Quand la Chine prend goût à la viande bovine
Les importations chinoises de viande bovine ne cessent de progresser. Les principaux fournisseurs sont l’Océanie et l’Amérique latine. L’arrivée de la peste porcine africaine pourrait conforter cette tendance.
Les importations chinoises de viande bovine ne cessent de progresser. Les principaux fournisseurs sont l’Océanie et l’Amérique latine. L’arrivée de la peste porcine africaine pourrait conforter cette tendance.
« Le véritable moteur des marchés mondiaux du bœuf est l’envolée de la demande asiatique, sans précédent côté chinois », expliquent les agroéconomistes de l’Institut de l’élevage dans le préambule de leur dernière publication relative aux marchés mondiaux des viandes bovines. La Chine est actuellement — et de très loin — le premier importateur de la planète. Même si elle est actuellement talonnée par l’Inde, « l’Empire du milieu » est avec son 1,39 milliard d’habitants le pays le plus peuplé. Toute augmentation, même modeste, de la consommation par habitant a mathématiquement un effet multiplicateur conséquent.
Evolution et perspectives de la demande en viande bovine de la Chine
Épidémie de peste porcine africaine
Pourtant, si les principaux acteurs mondiaux des produits carnés ont actuellement les yeux braqués sur la Chine, c’est d’abord pour les problèmes sanitaires auxquels sont confrontés les élevages de porcs chinois. Une épidémie de peste porcine africaine (PPA) sévit dans ce pays depuis la fin de l’été 2018. Et dans la mesure où la Chine était jusqu’à l’an dernier à la fois premier producteur et premier consommateur mondial de viande porcine, la propagation très rapide de cette maladie est depuis la fin de l’hiver en train de bouleverser le commerce mondial pour la viande de cette espèce. « Fin mai, il y avait officiellement 133 foyers de PPA détectés dans l’ensemble des provinces chinoises. Plus d’un million de porcs ont été abattus préventivement pour freiner la propagation du virus. Les mesures prises par le gouvernement chinois pour enrayer sa propagation auraient été assez tardives et surtout mal respectées », expliquait Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage à l’occasion d’une journée sur les marchés mondiaux des filières bovines. Le virus s’est donc répandu dans pratiquement tout le pays et il est aussi désormais présent au Vietnam. Le cheptel chinois de truies reproductrices aurait baissé de 22 % en un an avec forcément un impact énorme en cours et à venir sur les tonnages de viande produits dans la mesure où en cette fin de printemps la situation est toujours très loin d’être contrôlée.
Cela s’est traduit tout au long du printemps par une hausse des prix du porc à la production un peu partout sur la planète, avec forcément des interrogations pour savoir si cette tendance haussière pourra avoir un impact pour les viandes des autres espèces.
Est-ce que la viande bovine pourra en profiter ? Oui probablement. Même si les statistiques officielles chinoises sont à analyser avec un certain recul, la consommation moyenne de viande bovine est passée dans ce pays de 4 kilos équivalent carcasse par habitant et par an en 2001 à 6,3 en 2018 : soit + 30 % en 10 ans et + 10 % en 4 ans. Pour autant, cet aliment demeure un produit onéreux. Son prix moyen avoisinait 15 euros du kilo l’an dernier dans les grandes surfaces du pays. Des tarifs similaires à la viande ovine, mais pratiquement trois fois supérieurs à la viande de poulet ou de porc. Mais à la faveur de la hausse de leur pouvoir d’achat, une partie des Chinois apprécient de mettre plus fréquemment de la viande bovine à leur menu. Cette progression même modeste de la consommation associée à une réduction des disponibilités intérieures pour la viande de porc laisse à penser que les importations chinoises vont continuer sur la tendance de ces dernières années, c’est-à-dire continuer à nettement progresser.
Ce pays est déjà loin d’être autosuffisant. Vingt-cinq pour cent des 8,7 millions de tec de viande bovine consommées en Chine l’an dernier ont été importées et le déficit va croissant dans la mesure où la production chinoise (6,44 millions de tec en 2017) n’arrive pas à évoluer au même rythme que la hausse de la demande intérieure.
Premier importateur mondial de viande bovine
La Chine est actuellement le premier importateur mondial de viande bovine, très loin devant les États-Unis. Mais l’analyse des flux orientés vers ce pays est rendue d’autant plus complexe qu’il existe différents circuits commerciaux. « En 2018, les importations en Chine continentale (hors Hong Kong) ont bondi de 50 % par rapport à 2017, pour atteindre 1,3 million de tec, indiquait Jean-Marc Chaumet. À ces volumes, s’ajoutent ceux acheminés via Hong Kong, qui ont progressé de 10 % par rapport à 2017 (573 000 tec). » Enfin il ne faut pas oublier les flux « gris » car théoriquement illégaux en provenance d’Inde, qui rejoignent la Chine via le Vietnam. Estimés à moins de 500 000 téc en 2018, ils seraient en net recul de 30 % par rapport à 2017, conséquence du renforcement des contrôles chinois aux frontières pour lutter contre la PPA. « En 2018, les importations auraient donc totalisé près de 2,4 millions de téc (+14 %/2017) et couvriraient près de 30 % de la consommation nationale. »
Pour satisfaire à ses besoins croissants, la Chine ouvre de plus en plus largement ses frontières. En mai dernier, 18 pays (Afrique du Sud, Argentine, Australie, Biélorussie, Brésil, Canada, Chili, Costa-Rica, France, États-Unis, Hongrie, Irlande, Mexique, Mongolie, Namibie, Nouvelle-Zélande, Serbie, Uruguay) étaient autorisés à exporter en Chine et la France avait cinq abattoirs agréés.
Ce boom des importations chinoises a véritablement profité à seulement cinq pays (Brésil, Uruguay, Argentine, Australie et Nouvelle-Zélande) qui totalisaient l’an dernier 96 % des importations « officielles » chinoises de viande bovine.
Neuf autres (Canada, États-Unis, Afrique du Sud, Costa-Rica, Chili, Irlande, Belarus, Mexique et France) se sont partagé l’an dernier le reste du gâteau. La viande française n’est en mesure d’accéder à ce marché que si elle est positionnée sur un créneau « haut de gamme » compte tenu de son prix. « Hors la plupart de ces créneaux sont actuellement déjà 'verrouillés' par la viande australienne, précisait Jean-Marc Chaumet. Il est aussi important de mieux faire connaître et apprécier cet aliment. La viande bovine n’est pas un des aliments clés de la gastronomie chinoise. Les consommateurs chinois connaissent peu la viande bovine et encore moins quand elle vient de France. Il y a tout un effort de communication à réaliser. »