Le colostrum, aliment santé du veau
La prise colostrale conditionne le bon départ dans la vie du veau nouveau-né. Mais pour être efficace, le colostrum doit être ingéré précocement, en quantité suffisante et être de qualité.
La prise colostrale conditionne le bon départ dans la vie du veau nouveau-né. Mais pour être efficace, le colostrum doit être ingéré précocement, en quantité suffisante et être de qualité.
À sa naissance, bien que le veau soit doté d’un système immunitaire compétent, il est dépourvu de défenses immunitaires (anticorps). En effet, durant la gestation, la placentation des bovins empêche tout passage des immunoglobulines maternelles au fœtus. L’immunité pleinement active propre au veau ne prendra le relais qu’au bout de trois à quatre semaines après sa naissance. De ce fait, le veau nouveau-né est particulièrement sensible aux agressions microbiennes du milieu extérieur et il est donc crucial pour lui de bénéficier des anticorps maternels par la prise du colostrum. Un défaut de transfert d’immunité passive chez les veaux nouveau-nés est non seulement associé à un risque plus élevé de morbidité et de mortalité, mais aussi, à plus long terme, à une baisse de performances (indice de croissance, âge de mise à la reproduction).
« De plus, outre son rôle immunitaire bien connu (anticorps, facteurs antimicrobiens, cellules immunitaires), le colostrum remplit trois autres grandes fonctions. C’est avant tout un aliment qui apporte au veau la nourriture et l’eau nécessaires à un bon démarrage. C’est à la fois un concentré d’énergie (trois fois plus que le lait), de vitamines (dix fois plus que le lait), de protéines (quatre fois plus que le lait). Il contient également des oligoéléments, des hormones et des facteurs de croissance. Il est très nourrissant, ce qui est très important car le veau dispose de peu de réserves à la naissance. Ensuite, le colostrum dispose d’une fonction laxative. Il favorise donc l’évacuation du méconium. Enfin, il joue un rôle de starter dans la mise en route du système digestif », note Cécile Chuzeville, du GDS de Saône-et-Loire. Toutefois, le veau ne tire bénéfice de la prise colostrale que si elle est précoce, en quantité suffisante et avec un colostrum de qualité.
À apporter le plus tôt possible
Le colostrum permet de transmettre l’immunité au veau, grâce à sa concentration élevée en immunoglobulines (IgG), contrairement au lait, principalement composé de caséine. La concentration minimale en IgG d’un colostrum de bonne qualité est fixée à 50 g/l. Il s’agit de la concentration seuil, définie comme limitant le risque de défaut d’immunité passive chez le veau nouveau-né. « Or, après mise-bas, la concentration d’IgG du colostrum baisse significativement. En effet, la colostrogenèse cesse brutalement au vêlage, sous l’influence d’hormones lactogènes, dont la prolactine », précise le professeur Renaud Maillard, de l’école nationale vétérinaire de Toulouse.
Dans les heures qui suivent la naissance, une partie des anticorps reste en protection au niveau de l’intestin du veau mais la majorité d’entre eux le traversent pour aller dans son sang. Toutefois, la mise en place de la fermeture de la barrière intestinale chez le veau réduit rapidement l’absorption colostrale : les intestins ne laissent plus passer que 50 % des anticorps 12 heures après la naissance et plus rien après 24 heures. D’où l’importance d’une prise colostrale rapide et en quantité suffisante. « On peut s’assurer de la bonne prise colostrale en contrôlant visuellement la tétée naturelle, en vérifiant l’évacuation du méconium, et surtout en surveillant la température rectale du veau, 24 heures après la naissance. Elle doit être à 39 – 39,5 °C si le veau a correctement bu son colostrum. La surveillance attentive des vêlages, même lorsque ceux-ci se passent bien, permet alors d’intervenir au bon moment. Le vêlage est terminé quand le colostrum est distribué ! Plus il fait froid, plus il est important que le veau consomme rapidement le colostrum pour éviter qu’il ‘ne brûle’ toutes ses réserves énergétiques et ne tombe en hyperthermie », remarque Cécile Chuzeville.
Préparer le colostrum chez la mère, suffisamment tôt
La qualité du colostrum est également importante. Sa formation débute trois semaines avant le vêlage. « Il faut donc correctement alimenter les mères durant cette période et avoir une bonne gestion du parasitisme. D’autre part, la vaccination des mères est dans certains cas nécessaire pour orienter le colostrum en anticorps spécifiques contre les pathogènes responsables des diarrhées ayant pu être identifiés au sein de son élevage. La vaccination de fin de gestation permet bien d’orienter le type d’anticorps produits mais n’augmente pas la teneur en anticorps dans le colostrum », souligne Cécile Chuzeville.
Le transfert d’immunité passive chez le veau est positivement corrélé au volume de la prise colostrale. Le volume à apporter est en fait dépendant de la qualité du colostrum. En élevage allaitant, on ne prend pas la règle des 10 % de poids vif. De manière simple, on conseille une ingestion minimale de 200 g d’immunoglobulines. Plusieurs techniques permettent de contrôler la qualité du colostrum. Le pèse-colostrum est une technique peu fiable en troupeaux allaitants. « Le réfractomètre Brix est un outil plus précis et plus simple d’utilisation. Il permet une corrélation entre le pourcentage de Brix mesuré et le taux d’IgG. Il faut mettre une goutte de colostrum prélevé avant la première tétée. Si la mesure dépasse 22 %, le colostrum est correct, au-delà de 27 % il est bon. Ainsi, à 27 % de Brix, 2 litres de colostrum permettent une protection suffisante, alors qu’à 22 %, 4 litres seront nécessaires pour une même efficacité », poursuit Cécile Chuzeville.
