Transmission d'élevage : Eric, retraité, apprécie d’avoir pu installer un jeune
Éric Caillot est à la retraite depuis le 1er janvier. Il a cédé sa ferme et son cheptel à Loïc Lefebvre, installé hors cadre familial à 36 ans. Depuis, le jeune retraité se réjouit de voir perdurer ce qu’il a bâti en un peu plus de 40 ans de carrière.
Éric Caillot est à la retraite depuis le 1er janvier. Il a cédé sa ferme et son cheptel à Loïc Lefebvre, installé hors cadre familial à 36 ans. Depuis, le jeune retraité se réjouit de voir perdurer ce qu’il a bâti en un peu plus de 40 ans de carrière.
« J’apprécie d’avoir contribué à installer un jeune », souligne Éric Caillot, 61 ans, en retraite depuis janvier. Cette satisfaction est confortée par le fait que Loïc Lefebvre, le jeune installé est un « hors cadre familial ».
Située à Ars-les-Favets, au nord-ouest du Puy-de-Dôme, aux confins de l’Allier, sa ferme est une structure de dimension modeste : un peu moins de 80 ha, essentiellement consacrés à l’herbe. Le parcellaire est bien groupé mais traversé par la Nationale reliant Clermont-Ferrand à Montluçon et bordée par une grande forêt.
42 ans d’activité
« Je suis sorti de l’école en 1979. J’ai été aide familial jusqu’en décembre de la même année. À cette époque il suffisait d’avoir 8 hectares pour être chef d’exploitation. J’ai donc repris l’année suivante une ferme de 9 hectares en continuant à travailler sur l’exploitation familiale que j’ai reprise à mon nom en 1985 quand mon père a cessé son activité », explique le retraité.
Comme c’était classiquement le cas sur le secteur, son père avait différentes productions : lait, volaille et viande avec un troupeau à l’époque bien bariolé côté couleur de poils ! « J’ai réorienté vers un cheptel charolais quand j’ai repris la ferme. Je suis monté à 70 vaches sur 80 hectares mais j’avais légèrement réduit les effectifs ces dernières années. »
Début 2018, quand il a eu confirmation qu’aucune de ses deux filles ni leurs conjoints n’étaient intéressés, Éric Caillot a fait le nécessaire pour transmettre son outil de travail. « J’avais deux solutions. Soit le parcellaire partait à l’agrandissement. Soit je trouvais quelqu’un pour reprendre. »
La forte pression foncière fait que la première solution ne posait aucune difficulté. Des repreneurs potentiels s’étaient déjà manifestés. Pour autant, Éric Caillot préférait la seconde. À la fois pour transmettre un outil de production qu’il jugeait viable, mais également pour maintenir l’utilisation de bâtiments d’élevage dont la reprise était loin d’être assurée en cas de démantèlement du parcellaire.
Premier rendez-vous en mai 2019
« En janvier 2019, j’ai contacté Philippe Voyer de la chambre d’agriculture en lui expliquant les conditions pour la reprise. L’exploitation a été mise sur le site du Répertoire départemental à l’installation. J’ai reçu trois personnes qui avaient vu l’offre. Les évolutions qu’ils envisageaient me semblaient déraisonnables. Je commençais vraiment à me poser des questions. Les jeunes qui veulent s’installer en allaitant c’est de moins en moins fréquent. » La première discussion avec Loïc Lefebvre a eu lieu en mai 2019. « C’est Philippe Voyer qui nous a mis en contact. Dès le premier jour on a bien discuté. Loïc m’a fait bonne impression. J’ai clairement ressenti chez lui une fibre 'élevage'. »
La dimension et la localisation de la ferme correspondaient presque idéalement à ce que recherchait Loïc Lefebvre. Le futur éleveur s’était donné quelques lignes directrices : une ferme d’élevage, de dimension modeste (80 à 100 ha) avec un cheptel déjà en place de qualité correcte.
« Je ne m’étais pas arrêté sur le seul Puy-de-Dôme. Je suis allé visiter d’autres fermes en Haute-Vienne, dans le Cher et l’Allier. J’avais une préférence pour l’élevage allaitant et/ou les ovins. J’étais en revanche sceptique à l’idée de reprendre les parts d’un cédant dans un Gaec et je souhaitais une structure proche d’une grande voie de communication. Ici je suis à 20 minutes de Montluçon et une heure de Clermont-Ferrand. »
Le fait qu’Ars-les-Favets soit dans sa zone géographique de prédilection a aidé, « mais le côté très « humain » d’Éric a beaucoup joué même si nous n’avions jamais eu jusque-là l’occasion de nous rencontrer. » Et le jeune éleveur de reconnaître que le fait de pouvoir démarrer avec un cheptel charolais aux bons résultats techniques et disposant déjà d’un certain recul dans l’introgression du gène sans cornes a achevé de le convaincre. La possibilité de travailler avec pas mal d’entraide avec un proche voisin n’était pas non plus pour lui déplaire.
