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Toaster ses protéagineux pour gagner en autonomie

Le chauffage des graines de protéagineux pendant quelques secondes les rend plus assimilables et permet ainsi de favoriser l’autonomie en protéines. Quelques initiatives voient le jour en France.

« Les protéagineux utilisés crus sont mal valorisés car les protéines sont en grande partie dégradées par les bactéries du rumen. Le fait d’en cuire les graines protège les protéines et augmente la part d’azote by-pass dans le rumen. Aussi, afin de mieux valoriser leurs protéagineux, des éleveurs se sont tournés vers le toastage de leurs graines », note David Delbecque, conseiller à la chambre d’agriculture du Calvados, lors d’une journée de démonstration organisée sur le sujet.

Le principe du toastage est de réaliser un fort traitement thermique des graines. « Ce processus limite la dégradabilité des protéines dans le rumen, offrant ainsi une meilleure assimilation dans l’intestin et un gain important en PDIE et PDIA. De plus, la cuisson permet un gain de 4 à 8 points de matière sèche et élimine bactéries et champignons, ce qui améliore la conservation. Dernier intérêt, il détruit les facteurs antinutritionnels thermosensibles des protéagineux et notamment les facteurs antitrypsiques et les lectines. C’est une alternative au tannage, sans chimie. Seule en découle une modification moléculaire. Elle est moins énergivore que l’extrusion mais n’enlève pas l’huile de la graine, il faudra donc en tenir compte pour équilibrer la ration », ajoute le conseiller. La graine pourrait se conserver six mois pour un protéagineux non gras.

Un chauffage avec de l’air à 280°C

Concrètement, les graines riches en protéines (soja, féverole, pois, lupin), acheminées par une vis sans fin, passent de manière continue sur une grille perforée en quelques secondes. Un brûleur à fuel chauffe l’air insufflé par dessous à 280°C. Le temps de cuisson est adapté à chaque type de grains. Pour une cuisson optimale, l’objectif est de porter le cœur de la graine à 100°C.

Plusieurs initiatives voient le jour en France depuis trois ans. En Vendée, par exemple, l’idée d’un toasteur mobile est née d’un groupe d’éleveurs du Grapea-Civam 85. Un exemplaire a été acquis fin 2015 par la Cuma Défis 85. Par ailleurs, un autre, acheté par la Cuma départementale du Gers en 2015, tourne sur les départements du Gers, des Landes, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques pour toaster du soja. Ces toasteurs à protéagineux, installés sur une remorque de camion, s’arrêtent un laps de temps sur des exploitations points de chute. Tout éleveur peut alors y avoir recours.

Depuis cet automne, la société bretonne Protéa Thermic a mis en service un toasteur mobile couvrant la Bretagne, les Pays de la Loire et la Normandie. Dans les Deux-Sèvres, la société Pasquier VGT’AL s’est également équipée d'un modèle, mais à poste fixe. Tous sont de la marque italienne Mecmar. « Le toasteur présente certains avantages par rapport à un extrudeur, plus fragile, plus cher, plus exigeant en réglages et en entretien. Il est donc plus adapté à la mobilité », remarque Joël Guegan, dirigeant de Protéa Thermic.

Des toasteurs associés à un refroidisseur

En Vendée et dans le Gers, le toasteur a été fixé sur une remorque et complété d’un refroidisseur. « Le produit sort aux environs de 120 °C avec un peu d’eau en surface. Il ne peut donc pas être stocké immédiatement. Or, pour satisfaire le plus grand nombre d’agriculteurs, pas toujours équipés de systèmes de ventilation, nous avons opté pour un refroidisseur en sortie de machine qui abaisse la température du grain à 30 °C. Les éleveurs peuvent ainsi les mettre aussitôt en cellules. Ne reste plus qu’à les broyer avant distribution aux animaux », précise Sébastien Schwab, du Gaec des Ursules et responsable de l’activité toastage à la Cuma Défis 85. Le débit de ces deux toasteurs s’élève à 1,5 à 2 tonnes par heure.

