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Les disponibilités en jeunes bovins s'érodent

La production de jeunes bovins est en recul depuis plus de vingt ans. Cette baisse concerne d’abord les animaux de type laitier et est en grande partie liée à la fonte du nombre d’ateliers dans les élevages laitiers du Grand Ouest.

tableau profil des producteurs de jeunes bovins

Depuis, malgré des soubresauts ponctuels liés à des crises sanitaires qui ont perturbé les exportations de bétail maigre en contraignant certains naisseurs à engraisser par force leurs animaux, l’érosion se poursuit. 843 000 JB ont été abattus en France l’an dernier. Et le nombre de taurillons finis exportés vivants a nettement régressé. Les données douanières font état en 2019 d’un total de 29 000 têtes principalement vendues sur l’Italie et dans une moindre mesure vers l’Allemagne et les pays tiers.

 

Au sommaire de ce dossier

 

Recul plus sensible pour les JB laitiers

Si on analyse les chiffres selon le type racial, le recul est conséquent d’abord pour les animaux de type laitier. Un total de 251 000 JB laitiers ont été abattus en 2010 (88 000 téc). Ils n’étaient plus que 166 000 l’an dernier (61 000 téc). Pour les animaux de races allaitantes (les croisés viande/lait sont comptabilisés dans les statistiques comme des animaux de race à viande), l’érosion est là aussi très nette, mais moins sévère qu’en races laitières. « En 2010, il a été abattu en France un total de 750 000 JB de race à viande pour un total de 300 tonnes équivalent carcasse et 10 ans plus tard ces chiffres étaient passés à 677 000 têtes pour 287 000 téc », explique Caroline Monniot agroéconomiste à l’Institut de l’élevage.

Pour expliquer ce recul, il convient d’abord d’analyser ce qui s’est passé dans les élevages laitiers. Dans les années qui ont suivi la mise en place des quotas en 1984, la mise en place d’un atelier d’engraissement était une diversification fréquente pour des élevages bridés dans leur développement. Ces ateliers de dimension souvent modeste étaient généralement approvisionnés par les veaux mâles nés sur l’exploitation en complétant si besoin les lots par des achats de veaux laitiers et plus souvent encore de broutards.

Trente ans plus tard, la capacité totale d’engraissement des élevages laitiers s’est nettement érodée. Et surtout la part de ces ateliers dans la production française de JB a tout bonnement fondu. En 2008, 49 % des JB produits en France avaient été engraissés dans des élevages ayant une activité laitière, parfois associée à un troupeau de vaches allaitantes. En 2013, cette proportion était passée à 45 % et elle n’était plus que de 39 % il y a deux ans.

« Beaucoup de producteurs laitiers ont laissé tomber les JB et ont clairement donné leur priorité au lait et non à la viande », souligne Caroline Monniot. À l’inverse, la part des engraisseurs spécialisés dans la production de JB est en nette progression. Elle était de 13,5 % en 2013. Elle est passée à 21 % en 2019. Quant aux naisseurs engraisseurs en système allaitant, un peu plus d’un tiers de la production (37 %) était issue cette même année de leurs ateliers.

Peu de jeunes bovins en zones céréalières

En dehors des zones de montagne, l’engraissement de JB concerne la quasi-totalité des départements français où sont élevés des bovins, mais le cœur du bassin de production se situe dans les départements de polyculture élevage du Grand Ouest. Orne, Mayenne et Vendée étaient en 2019 les trois principaux départements producteurs. À l’inverse, le Bassin parisien et la région Centre ne représentent qu’une très faible part de la production, même si ces zones disposent d’avantages comparatifs pour le potentiel agronomique des sols et la disponibilité en coproduits, issus de céréales et paille. Le contraste est d’ailleurs saisissant si on fait la comparaison avec la situation italienne. Chez nos voisins transalpins où le vitelloni est incontournable, la dimension des ateliers est certes plus « entrepreneuriale » que « familiale », mais les ateliers sont surtout en quasi-totalité situés dans les plus riches plaines céréalières du pays.

Tendance à la restructuration des ateliers

Avec une moyenne de 41 têtes produites par élevage en 2019 (30 en 2009), une des caractéristiques de la production française de JB est son atomisation dans une multitude d’ateliers. Cette atomisation est à la fois une force et une faiblesse. Elle a certes permis à une époque de conforter le volume d’animaux produits. Mais depuis le découplage des aides, les producteurs arbitrent désormais plus facilement la pérennité de leurs différents ateliers en fonction de leur rentabilité et de leur importance. Et dans ces conditions, dans un contexte de plus en plus fluctuant pour le prix des différentes matières premières et celui du maigre, le maintien d’un atelier JB de taille modeste est loin d’être assuré dès que sa rentabilité n’est pas au rendez-vous. Surtout quand la restructuration des exploitations ne va pas dans le sens d’un accroissement de la main-d’œuvre disponible ! La fonte du nombre d’ateliers et d’animaux produits dans les élevages laitiers est là pour en attester.

