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La Covid renforce l’intérêt pour les circuits courts

Si le soufflé est quelque peu retombé avec le déconfinement, l’intérêt pour l’achat en direct de viande bovine semble vouloir se maintenir. Au moins auprès des particuliers.

Quand le confinement a démarré, certains s’attendaient au pire. Mais, beaucoup ont été surpris par l’explosion de la demande de viande bovine. Véronique et Stéphane Aubailly (L’Étable Gourmande), dans le Cher, chiffrent cette augmentation à 30 %. Ils élèvent 150 mères et commercialisent une petite vingtaine de vaches en vente directe. Une hausse qui a compensé la fermeture de leur ferme auberge. Le Gaec de sous la Velle (100 Charolaises), en Côte-d’Or, avait prévu de faire abattre une génisse comme tous les mois. « Je l’ai vendue en une semaine alors qu’habituellement, la vente s’étale sur trois semaines et j’avais encore énormément de demande. J’ai fait abattre une deuxième bête et j’ai tout vendu », explique Rosine Mallet. La vente est effectuée essentiellement en colis et complétée par un peu de détail et de transformation. « Le drive fermier a explosé. Nous avons lancé un petit marché de producteurs chez un paysan boulanger qui a très bien marché », ajoute-t-elle.

Vincent Monchany élève avec son père 100 Blondes d’Aquitaine aux portes de Bordeaux et passe presque toutes les réformes en vente directe, ainsi qu’une vingtaine de veaux. La moitié de la viande est vendue au détail et l’autre en colis, à la ferme, dans un magasin de producteurs, via un drive… « C’était compliqué de répondre à un doublement ou un triplement de la demande du jour au lendemain. Nous avons limité les ventes à ce qu’on pouvait faire. Tous les circuits de vente ont été impactés positivement. J’ai eu la chance d’avoir trois à quatre vaches en stock. Mais, je suis à flux tendu. » Pour Yohan Bony, dans le Puy-de-Dôme, le confinement a « aidé à lancer l’activité » de vente directe démarrée quelques mois plus tôt.

« Revenir à une alimentation plus sûre »

Les Éleveurs de la Charentonne gèrent 25 magasins de vente de viande (toutes espèces), en Normandie, Pays de la Loire et Centre. L’approvisionnement est assuré par 80 producteurs. « Nous avons senti un frémissement dès le début mars, puis, très rapidement la consommation s’est accélérée avec une augmentation du panier moyen et l’arrivée de nouveaux profils de clients », indique François Lemière, éleveur et directeur de la structure. Une augmentation de l’ordre de 30 %, précise-t-il.

Cet enthousiasme pour les circuits courts est-il durable ? Avec des consommateurs de retour sur leurs lieux de travail et dans les restaurants, la consommation à domicile a forcément baissé. Mais, une partie des nouveaux clients semblent vouloir rester fidèles aux circuits courts. « Le début d’année était déjà favorable (+ 15 à 20 %). On sentait un intérêt croissant pour les circuits courts. Actuellement, on se maintient entre 25 et 40 % de plus que l’année dernière, indique Vincent Monchany. Chez les jeunes et les jeunes parents en particulier, il y a un vrai besoin de revenir vers une alimentation plus sûre, de savoir d’où vient la viande, de connaître les modes de production. »

« Un nouveau regard sur les agriculteurs »

Si beaucoup étaient venus pour « se dépanner », la Ferme de sous la Velle estime avoir gardé 20 % des nouveaux clients. « Les gens ont goûté la viande, ils l’ont appréciée. Je pense que ça va durer », veut croire Rosine Mallet. Certains, qui s’étaient confinés dans leur résidence secondaire, demandent l’envoi de colis sur Paris. Elle perçoit aussi une évolution de la consommation : « les gens mangent moins souvent de la viande mais préfèrent acheter de la viande de qualité ». Mais, cette nouvelle clientèle ne fait pas de demi-mesure entre la « ferme bio » et la « ferme industrielle ». « Il faut beaucoup communiquer. » Véronique Aubailly, dans le Cher, a bénéficié de la même clientèle de Parisiens confinés à la campagne. « Ils nous ont découverts. » Elle apprécie le nouveau regard qu’ils portent sur l’agriculture : « J’ai senti chez ces nouveaux clients une prise de conscience de l’utilité des agriculteurs. On est reconnu pour notre travail. Ça ne se quantifie pas mais ça fait du bien. Cette période aura été une sacrée expérience. » Pour les éleveurs de la Charentonne, le déconfinement puis la canicule se sont traduits par un décrochage des ventes. Mais, elles restent supérieures à celles de l’an passé. « La Covid-19 a accéléré des phénomènes qui existaient déjà », analyse François Lemière. Les circuits courts mais aussi le e-commerce. Bien que le climat de rentrée ne soit pas des plus sereins, par rapport à d’autres secteurs d’activité, y compris dans l’alimentaire, il estime faire partie « des gens privilégiés ».

