Le panic érigé comme alternative à la paille de litière
Face à la progression du prix de la paille, des éleveurs corréziens développent une production de panic érigé de façon à limiter le niveau de leurs achats. Une possibilité à ne pas négliger pour valoriser des parcelles éloignées ou isolées.
Face à la progression du prix de la paille, des éleveurs corréziens développent une production de panic érigé de façon à limiter le niveau de leurs achats. Une possibilité à ne pas négliger pour valoriser des parcelles éloignées ou isolées.
Ces dernières années, les besoins en paille se sont accrus au rythme des constructions de stabulations sur litière accumulée. Ils sont également attisés par les évolutions du climat et l’émergence de nouveaux débouchés et en particulier la méthanisation.
Année après année, les tarifs sont donc sur la pente ascendante et la tension s’est encore accrue compte tenu de la hausse des coûts du transport. Avec des prix rendus cours de ferme qui approchent, voire dépassent les 120 euros la tonne dans les départements éloignés des principales zones de production cela incite forcément à rechercher des alternatives.
« En 2020, des éleveurs corréziens ont entendu parler d’une plante s’appelant le switchgrass (en français, panic érigé). Nous avons accompagné ce groupe d’agriculteurs pour les aider à évaluer la pertinence de cette culture », explique Coralie Sirieix, technicienne bovins viande à la chambre d’agriculture de ce même département.
Avant de semer des parcelles, des essais du produit ont été réalisés en procédant à des achats de switchgrass conditionné en bottes rondes ou carrées. Utilisée dans des cases en substitut à la classique paille de céréales, cette plante a montré une capacité d’absorption similaire avec des litières tout aussi confortables pour des quantités utilisées équivalentes.
Une plante pérenne en C4
Le panic érigé (Panicum virgatum) est une graminée pérenne en C4 (comme le maïs) originaire d’Amérique du Nord dont l’aspect est proche du miscanthus. Mais contrairement à ce dernier, mis en place en plantant des rhizomes, cette plante s’installe par semis. « Il se réalise avec un semoir à céréales en fin de printemps (fin mai-juin) quand le sol est bien réchauffé (15 °C environ) », explique Coralie Sirieix.
Un travail délicat dans la mesure où les semences (environ 500 000 graines/kg) sont de la dimension de celles du dactyle ou fléole. Elles nécessitent un lit de semence soigné. La dose classiquement préconisée est de 12 kg par hectare pour avoir une bonne densité avec une graine positionnée à 0,5-1 cm de profondeur suivi d’un passage de rouleau. La levée est lente et souvent laborieuse et il est important de bien gérer les adventices en amont par un faux semis, voire un désherbant systémique.
L’année de mise en place il n’y a pas de récolte. L’objectif est d’abord de permettre une bonne implantation. Étant donné la faible compétitivité du panic érigé, une fertilisation azotée, minérale ou organique n’est pas recommandée pour éviter de stimuler la croissance des adventices. La seconde année, la plante redémarre en avril, se développe jusqu’en août-septembre puis la partie aérienne entre en sénescence. Il y a alors translocation des glucides contenus dans les feuilles vers le système racinaire afin de constituer des réserves et réinitier la croissance de la plante au printemps suivant. La partie aérienne de la plante se déshydrate ensuite progressivement et en cours d’hiver une partie des feuilles retombent au sol permettant le retour de matière organique et minérale.
La récolte a idéalement lieu lors d’une belle journée de fin d’hiver quand les tiges sont totalement desséchées et avoisinent 90 % de matière sèche. L’idéal est de les faucher le matin en vue de les botteler en début d’après-midi. Le conditionneur doit être le plus inefficace possible pour minimiser la casse des tiges dans la mesure où leur taux d’humidité est inférieur à 10 %. Une récolte en fin d’hiver correspond aussi à la période où les granges sont en partie vides avec de ce fait de la place pour y entreposer les bottes fraîchement récoltées.
« Le potentiel de rendement est à son maximum à partir de la troisième année et il est d’environ 60 % de ce maximum en seconde année. En basse Corrèze, on peut espérer un rendement moyen en routine de 11 tonnes de matière sèche sur des terrains corrects », souligne Coralie Sirieix.
Probablement davantage dans des départements plus favorisés côté pédologie et climat. La bonne résistance du panic érigé à la sécheresse est liée à son système racinaire. Il lui permet d’aller chercher de l’eau très profondément.
