petites parcelles. Certains lots tournent, d’autres sont en pâturage continu. Les lots de vaches suitées sont recomposés selon le sexe et le poids des veaux en fin de printemps. « C’est probablement en travaillant la rotation des lots en pâture que nous avons le plus de marges de manœuvre pour améliorer le fonctionnement de notre exploitation », estime Jean-Paul Cognard.
Fibre de naisseur, pas d’engraisseur
Pas question en revanche de développer la partie engraissement. « On n'a pas la fibre ! On est d’abord des naisseurs. Faire naitre des veaux, c’est ce que nous aimons faire. Et puis, pour engraisser, il nous faudrait acheter l’essentiel de l’alimentation. On cultive une dizaine d’hectares de céréales, mais on ne peut guère en faire davantage. Nos parcelles ne s’y prêtent pas. Même en soignant les façons culturales, nos rendements oscillent entre 45 et 55 quintaux par hectare. Pas davantage. »
Christian Bourge, de chambre d’agriculture de la Nièvre
" Une exploitation bien gérée "
« Sur l’exploitation, chaque UMO produit 39 tonnes de viande vive. Des chiffres satisfaisants. Ils traduisent une bonne productivité du travail sans pour autant se faire « envahir » par ce dernier, dans la mesure où il permet aux deux associés de se dégager un peu de temps libre pour des loisirs et quelques jours de vacances. Le ratio EBE/produit brut était de 49 % en 2016. C’est classiquement plus proche de 35 % dans les exploitations du secteur qui ont les mêmes orientations de production. Le bilan économique global est celui d’une exploitation bien gérée en fin de carrière, alors que Arnaud s’est installé en 2004. Jean-Pierre et Arnaud Cognard raisonnent leurs investissements en contractant de nouveaux emprunts uniquement quand les précédents sont "digérés". Le cheptel est de qualité et les deux associés reconnaissent être durs en affaires quand il s’agit de vendre. Négocier 10 centimes de plus au kilo vif vendu représente près de 8 000 euros d’EBE supplémentaire ! »
Une complémentation mesurée
Les veaux commencent à être complémentés à compter de la rentrée, mais fréquentent réellement le nourrisseur seulement mi-janvier, avec une quantité plafonnée à 2,5 kg/tête/jen fin d’hivernage. La mise à l’herbe permet un petit plus sur les lactations et favorise les GMQ. Et ceci d’autant plus que, alors âgés de plus ou moins 5 mois, les veaux sont devenus aptes à valoriser par eux-mêmes l’herbe de printemps. « Une fois à l’herbe, on distribue l’aliment dans les nourrisseurs au moment de la visite quotidienne de surveillance sans aller au-delà de 2,5 kg/tête jusqu’en juin. On a mis en place à l’entrée des parcelles un système de barrière qui nous évite de descendre de voiture.» Les lots sont ensuite recomposés en triant selon le sexe, l’âge et le poids, de façon à avoir des lots homogènes. La quantité de concentré augmente pour les mâles mais sans aller au-delà de 5 kg/tête/j. Pas plus de 1 kg pour les laitonnes. « L’accélération des performances coûte cher et dégrade l’efficience économique », souligne Christian Bourge. Tant pis si certains profitent moins vite que d’autres, ils seront juste prêts quelques jours plus tard. La quasi-totalité des broutards sont vendus en juillet et août au poids objectif de 400 kg. Ils ont alors autour de 10 mois et ont réalisé un GMQ avoisinant 1 150 g entre la naissance et la vente.
Mis à part de rares « tardillons » repoussés en bâtiment, le sevrage a lieu le jour du départ de l’exploitation. Les broutards commercialisés en 2016 ont consommé 440 kg de concentrés par tête. Chiffre en légère hausse, comparativement aux années précédentes, sous l'effet d’un printemps trop humide puis d’un été trop sec. Ce chiffre est une moyenne. Il inclut la consommation des têtes de lots et des quelques veaux tardifs repoussés en bâtiment.
30 % des femelles sont vendues laitonnes. « On conserve les plus formées pour les vendre après un second passage à l’herbe. » Elles partent pour la plupart chez des engraisseurs spécialisés dans les femelles bouchères haut de gamme.