Vérifier la qualité du transfert immunitaire
Il est possible de vérifier dans l’élevage la qualité du transfert immunitaire (dosage des anticorps sanguins) par des analyses de sang du veau, entre 1 et 6 jours d’âge, et d’agir selon les résultats. L’objectif est d’obtenir plus de 16 g d’anticorps par litre de sang (optimal à 20g d’IgG/l). Ces analyses complètent le test de la qualité du colostrum et permettent d’orienter les mesures à améliorer en cas de défaut de transfert (est-ce un problème de qualité du colostrum ? de volume absorbé ?...).
Le colostrum doit rester dans la mamelle jusqu’au vêlage. Attention donc aux génisses têteuses et aux veaux voleurs. Le contrôle systématique de la qualité du colostrum au vêlage favorise la détection des vaches ‘volées’. Pour éviter cette problématique avant mise-bas, il est préférable de regrouper les vaches en fonction des dates de vêlages prévues et d’isoler mère et veau au vêlage.
Les veaux dont la mère n’a pas suffisamment de colostrum ou de qualité insuffisante devront faire l’objet d’une surveillance particulière.
« Il n’existe pas en France de colostro-remplaceur commercialisé. Aucune supplémentation ne peut remplacer complètement le colostrum de la mère ou, à défaut, le colostrum provenant de la colostrothèque de l’élevage. En dehors du colostrum de la mère ou d’une banque de colostrum de l’élevage, les autres produits de substitution au colostrum sont toujours moins efficaces. Par exemple, l’utilisation d’une seringue seule est à proscrire car le veau a besoin d’eau. Ces seringues peuvent être utilisées en supplément et en aucun cas en remplacement total du colostrum maternel. Il est important de demander conseil à votre vétérinaire pour savoir quel produit utiliser en supplémentation en fonction du besoin», souligne Cécile Chuzeville.
Cyrielle Delisle
Constituer sa banque de colostrum
« Le colostrum de la mère est toujours le plus efficace. Toutefois, s’il n’est pas de bonne qualité ou en quantité insuffisante, on peut avoir recours à du colostrum de bonne qualité d’une autre mère du troupeau, qui est adapté au microbisme de l’élevage. C’est pourquoi, il est intéressant de se constituer une banque de colostrum (colostrothèque) », remarque Cécile Chuzeville. La préparation et le stockage de poches de colostrum dès le début de la campagne de vêlages permettent d’intervenir rapidement en cas de nécessité. L’administration du colostrum peut alors se faire soit au biberon, soit par sonde oesophagienne. « Le sondage des veaux est parfois appréhendé. Cette technique peut être apprise lors des formations éleveurs infirmiers ou en collaboration avec votre vétérinaire d’élevage. »
La collecte du colostrum doit avoir lieu le plus rapidement possible après la mise-bas et dans de bonnes conditions d’hygiène pour limiter la contamination bactérienne lors du recueil, de la conservation et de la distribution du colostrum (mains, mamelles, matériels propres…). Si le colostrum n’est pas distribué dans les deux heures, il peut être congelé (18 mois). Il est également intéressant de tester la qualité des colostrums que l’on souhaite conserver pour ne garder que des colostrums riches en IgG (brix > 25%). « On conseille de stocker le colostrum dans des sachets de congélation (deux au cas où l’un perce), à plat pour faciliter ensuite la décongélation dans un seau d’eau chaude à 60 °C maximum. Il est également possible de conserver le colostrum pendant un mois au réfrigérateur en respectant certaines précautions : le colostrum est mis en bouteilles de 1 à 1,5 litre, avec trois à quatre gouttes d’eau oxygénée. La bouteille est ensuite laissée douze heures à température ambiante avant de fermer hermétiquement le bouchon, de le percer et de placer la bouteille un mois au réfrigérateur », observe Cécile Chuzeville.
Dico
Légalement, il n’existe pas de définition du colostrum, uniquement du lait. Le colostrum est ainsi défini indirectement comme étant le produit de la traite opérée les six premiers jours après le part. « D’un point de vue médical, le colostrum correspond à la sécrétion lactée produite par la glande mammaire durant les 24 heures qui suivent le vêlage, et même mieux, on peut considérer que c’est la sécrétion lactée de la première tétée », observe le professeur Renaud Maillard.
La valeur nutritionnelle du colostrum
Le laboratoire Vétalis, conjointement avec l’École nationale vétérinaire de Toulouse, a mené une étude sur la composition nutritionnelle du colostrum en race Charolaise, en vue d’un meilleur contrôle de l’alimentation du veau, dans ses premiers jours de vie. Les échantillons de colostrum ont été prélevés sur 23 vaches de race Charolaise, de 6 élevages différents, lors de la réalisation d’une césarienne afin d’obtenir du colostrum de première traite, immédiatement après le part.
« Les résultats montrent que le colostrum de ces vaches est constitué en majorité de protéines, puis de matières grasses et enfin de lactose. Par comparaison avec le colostrum de vaches de race Prim’holstein, celui des vaches étudiées est moins riche en énergie (113,8 contre 129,94 en laitier). La teneur en protéines est par contre plus élevée pour les Charolaises et la quantité d’IgG y est deux fois supérieure. D’autres travaux sont prévus dans d’autres races allaitantes », note le professeur Renaud Maillard.