Pâturage tournant dynamique : « J’ai adapté la méthode pour limiter les contraintes »
Yannick Debarre, dans les Deux-Sèvres, a adapté le pâturage tournant dynamique à sa façon de travailler, de sorte que cette pratique ne devienne pas une contrainte, tout en faisant profiter les animaux de l’herbe le plus longtemps possible.
Yannick Debarre, dans les Deux-Sèvres, a adapté le pâturage tournant dynamique à sa façon de travailler, de sorte que cette pratique ne devienne pas une contrainte, tout en faisant profiter les animaux de l’herbe le plus longtemps possible.
« J’ai commencé à m’interroger à la sécheresse de 2011. Dès le mois d’avril, je n’avais plus d’herbe dans les champs ! J’avais entendu parler du pâturage tournant dynamique. Je me suis lancé seul », se souvient Yannick Debarre, à la tête d’un cheptel naisseur-engraisseur de 80 mères limousines et de jeunes taurillons à Nueil-les-Aubiers dans les Deux-Sèvres. L’éleveur a d’abord découpé 1 à 2 hectares en paddocks de 50 ares, en tenant compte des points d’eau déjà en place. Puis en 2013, un projet Pâturage tournant dynamique (PTD) s’est monté à la Caveb, coopérative de producteurs de viande bovine, ovine et caprine des Deux-Sèvres et Vendée. « Je me suis inscrit à la première formation ! » Cet accompagnement a permis d’accélérer la mise en œuvre du PTD sur l’exploitation.
Aujourd’hui, 35 hectares sont conduits ainsi. « J’ai des parcelles qui entrent en rotation avec l’orge (21 ha avec implantation de ray-grass hybride sur 2 ans) et un site à 20 kilomètres de 59 hectares où je n’ai mis qu’une petite surface en pâturage tournant dynamique pour des raisons de transport. Sur le reste, je récolte uniquement des méteils et de l’enrubannage », souligne Yannick Debarre.
Un principe : ne jamais rouler d'eau
Avec cette technique, l’éleveur a gagné en docilité des animaux et voit tout de suite s’il y a un problème : « C’est un vrai confort de travail. » Dans la construction du parcellaire, l’éleveur a aussi pris en compte un paramètre essentiel à ses yeux : l’eau ! « Je suis parti du principe de ne jamais en rouler. La réflexion sur les points d’eau a été centrale dans la mise en pratique de la technique », précise Yannick Debarre. Des tranchées ont été réalisées pour passer l’eau et des bassins de 600 litres ont été achetés. « Une fois installés au printemps, je ne touche plus aux bassins, sauf pour les retirer pour l’hiver. » Devant s’organiser avec deux sites éloignés, Yannick Debarre change les animaux tous les deux à trois jours, suivant la saison. « Je ne souhaite pas découper davantage de prairies car je ne veux pas passer à une rotation 24 heures. »
La mise en place de deux périodes de vêlages (mars-avril et août-septembre) pour faire vêler les génisses à 30 mois, implique la formation de trois lots de vaches, un de vêlages d’automne, un de mères suitées de laitonnes et un de mères suitées de mâles. À cela s’ajoutent deux lots de génisses, un de pleines et un de génisses de renouvellement.
À la sortie de la période hivernale, les animaux ne sont pas tout de suite lâchés sur les parcelles conduites en pâturage tournant dynamique. Ils passent au préalable sur une parcelle d’1,2 hectare se dégourdir un jour ou deux. Les paddocks ont été découpés dans la longueur avec des fils high tensile (haute résistance), des piquets fibre et un piquet en bois à chaque extrémité. Le découpage a été réalisé en fonction de la topographie et de la praticité. « Je conseille de ne pas faire des parcelles trop longues pour éviter que les animaux ne courent trop », observe l’exploitant.
Des prairies plus productives
L’objectif de l’éleveur est de ne pas refaire de prairies. Pour cela, les animaux ne doivent pas pâturer trop ras pour ne pas attaquer la gaine et ainsi détruire le stock d’herbe. « Je travaille à l’œil. Le plus dur est de bien anticiper, surtout avec un site assez éloigné. Si je constate que je ne suis pas dans les temps alors je fais du foin. J’ai complètement repensé ma façon de voir les choses. Auparavant, ma priorité était de faire du stock. Aujourd’hui, c’est de faire pâturer mes animaux le plus longtemps possible. Globalement, j’ai plus d’herbe et moins de stocks et le système fonctionne mieux que précédemment. » Les ray-grass hybrides sont ensilés en première coupe. S’il y a assez d’herbe, une fauche de foin est réalisée sinon, tout est gardé sur pied pour être pâturé.
Allongement de la saison de pâturage
À la mise à l’herbe, un déprimage des pâtures est effectué pour décaler la pousse de l’herbe. L’idée est de faire pâturer les bêtes jusqu’au 14 juillet, date à laquelle les taureaux sont retirés des lots et ces derniers, réorganisés. « J’ai gagné trois semaines de pâturage en années normales, au mois de juin. Maintenant, j’arrive à atteindre mon objectif du 14 juillet sans affourager les animaux, sauf en 2022. »
L’été, des parcelles servent de parking pour passer le trou de pousse de l’herbe. « Je mets les bêtes sur des parcelles de ray-grass hybride de deuxième année qui seront cassés ensuite pour y implanter une céréale. » Du foin ou de l’enrubannage est alors distribué au pré. Les animaux ne retrouvent les pâtures que lorsque l’herbe est suffisamment repartie. « J’attends le stade trois feuilles. En temps normal, je redémarre en PTD en septembre. » En 2022, l’éleveur a dû attendre début octobre pour recommencer les rotations. Les vaches en vêlages d’automne sont quant à elles rentrées en bâtiment pour mettre bas. « Il fait trop chaud au mois d’août pour les laisser dans les parcelles. » L’hiver, l’ensemble du troupeau est hiverné aux alentours du 15 décembre pour laisser un temps de repos d’au moins deux mois aux prairies. La ration hivernale se compose d’ensilage de ray-grass hybride, d’enrubannage de méteil, d’enrubannage de ray-grass hybride, foin, paille et orge. Pour l’engraissement, un mash est acheté là où les céréales sont commercialisées.
Chiffres clés
108 ha dont 7 d’orge, 16 de blé, 71 de prairies permanentes et 14 de temporaires
75 à 80 vêlages en limousines inscrites, naisseur-engraisseur de jeunes taurillons. Certains mâles sont vendus en reproducteurs, les autres entre 11 et 13 mois à 360 kg de carcasse. Depuis deux ans, des génisses Prim’herbe sont également commercialisées.
1 atelier hors sol en lapins
1,2 UTH (1 salarié 1 jour/semaine)
Avis d’expert
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Dix UGB de plus avec moins de stocks
Depuis la mise en place du pâturage tournant dynamique, l’éleveur estime que les prairies de l’exploitation (fétuque, ray-grass anglais, dactyle, trèfle) s’abîment moins vite. Celles qui ont besoin d’être régénérées le sont en semis sous couvert de méteil. Yannick Debarre ne fauche plus les refus. « Si l’herbe est bien gérée, il n’y en a plus. Je broie uniquement en cas de présence de chardons. »
Une meilleure gestion de l’herbe a permis à l’éleveur d’augmenter le troupeau de dix mères sur la même surface et avec moins de stocks.
Côté fertilisation, un apport de fumier de lapin est réalisé tous les deux ans, à hauteur de 12 tonnes à l’hectare. Selon le printemps, une fertilisation minérale d’un maximum de 30 unités d’azote peut être effectuée.