Avis d’éleveur - Matthieu Rodier, du Gaec Rodier-Sartre, en Lozère, 95 vaches aubrac et 110 chèvres laitières. Tous les produits sont commercialisés en vente directe.

« Tous les marchés professionnels se sont effondrés »

« Nous castrons tous les mâles et les faisons abattre à 28-30 mois. Les femelles sont triées après un premier vêlage. Nous commercialisons 60-65 grosses carcasses et 25-30 veaux par an. Nous avons une clientèle de particulier sur le bassin méditerranéen, Clermont-Ferrand et dans notre département. Localement, nous vendons à la ferme et sur deux marchés. Nous servons aussi des professionnels : restaurants, collectivités… Et, la vente à distance se développe. Les quinze premiers jours du confinement ont été dramatiques. Les restaurants ont fermé et plusieurs collectivités n’ont pas joué le jeu alors que nous étions en mesure de répondre. Elles ont fait le choix de la simplicité en s’approvisionnant auprès de grands groupes ou avec du surgelé plutôt que de soutenir la production locale. Tous les marchés professionnels se sont effondrés. Nous avons mis les bouchées doubles pour rattraper ce manque à gagner sur les particuliers. Cet été, nous avons ouvert un petit restaurant à la ferme (deux soirs par semaine) et un magasin de centre-ville à Rodez (Aveyron). Mais, cela n’a pas suffi. Nous sommes excentrés des bassins de consommation. Pendant le confinement, nous avons perdu 50 à 65 % de notre chiffre d’affaires. Pour la viande, nous avons pu faire attendre des animaux, mais pour les fromages, la situation était très problématique. Heureusement, les ventes sont reparties avec le déconfinement. En juin, elles ont été normales pour les particuliers et moyennes pour les restaurants. Et, nous sortons d’un très bel été. Il y a eu une très forte affluence touristique sur le plateau de l’Aubrac. Le développement de l’accueil à la ferme a porté ses fruits et le nouveau magasin a bien marché. Nous ne rattraperons pas tout le manque à gagner du confinement, mais c’est un moindre mal. Par contre, nous appréhendons les mois qui viennent. Nous nous étions beaucoup développés avec une clientèle professionnelle. Nous nous demandons s’il ne faudrait pas se recentrer davantage sur les particuliers. »

Des situations très contrastées d'un élevage à l'autre

Les Cerfrance du Massif central et de Rhône-Alpes ont mené une enquête pour évaluer l’impact de la Covid-19 sur les circuits courts. Quarante-quatre producteurs de viande bovine ont répondu : 38 % déclarent avoir augmenté leur chiffre d’affaires (de 10 à 30 % pour plus de la moitié), 20 % l’avoir maintenu et 34 % être en baisse. Ceux qui sont en hausse d’activité ont bénéficié de nouveaux clients, d’un panier moyen plus élevé et d’une diversification des circuits de distribution. « Ils ont su s’adapter, explique Nathalie Velay, de Cerfrance Alliance Massif central. Plus de 60 % affirment avoir modifié leurs conditions de mise en marché : livraison à domicile, drive, vente en ligne, GMS, actions promotionnelles, ventes à la ferme… » Parmi ceux qui sont en baisse, 40 % ont perdu de 10 à 30 % de CA et un tiers plus de 50 %. Une chute liée à leur zone de chalandise et à l’arrêt de certains circuits de distribution : marchés de plein vent, RHF… C’est le cas tout particulièrement de ceux qui font de grands volumes et ont eu des difficultés pour se réorienter. Pour 66 % des éleveurs, toutes ces adaptations se sont faites au prix d’une augmentation du temps de travail. Les producteurs de viande bovine sont néanmoins optimistes (45 %) ou sereins (52 %) pour l’avenir de leur activité de vente directe.

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