Depuis une quinzaine d’années, la volonté des opérateurs d’aval est de conforter la mise en place d’unités d’engraissement de dimension plus importante. C’est forcément un atout pour réduire les frais de mise en place du maigre puis la collecte des lots de JB finis. En 2013, les ateliers spécialisés ont produit en moyenne près de 100 JB chacun. Ce chiffre était passé à 157 en 2019 avec un très net accroissement de la proportion d’animaux issus d’ateliers de plus de 160 places.

Des veaux laitiers réorientés sur l’Espagne

Le recul de la production de JB laitiers est lourd de conséquences pour le marché des veaux mâles vendus à 3 semaines. La situation pour cette catégorie d’animaux est d’autant plus problématique que la production de veaux de boucherie est elle aussi en net recul. 1,43 million de veaux de boucherie ont été abattus en France en 2010. Ils n’étaient plus que 1,18 million l’an dernier. Faute d’être engraissés en France, ces veaux d’élevage sont destinés à l’exportation. Un débouché qui concerne un nombre croissant d’animaux : à peine 100 000 têtes en 2010 contre 319 000 l’an dernier. Autant d’animaux exportés à plus de 90 % vers l’Espagne. Faute d’être finis en France et dans la mesure où les engraisseurs espagnols sont devenus pratiquement le seul exutoire pour ces animaux, les tarifs sont donc sans grande surprise forcément tirés vers le bas. Une bonne partie de ces veaux engraissés en Espagne deviendront d’ailleurs des JB. Lesquels sont ensuite souvent exportés en vif par les Espagnols en direction des pays du pourtour méditerranéen.

7 % des veaux laitiers et 22 % des veaux allaitants

Sur les 3,610 millions de veaux (mâles et femelles) nés en France en 2017 d’une mère de race laitière, 40 % de ces animaux sont devenus des génisses de renouvellement, 37 % des veaux de boucherie, 7 % des JB engraissés en France, 7 % ont été exportés dans leur jeune âge, 4 % sont devenus des bœufs, 5 % des génisses de boucherie et 1 % des taureaux, d’après des données statistiques rapportées par Interbev.

Sur les 3,963 millions de veaux (mâles et femelles) nés en 2017 d’une mère de race allaitante, 32 % ont été exportés maigres pour l’engraissement, 22 % sont devenus des génisses de renouvellement, 22 % des JB engraissés en France, 14 % des génisses de boucherie, 6 % des veaux de boucherie, 2 % des taureaux et 1 % des bœufs.

Focus sur les Pays de la Loire

Le recul de la production est trés sensible dans les Pays de la Loire, pourtant région phare pour la production de jeunes bovins.

Première région française pour la production de viande bovine et tout particulièrement de JB, la région des Pays de la Loire a été, ces dernières années, très concernée par l’érosion de la production. Et les perspectives ne sont pas réjouissantes pour les mois à venir.

Au 31 juillet dernier, les données de la Base de données nationale d’identification (BDNI) faisaient état d’un total de 82 597 mâles laitiers âgés de 0 à 24 mois détenus dans les exploitations de cette grande région d’élevage bovin, soit - 13,4 % par rapport à juillet 2020 avec un léger ralentissement du recul des effectifs pour les animaux de moins de 12 mois.

Pour les mâles de race allaitante du même âge, la situation semble à première vue moins alarmante. On est pour autant très loin d’une progression des effectifs. Le 31 juillet dernier, la BDNI recensait 270 196 mâles « viande » âgés de 0 à 24 mois, soit -5 % comparativement au 31 juillet 2020 avec surtout aucun ralentissement de l’érosion pour les animaux de moins d’un an. À côté de la problématique liée à la rentabilité de cette activité vient s’ajouter celle de la main-d’œuvre. « Elle est fréquemment mise en avant dans certains Gaec quand arrive l’heure de la retraite de l’un des associés », souligne Philippe Tessereau, directeur d’Interbev Pays de la Loire. Et l’actuel prix des céréales suscite actuellement bien des interrogations de la part de nombreux éleveurs. Les nouvelles perspectives qui doivent être offertes pour la contractualisation de la production dans le cadre de la loi Egalim 2 sont donc attendues avec une certaine impatience pour contenir l’érosion de la production.

Rédaction Réussir

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