SCEA Zaigne : transformer des contraintes en atouts
En Haute-Marne, Pierrick Vesaigne fait vêler 55 à 60 Blondes d’Aquitaine et cultive 110 hectares. Les prairies ont été développées et les fourrages diversifiés. Une partie des vaches sont vendues en direct par son frère, aujourd’hui boucher.
En Haute-Marne, Pierrick Vesaigne fait vêler 55 à 60 Blondes d’Aquitaine et cultive 110 hectares. Les prairies ont été développées et les fourrages diversifiés. Une partie des vaches sont vendues en direct par son frère, aujourd’hui boucher.
À Châteauvillain, dans le Barrois champenois, Pierrick Vesaigne s’est installé en 2008 avec sa mère Christiane. Cette dernière étant sur le point de partir à la retraite, l’éleveur se prépare à travailler seul. Sa femme conserve son activité professionnelle hors de l’exploitation. Étant donné le faible potentiel des sols (50 quintaux en blé sur une partie des parcelles), mis à mal en plus par les évolutions du climat ces dernières années et la conjoncture des céréales, Pierrick Vesaigne mise sur l’atelier bovins viande. Le nombre de vêlages a été réduit de sept ou huit, ce qui baisse un peu le travail hivernal. Mais l’éleveur a conforté la valorisation des jeunes vaches en direct avec son frère, créé un petit troupeau de Galloway, et la surface fourragère est nettement agrandie pour sécuriser le système fourrager.
Sur les 215 hectares de l’exploitation, les surfaces en prairies sont passées de 75 à 105 hectares. Les prairies, qui à l’origine étaient situées essentiellement en vallée, ont gagné la plaine. « Nous avions l’habitude ces dernières années de vendre un à deux camions de foin. Cette année, ces bottes ont été distribuées à nos animaux durant l’été », explique Pierrick Vesaigne. Cela a permis de maintenir les vaches en état, et de ne pas faire perdre deux mois de croissance aux génisses.
Toutes les récoltes fourragères en début de printemps
La stratégie de l’éleveur est de programmer un maximum de récoltes de fourrage en début de printemps. Elles doivent assurer au minimum les trois quarts du stock. Une diversification des fourrages est aussi entamée, avec l’introduction d’un méteil sur quatre hectares (triticale, pois fourrager, vesce, féverole et seigle) et de sainfoin. « J’ai essayé le sainfoin sur un demi-hectare ces années-ci dans l’objectif de récolter du foin. Dans une parcelle à très faible potentiel, le rendement a été très faible. Mais je recommence cette année sur une parcelle un peu meilleure sur trois hectares. » Le sainfoin intéresse Pierrick Vesaigne car il pourrait être encore vert à une période où les autres prairies temporaires sont déjà sèches, et pour ses propriétés nutritionnelles (richesse en tanins, action antihelminthique). "J’ai essayé aussi le trèfle moha. Cela n’a pas marché cette année, j’ai eu de quoi faire pâturer un lot de vaches pendant une semaine au lieu d’un mois." Les prairies temporaires sont constituées de dactyle, ray-grass, fétuque, avec un peu de lotier, un peu de trèfle. Pierrick Vesaigne compose lui-même ses mélanges. "Les prairies temporaires sont fauchées, et les repousses sont ensuite pâturées", explique l’éleveur. Il a développé ces dernières années le pâturage sur des parcelles qui auparavant n’étaient que fauchées.
Les vêlages sont assez bien calés sur deux périodes, de fin septembre à décembre et de février à avril. "On est devenus moins stricts sur le groupement des vêlages avec ce débouché de vente directe, car un veau décalé, cela nous rend plutôt service dans ce créneau », remarque Pierrick Vesaigne. L’IVV moyen était de 388 jours en 2018, avec un âge au premier vêlage de 35 mois et un taux de mortalité des veaux de 9 %. Deux taureaux, achetés chez Yannick Verhaegen dans l’Aube, assurent la reproduction des vaches. Les deux tiers des génisses sont inséminées. Un maximum d’entre elles vêlent en septembre autour du bâtiment, dans lequel elles entrent et sortent selon leur bon vouloir.
Engraissement des vaches au foin de luzerne
Pierrick Vesaigne ne rencontre pas de problème particulier de santé du troupeau. Il a fourni des efforts pour le confort du bâtiment (des abreuvoirs bien adaptés aux besoins, une litière sèche, des box à veaux avec eau et foin…) et s’est formé aux médecines complémentaires. Les veaux reçoivent du kéfir à la naissance, disposent d’argile et de charbon en libre-service par exemple. « On n’est pas à l’abri de problèmes, mais les pépins sont quand mêmes plus rares. »
Les veaux disposent dans leurs parcs de nourrisseurs contenant un mélange de blé, orge, et maïs, et d’un aliment à 30 % de MAT, avec du foin à volonté et de l’eau. "Le maïs est arrêté quand ils ne le digèrent plus." Les vaches passent l’hiver avec du foin de prairies naturelles avant vêlage, un peu de mélange blé-orge aplati et des minéraux un mois avant vêlage, et après vêlage elles passent au régime enrubannage de prairies et foin de luzerne. "L’analyse des fourrages a montré qu’il n’est pas nécessaire de donner d’aliment complémentaire azoté aux mères après vêlage. Les vaches s’en trouvent même plutôt mieux en état." Les génisses à saillir et les génisses d’un an reçoivent le même aliment complémentaire que les petits veaux.