« Les premiers retours sont très satisfaisants. Des essais ont également été conduits en maïs et céréales. Au niveau du troupeau, la réponse semble bonne ; nous n’avons toutefois pas encore fait d’approche au niveau économique. Un éleveur de bovins viande a fait toaster son maïs rempli de mycotoxines. Des tests ont montré qu’il n’y en avait plus après toastage. Le coût est estimé à 50 €/t, main-d’œuvre et refroidissement compris. En 2016, 350 tonnes ont été engagées sur le papier pour une dizaine d’éleveurs. On dispose d’un potentiel clients de 550 à 600 tonnes », rapporte Sébastien Schwab.

Un toasteur associé à un trieur-nettoyeur

Le toasteur mobile breton est, quant à lui, équipé en amont d’un nettoyeur rotatif permettant le pré-nettoyage, la séparation et le triage des céréales et protéagineux. « Souvent cultivés en mélanges céréaliers, les protéagineux doivent être triés car il est impossible de toaster des mélanges. Il est également important de nettoyer les protéagineux pour éviter tous risques d’incendies liés aux balles et poussières. Le camion-remorque dispose par ailleurs d’un groupe électrogène pour une totale autonomie », remarque Joël Guegan. Le toasteur ne disposant pas d’un refroidisseur, l’entrepreneur recommande un refroidissement des graines soit dans une benne, soit sur une dalle béton avant la mise en cellule. Le débit de la machine est de 4 tonnes à l’heure, soit 50 tonnes jour. Le coût de son utilisation est de 200 € de l’heure, soit 50 € la tonne sans triage. Un surcoût de 10 €/t est à ajouter pour l’utilisation du pré-nettoyeur. « Les commandes représentent déjà 2 500 tonnes pour cet hiver pour une centaine d’éleveurs. Deux chauffeurs vont se relayer dans tout le Grand Ouest. On effectue un stationnement de la machine à partir de 20 tonnes de graines à toaster », poursuit l’entrepreneur.

« Pour ce qui est de la rentabilité de cette action technique, il faut prendre en compte plusieurs paramètres. En priorité, le coût de la protéine sur le marché, mais aussi l’assolement global de l’exploitation dans lequel l’éleveur peut retrouver des bénéfices par le biais de la rotation des cultures et de l’introduction dans son système de légumineuses ou de protéagineux. L’intérêt en agriculture biologique est évident. En conventionnel, le calcul est à faire », observe Joël Guegan.

Ce dispositif représente un gros investissement (120 000 euros pour la Cuma Défis 85, 90 000 euros dans le Gers) qui nécessite une dimension collective pour un coût raisonnable et envisageable pour l’éleveur.

Divers essais en cours sur le terrain

« L’optique est de construire un réseau en Normandie (Orne et Calvados) autour de cette technique. Nous observerons des facteurs comme la production, les taux ou la qualité. Nous établirons ensuite un bilan économique en tenant compte du prix de la prestation », explique David Delbecque. « Les résultats donnés restent des observations sur le terrain. Ils sont donc à prendre avec prudence. Toutefois, la réponse technique semble être là. Un approfondissement économique est nécessaire. Par contre, le bilan énergétique et environnemental est positif. Un travail a été engagé avec l’Inra afin de mieux connaître les valeurs alimentaires des produits toastés. Des échantillons lui seront envoyés dès cette année », souligne Sébastien Schwab. La société Idena conduit également des essais sur produits toastés. « L’objectif est de valoriser les protéagineux locaux et d’incorporer des produits toastés dans des gammes d’aliments. Nous avons testé la digestibilité du lupin. Des expérimentations sont aussi en cours avec des graines de soja toastées dans des systèmes allaitants en Blonde d’Aquitaine. Un gain de deux à trois semaines d’engraissement est à confirmer. Les résultats sont encourageants », observe Mathieu Pondet, d’Idena.