En fin de période de végétation la plante mesure jusqu’à 2,50 mètres et repousse chaque printemps pendant une bonne dizaine d’années sans avoir besoin de renouveler le semis, donc sans aucun travail du sol. En Indre-et-Loire, certaines parcelles de plus de 20 ans sont toujours en production.
Le switchgrass accepte une fourchette de pH assez large (5 à 8), s’accommode d’une gamme de sols assez diverse mais affiche sa préférence pour les terres légères, bien drainées, de type sableux ou limoneux. Comme toutes plantes en C4, les étés chauds lui sont favorables et les évolutions en cours et à venir du climat devraient donc plutôt jouer en sa faveur. Les parcelles à éviter sont les sols hydromorphes pour d’évidentes raisons de portance en fin d’hiver au moment de la récolte.
Attention également aux sols très caillouteux qui pénalisent la réalisation d’un joli lit de semence qui est un des points clés de la bonne mise en place de cette culture. La fertilisation ne serait pas forcément nécessaire et doit de toute façon être modeste pour éviter les risques de verse. Elle est à oublier la première année pour ne pas favoriser les adventices.
Le switch grass monte à environ deux mètres
Semer des parcelles avec cette plante a tout son intérêt dans des élevages déjà autonomes en fourrages mais nettement déficitaires en paille. Le relief des parcelles utilisées doit évidemment être limité pour être facilement mécanisables. « Céréales à paille ou switchgrass sont deux approches totalement différentes. La céréale est une culture annuelle qui entre en rotation avec d’autres cultures ou des prairies temporaires. Mettre du switchgrass en substitution d’une parcelle habituellement dévolue à ces cultures est peu pertinent car le switchgrass va immobiliser des terres en rotation et faire perdre de l’autonomie en céréale, souligne Coralie Sirieix. En revanche, cette plante a tout son intérêt sur des parcelles éloignées qui n’entrent pas dans les rotations ou compliquées à utiliser pour le pâturage car isolées, peu accessibles ou sans eau. Leur implantation permet alors de valoriser ces terrains en produisant un bon substitut à la paille."
Attention aux sangliers
Le switchgrass est également utilisé souvent à des fins cynégétiques pour réaliser des bandes abri pour le gibier dans les parcs de chasse et les exploitations spécialisées dans les grandes cultures. Même si cette plante n’a pas une vocation alimentaire pour le gibier, elle constitue un couvert dense pouvant servir de remise. Ces surfaces sont vite attractives pour les sangliers, lesquels y sont d’autant plus difficiles à déloger que les parcelles utilisées seront de grande dimension.
Pas de matériel spécifique
Qu’il s’agisse de sa mise en place ou de sa récolte, un des principaux avantages du panic érigé est qu’il ne nécessite pas de matériel spécifique. Le semis se réalise avec un classique semoir à céréales et la récolte avec un roundballer, une presse haute densité ou une ensileuse. Cette dernière solution se traduit par une récolte en brins courts, plus adaptés à des bâtiments avicoles qu’à des stabulations pour bovins. Qui plus est, cette récolte en brins courts peut être délicate car une fois sec le produit est très volatil (densité en vrac d’environ 110 kg/m3). Il doit évidemment être stocké à l’abri de la pluie et des remontées capillaires du sol. Le stockage en bottes est donc infiniment plus simple surtout si sa finalité est de « pailler » des bâtiments pour des bovins.
Possible utilisation en fourrage
Cette plante peut aussi éventuellement être récoltée en fourrage en début d’été lorsqu’elle n’est pas encore épiée. Sa valeur alimentaire est alors celle d’un foin bien moyen (autour de 0,6 UF). Mais cette coupe en juin ne permet évidemment pas de faire une seconde récolte à l’automne à des fins de litière. Faire pâturer du panic érigé est en revanche totalement déconseillé. La plante est fragile et serait vite dangereusement endommagée si son collet venait à être trop souvent piétiné.
À préconiser sur des parcelles difficiles à faire pâturer
Pour mieux évaluer la pertinence économique d’implanter une parcelle en switchgrass, la chambre d’agriculture de Corrèze a conduit une étude. « Les coûts de chantier sont établis à partir des itinéraires culturaux présentés sous le graphique. Ces coûts sont extraits du barème d’entraide 2020 en Limousin et prennent en compte les outils, le tracteur, le carburant et la main-d’œuvre. Les intrants ou tarifs de vente de céréales sont basés sur la moyenne des années 2015 et 2020. Les résultats correspondent donc au coût de chantier divisé par le tonnage produit ", explique Coralie Sirieix, technicienne bovins viande à la chambre d’agriculture.