Comment analysez-vous les mesures retenues par le plan d’urgence mis en place par le gouvernement ?
Jean-Pierre Fleury - " Ces mesures sont un pansement bien provisoire. Sur 80 000 détenteurs de cheptels allaitants, 10 000 sont actuellement dans une situation financière catastrophique. Et le sujet brûlant des dettes contractées auprès des fournisseurs n’est jamais pris en compte.
Le meilleur des soutiens serait la revalorisation du prix de notre produit. Ces quinze dernières années, le prix de la viande à la consommation a progressé de 62%, nos coûts de production ont augmenté de 58% alors que le prix moyen de vente de nos animaux a progressé de seulement 10%.
Au sein de la filière viande, les éleveurs demeurent l’éternelle variable d’ajustement. On ne supporte plus de s’entendre dire que nous devons encore baisser nos coûts de production. En 2015, de trop nombreux éleveurs ont prélevé moins d’un Smic par mois avec une rémunération horaire qui, dans certaines exploitations, peine à excéder cinq euros de l’heure. "
Comment réagissez-vous face à la décision du gouvernement de puiser dans le Fonds national de garantie des risques en agriculture (FNGRA) ?
J.-P. F. - " Rappelons que l’article 2 du projet de Loi de finances vise à prélever 255 millions d’euros provenant des réserves du FNGRA pour abonder le budget général de l’État. Cela va priver les agriculteurs de ressources constituées au fil des ans sur leurs propres contributions. C’est quand même un comble ! Cette décision est une couche supplémentaire. Elle vient accentuer un sentiment de ras-le-bol déjà bien perceptible. "
En sait-on davantage sur la répartition des marges entre acteurs de la filière ?
J.-P. F. - " Dans son dernier rapport, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux n’apporte guère de nouveaux éléments. Une chose est certaine, les coûts de production des éleveurs sont faciles à trouver. C’est du pain bénit pour les acheteurs. Quand aux entreprises de transformation et de distribution, elles se gardent bien de dévoiler leurs chiffres.
La productivité des éleveurs est en hausse régulière de 2 % par an, et la coûteuse mise aux normes des exploitations est réalisée sans aucun transfert dans le prix producteur. Nous n'acceptons pas les discours culpabilisants adressés constamment aux éleveurs, au motif qu'ils ne seraient 'pas bons' dans la gestion de leurs exploitations, 'pas assez productifs', 'pas assez compétitifs', "pas assez dans le marché et pas assez organisés"... bref, que tout serait de notre faute. "
Quel est l’impact de la progression de la demande en viande hachée sur le prix des animaux du cheptel allaitant ?
J.-P. F. - " À partir du moment où une proportion de plus en plus importante des muscles sont destinés au créneau de la viande haché, une revalorisation des quartier avants destinés a ce segment est aussi nécessaire pour permettre de retrouver un équilibre avec les muscles à griller. Certaines entreprises communiquent sur ces produits quand ils sont issus de race à viande, et c’est très bien. D’autres misent d’abord sur leurs propres marques pour mettre en avant le produit et occultent son origine « allaitante ». Si les tonnages de viandes hachées commercialisées sous marques d’entreprises continuent à prendre de l’ampleur, cela va se traduire par une proportion croissante de muscles orientés vers ce débouché. Les éleveurs allaitants tendront à devenir de simples producteurs de « minerai ». Un terme à lui seul évocateur. Il correspond à une ressource banalisée, payée la moins cher possible. Faut-il vraiment maintenir un cheptel allaitant s’il s’agit de produire de la viande dans ce seul objectif ? "
Les éleveurs demeurent l’éternelle variable d’ajustement