Avis d'éleveur

« Substituer le correcteur azoté par des féveroles toastées »

Francky Chapleau, éleveur bio(1) à Saint André le Goule d’Oie, en Vendée

« C’est le second hiver que je fais toaster mes féveroles (3 tonnes cette année) par souci d’autonomie. Elles sont utilisées en substitution du correcteur acheté pour l’engraissement des vaches. Je les cultive associées au triticale. J’effectue un tri avant toastage. La ration hivernale est constituée de 2 kilos de féveroles, de 2 à 3 kilos de triticale, de maïs ensilage et d’enrubannage de mélange de graminées/légumineuses ou de foin de mélange graminées/trèfle/luzerne. Je n’ai pas constaté de différence de poids de carcasse, ni de durée d’engraissement. Il me faut une matinée pour emmener les féveroles, les toaster et les ramener. Je les stocke à plat puis je les aplatis avant de les distribuer. »

(1) 45 mères charolaises.

Du soja toasté pour l’engraissement des réformes

« Je recherchais une source de protéines capable de se substituer au tourteau de soja OGM. C’est pourquoi j’ai commencé à produire mon propre soja il y a deux ans », explique Mathieu Etchegaray, éleveur à Domezain dans les Pyrénées-Atlantiques, à la tête d’un troupeau de 60 mères blondes d’Aquitaine, sur 80 hectares. Se rapprochant de la fédération des Cuma pour trouver une presse pour extruder son soja, on lui a parlé du toasteur de la Cuma départementale du Gers, acheté en intercuma avec celle des Landes-Pyrénées Atlantiques. « J’ai essayé avec trois hectares la première année, dix hectares la deuxième. J’ai arrêté d’acheter du tourteau de soja. Par contre, je donne encore du tourteau de tournesol. Le soja toasté étant riche en matières grasses, j’augmente au fur et à mesure la quantité dans les rations pour ne pas avoir de problèmes sur les animaux. »

L’objectif à terme est de supprimer le tourteau de tournesol en le remplaçant par de la féverole toastée. À cet effet, dix hectares de féveroles ont été semés cette année. Toutefois, en raison des fortes gelées la montée n’a pas été celle attendue. Il faudra attendre la récolte de juillet pour analyser l'impact de ces aléas climatiques.

Le soja toasté est intégré dans la ration des vaches à l’engrais, à hauteur de 13 % en début d’engraissement, 11 % en finition. " La Sécopalm m'a aidé à mettre en place ces rations. Elle me suit également dans ces essais. "  L'alimentation se compose de maïs grain sec, de tourteau de tournesol, de soja toasté, de lin et de minéral. « Le minéral est spécifique, élaboré à base d’extraits de plantes par la Sécopalm, afin d’aider les bêtes à mieux digérer l’huile. Je souhaite également incorporer de la féverole toastée dans les rations », poursuit Mathieu Etchegaray.

Une source très appétente de protéines

Le toasteur mobile vient trois fois par an sur la commune. Cette année, huit tonnes ont été toastées en novembre, huit à neuf tonnes le seront en mars, le reste se fera en été pour atteindre un total de vingt à vingt-quatre tonnes de soja toasté. « Cette répartition ne répond pas à un problème de conservation, mais à un souci de logistique : ma cellule de FAF ne pouvant accueillir que neuf tonnes à la fois et les délais étant justes, nous n’aurions pas le temps de tout toaster. L’année dernière, les graines toastées en mars ont été distribuées jusqu’en novembre sans bouger. Une colonne de ventilation me permet de mettre en cellule directement mes graines toastées. » En 2015, le coût du toastage s’est élevé à 55 €/t. Cette année, la machine ayant tourné à 2 t/h contre 1 t/h en 2015, le coût devrait avoisiner les 30 à 35 €/t pour un coût de production de cette protéine, sur la ferme, de 230 €/t.

Avant d’être distribuées, les graines sont broyées. « Les veaux et génisses en reçoivent également et en raffolent. Je n’ai plus de refus depuis leur incorporation dans les rations. De plus, le fait de toaster à l’avantage pour les veaux de supprimer les facteurs antinutritionnels. En engraissement, avec une même consommation d’aliment, je pense avoir gagné environ trois semaines et je n’ai pas d’acidose », conclut l’éleveur.

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