Les broutards sont vendus entre sept et huit mois à des négociants, par lots de sept ou huit animaux, le jour de leur sevrage. Une partie des vaches de réforme sont vendues maigres elles aussi. « Ce sont les vaches un peu plus âgées, qu’on aime bien garder tant qu’elles produisent bien car elles jouent le rôle de meneuse du troupeau." Celles qui sont engraissées reçoivent pendant trois à quatre mois une ration à base de foin de luzerne de deuxième coupe, avec en fin d’engraissement 5 kilos d’un mélange blé et orge de l’exploitation aplati et 4 kilos d’un aliment complémentaire du commerce (distribués en deux repas). Pour la vente directe, c’est en moyenne une vache par mois qui est finie, choisie parmi celles âgées de huit ans maximum. L’éleveur vend également en direct à peu près six veaux par an. "Ils sont conduits exactement comme les autres, et abattus à l’âge de cinq à six mois pour donner des carcasses de 150 kilos environ."
Diversifier les cultures de vente
L’éleveur a plusieurs projets d’équipement en tête pour son élevage. Pour les cultures, il aimerait diversifier l’assolement avec des espèces plus adaptées à ce que sont devenues les conditions pédoclimatiques, comme des pois chiches, des lentilles. "Il n’y a pas pour l’instant de collecte organisée ici pour cela." Il cultive déjà un peu de pois de printemps, et un peu de maïs grain sur les meilleures parcelles. "Je ne suis pas sûr que l’on puisse continuer à faire du colza. Cette année, il n’a pas levé. Je prévois de semer quinze hectares de soja au printemps prochain dans notre meilleure parcelle."
Des bâtiments confortables et un bon niveau d’immunité
Chiffres clés
215 ha dont 105 de prairies (40 ha de prairies naturelles, 54 de prairies temporaires et 11 de luzerne), 4 ha de méteil et 106 ha de cultures de vente
55 à 60 vêlages de Blonde d’Aquitaine et 5 vêlages de Galloway
2 unités de main-d’œuvre
0,85 UGB/ha SFP de chargement corrigé
Avis d’expert : Maude Gouget, conseillère chambre d’agriculture de Haute-Marne
"Un système efficient et performant"
"Malgré une conjoncture instable et morose, Pierrick Vesaigne est acteur et demandeur de nouvelles méthodes d’élevage et d’innovations pour maintenir au quotidien le bien-être de ses animaux et la qualité de ses produits. Son objectif est d’être efficient et performant dans son travail. Il s’organise pour pallier au départ en retraite de sa mère, gagner en productivité et maintenir son confort de vie. L’éleveur est conscient des aléas climatiques et des inconvénients de ses terres superficielles et il n’hésite pas à semer des méteils, et à essayer de nouvelles cultures telles que le sainfoin pour sécuriser son système fourrager. Grâce aux analyses de fourrages, le plan de rationnement hivernal a été revu afin d’optimiser la qualité de ceux-ci par rapport aux besoins des différentes catégories d’animaux. Par exemple, les vaches à l’engraissement valorisent plus de foin de luzerne et de céréales de la ferme, et la part de concentrés achetés a été diminuée. L’éleveur est en réflexion pour créer un mash fermier à distribuer à ses veaux pour réduire les coûts de complémentation et gagner en productivité."
La vente directe en famille mais sans s’associer
Pierrick Vesaigne s’est allié avec son frère pour commercialiser une partie de ses animaux. Leur idée était de se lancer dans la vente directe sans pour autant s’associer. Les deux structures — élevage et boucherie — sont indépendantes. Ceci permet à chacun de mener ses affaires comme il veut, tout en faisant jouer leur proximité. C’est même cette opportunité qui a amené le frère de Pierrick Vesaigne à suivre une formation de boucher. Un laboratoire a été construit dans une ancienne écurie et une salle de réception a été aménagée. Les clients viennent y retirer leurs commandes. "Mon frère achète mes vaches de moins de huit ans. On s’est mis d’accord sur une ration sans ensilage ni enrubannage, sans OGM et avec du tourteau de lin", explique Pierrick Vesaigne. Il emmène les animaux à l’abattoir de Chaumont, à une trentaine de kilomètres. Son frère y récupère la carcasse, la découpe, la transforme et la commercialise. Le boucher travaille également le porc fourni par un éleveur voisin. Facebook et le bouche à oreille ont permis de se constituer une clientèle. Quelques commerces, quelques dépôts made in Pays de Langres sont aussi approvisionnés et il fait beaucoup de marchés.
Un petit troupeau Galloway sur les parcelles les plus pauvres
Pierrick Vesaigne a créé un petit troupeau de race Galloway, dans l’objectif de valoriser certaines parcelles portantes à très faible potentiel, entourées de haies. "Elles vont nettoyer ces parcelles. L’objectif est de produire des bœufs de quatre ans et des femelles de réforme." L’éleveur a choisi la Galloway, une race écossaise, car elle est génétiquement sans cornes et très rustique. Elle passe toute l’année au pré avec un affouragement en foin durant l’hiver.
L’effectif devrait atteindre 12 mères en croît interne, à partir de premiers animaux achetés en France. Le frère de l’éleveur prospectera une autre clientèle que celle des Blondes. Le premier bœuf sera abattu l’année prochaine. Quelques animaux sont aussi vendus pour la reproduction. Une page Facebook Les Galloway de l’Aujon a été créée.