De fil en aiguille, les procédures ont avancé, bien secondé en cela par Philippe Voyer. « Mais une transmission c’est quand même un peu le parcours du combattant tant pour le jeune que le cédant. Je ne pensais pas que ce serait aussi compliqué sur le plan administratif », souligne Éric Caillot.
Long stage de parrainage
D’un commun accord, il a été décidé d’opter pour un long stage de parrainage, lequel a démarré en août 2020. « C’était essentiel pour l’un comme pour l’autre. » Tout au long de cette période, en plus des tâches quotidiennes permettant de bien connaître le parcellaire, le cheptel et les bâtiments, Loïc a peu à peu rencontré ses voisins et une partie des propriétaires des parcelles.
« Mais le Covid a perturbé les rendez-vous. Heureusement, Éric a toujours eu de bonnes relations avec eux. Cela a facilité les choses. Sur sept propriétaires, un seul n’a pas souhaité signer avec une perte de 3,3 hectares par rapport à la surface initiale. »
Le fait que les bâtiments (une stabulation de 1 500 m2 et un hangar de 700 m2 aménagé dans une ancienne étable) ne soient pas en périphérie de la maison d’habitation d’Éric Caillot mais séparés de cette dernière par un chemin communal, donc sans vis-à-vis a simplifié les choses.
« J’ai racheté les bâtiments et 1,3 hectare en périphérie, l’essentiel du cheptel et une grande partie du matériel », explique Loïc qui habite pour l’instant à 15 kilomètres et cherche évidemment à rapprocher son domicile de son lieu de travail.
Cette année, le cheptel a été conduit dans la droite ligne de ce que faisait Éric. « J’ai juste mis en place le pâturage tournant et adhéré au herd-book charolais. » Cet automne, la grosse évolution sera la réalisation d’un poulailler de 1 000 m2 visant à conforter le chiffre d’affaires et diversifier les sources de revenu.
« Mon grand regret aurait été de voir mon exploitation démembrée et mon cheptel liquidé. Savoir qu’elle va perdurer et faire vivre un autre éleveur est une vraie satisfaction, souligne le retraité. Cette année, j’ai observé avec intérêt comment Loïc a démarré le pâturage tournant. Compte tenu de la triste saison d’herbe que nous avons eue, cela a été un plus évident. Et puis, s’il a besoin d’un coup de main ponctuel, tant que je suis en forme je serai toujours là ! »
Différentes expériences avant de s’installer
Avant de s’installer le 1er janvier de cette année, Loïc Lefebvre a eu différents contrats, notamment dans des fermes. Mais son envie d’être éleveur a toujours été prégnante.
« J’ai fait une école d’agriculture à Marmilhat dans la périphérie de Clermont-Ferrand », explique Loïc, qui à la fin de ses études a commencé par travailler trois ans au service de remplacement sur le secteur de Saint-Gervais d’Auvergne, dans les Combrailles.
« Les remplacements, c’est une des meilleures écoles pour un futur installé ! J’ai eu l’occasion de travailler sur une bonne vingtaine de fermes. Cela m’a permis d’aborder les principales productions présentes sur le secteur. J’ai ensuite été magasinier pendant 18 mois dans une coopérative d’agrofourniture.
Licencié à la suite de son rachat, je me suis momentanément retrouvé au chômage. Un intermède au cours duquel j’ai passé mes permis poids lourds. Cela a ensuite contribué à mon embauche dans une entreprise associant transport et travaux publics. Mais l’envie de devenir éleveur a toujours sommeillé en moi et elle a fini par se réveiller ! », souligne l’éleveur dont un grand-père était agriculteur mais pas ses parents.
« Début 2018, je me suis dit : si tu veux franchir le pas, c’est maintenant ou jamais. C’est comme ça qu’un beau jour de mai 2019 je me suis retrouvé à la table d’Éric Caillot pour un premier rendez-vous qui allait chambouler mon existence. Et j’en suis très heureux ! Ces dernières années, alors que j’étais salarié, je n’allais plus au Sommet de l’élevage, car je savais que le soir quand j’allais quitter le salon j’aurai le cafard du fait de ne plus travailler dans le milieu. Pour faire simple, les vaches me manquaient. » Ce ne sera plus le cas cette année !
65 charolaises sur 80 hectares
L’exploitation d’Éric Caillot se composait de 80 ha, dont 25 en propriété, avec 7 propriétaires différents. Les 60 charolaises vêlaient de mi-novembre à mi-janvier. Tous les mâles étaient vendus en broutards d’environ 420 kg entre mi-août et fin octobre. Hormis les deux ou trois plus mauvaises femelles vendues laitonnes, toutes les génisses et vaches de réforme étaient finies en cultivant pour cela 6 à 7 ha de triticale.
Environ un tiers des femelles étaient inséminées et les deux taureaux homozygotes sans cornes ont permis à 95 % des veaux nés sur la dernière campagne d’être porteurs de ce gène. « J’achetais 50 tonnes de paille tous les ans mais j’étais autonome en foin et enrubannage avec une marge de sécurité confortable. »