Au Gaec du Vieil Argouet, dans les Côtes-d’Armor
Évoluer tout en maîtrisant l’économie
Chez Stéphane et Evelyne Divouron, génétique, technique, valorisation des animaux et recherche d’autonomie sont les alliés de la bonne santé économique de l’exploitation. Les éleveurs n’en n’oublient pas pour autant la simplification du travail.
Chez Stéphane et Evelyne Divouron, génétique, technique, valorisation des animaux et recherche d’autonomie sont les alliés de la bonne santé économique de l’exploitation. Les éleveurs n’en n’oublient pas pour autant la simplification du travail.
Après quelques années de salariat à l’extérieur de l’exploitation (ferme expérimentale, Bovins croissance, intérim dans le BTP) puis sur l’exploitation familiale, Stéphane Divouron a repris les parts de son père, Rémy, en octobre 2015, pour s’installer avec sa mère Evelyne, sur le Gaec du Vieil Argouet, à Bodéo dans les Côtes-d’Armor. « Je représente la troisième génération d’éleveurs sur la ferme. À l’époque, mon père a repris l’exploitation de mon grand-père mais n’a pas souhaité gérer, comme lui, un troupeau laitier. Il s’est donc tourné vers du veau de boucherie avec, à côté, quelques allaitantes croisées. Il a très rapidement choisi de monter un troupeau de Charolais qu’il a fait croître au fur et à mesure. Il s’est par ailleurs beaucoup investi dans la génétique et a participé à de nombreux concours de race avant d’arrêter il y a sept ans. Je dispose ainsi aujourd’hui d’un troupeau avec un bon potentiel génétique. Peut-être reprendrai-je les concours, mais en amenant désormais des animaux sans cornes. En effet, j’ai décidé de donner cette nouvelle orientation sur l’exploitation tout en conservant bien sûr le potentiel génétique actuel (NDLR: il a obtenu le Sabot d’Argent 2017 – IVMAT de 103,2). J’y vois plusieurs avantages, entre autres, la simplification du travail en l’absence d’écornages à effectuer », souligne Stéphane Divouron, à la tête d’un troupeau de 65 mères charolaises naisseur-engraisseur avec achat de génisses pour l’engraissement.
Introduire le gène sans cornes
À l’automne 2018 débutera la quatrième campagne de vêlages depuis l’introduction de ce gène, et 60 % des veaux naîtront sans cornes. « Depuis quinze ans, nous avions recours pour 50 % à l’insémination. Dès mon installation, nous sommes montés à 95 % d’IA car je n’avais pas trouvé de taureau sans cornes répondant à mes critères de sélection (finesse, animaux mixtes avec du développement musculaire). C’est chose faite cette année. Aussi, je vais passer de trois inséminations à deux et le taureau se chargera des retours. »
La mise à la reproduction débute le 20 novembre pour des vêlages de septembre à novembre. « Le passage à presque 100 % d’IA demande un gros travail de surveillance. J’y consacre 45 minutes, quatre fois par jour, mes bêtes étant reparties en trois lieux différents (primipares, vaches et génisses de 2 ans). C’est durant mon passage nocturne (entre 23h et 1h du matin) que je distingue le mieux les femelles en chaleur. De plus, depuis que je procède ainsi, j’ai constaté un impact positif sur la docilité de mes animaux », précise l’éleveur. Les bêtes réintègrent les bâtiments fin novembre - début décembre. Les vaches vêlent donc dehors. Les génisses entrent et sortent librement pendant la période de mises-bas, le bâtiment est centré au milieu des pâturages. « Je leur distribue un peu de foin ou un filet d’ensilage afin de trier celles prêtes à vêler et de les garder à l’intérieur. Elles y restent ensuite deux jours avant de retourner au champ. » Les exploitants travaillent avec des détecteurs de vêlages. Trois lots sont constitués en stabulation : un lot de primipares, un lot de vaches avec les veaux les plus âgés et un lot de vaches avec les plus jeunes mâles et femelles mélangés. Les femelles, non encore suitées au moment de l’hivernage, sont mises dans une case dans le bâtiment des génisses pour éviter la pression sanitaire liée aux veaux plus âgés, avant d’être rapatriées dans le bâtiment des mères lorsque leur descendance atteint 1 mois. Les veaux sont vaccinés contre la grippe et déparasités tout comme les génisses de 18 mois.
Approcher l’autonomie alimentaire
L’un des objectifs prioritaires de l’exploitation est d’atteindre l’autonomie alimentaire. C’est pourquoi, dès que les sols sont suffisamment portants, les vaches sont mises à l’herbe. Des prairies multiespèces (fléole, RGA, fétuque élevée, fétuque des prés, pâturin, trèfle blanc nain et géant, et trèfle violet) ont été implantées. « J’ai beaucoup de lots à conduire (3 de vaches, 4 de génisses), c’est pourquoi je reste sur du pâturage tournant classique (5 à 6 jours sur une parcelle). » De la féverole et de la luzerne ont été implantées et les surfaces augmentent chaque année. « Je privilégie la récolte sous enrubannage. En 2016, l’autonomie sur l’atelier bovins viande était ainsi de 86,5 %. En 2017, avec l’augmentation des surfaces en luzerne et féverole, ce pourcentage a encore augmenté. »
La ration hivernale des mères se compose de 60 % d’enrubannage de prairie, de 20 % d’ensilage de maïs, de 20 % de paille et d’un kilo de concentré (30 % de correcteur, 55 % de féverole, 15 % de minéraux). Les primipares disposent toutefois des refus des taurillons pour apporter un complément. Les génisses de 1 et de 2 ans ont, quant à elles, une ration à base de 35 % d’enrubannage de luzerne et de 65 % d’ensilage de maïs, complétée par 300 g de concentré (65 % féverole, 35 % de minéraux).
Il y a sept ans, l’éleveur a investi dans un bol mélangeur de 12 m3. « Ce qui m’apporte une meilleure efficacité au niveau des animaux et simplifie le travail. J’achète entre 12 et 13 hectares de paille d’avoine pour les mettre dans la mélangeuse. J’ai par ailleurs acheté un rotocut qui me permet d’augmenter la charge du bol de 400 kilos », souligne l’exploitant.
De très bonnes performances animales
Au pâturage, les premiers veaux nés sont conduits avec leur mère selon leur sexe et sont sevrés mi-juillet. Quinze jours avant sevrage, les mâles reçoivent un complément au pâturage pour démarrer l’engraissement une fois le sevrage effectué. Les veaux nés en fin de période de vêlage sont conduits ensemble et complémentés pendant la période estivale au pâturage. La ration d’engraissement des taurillons est composée de 35 % d’enrubannage de luzerne et 65 % d’ensilage de maïs et de 4 à 6 kilos de concentré (63 % de blé, 15 % de correcteur, 20 % de féverole et 2 % de minéraux). L’objectif est de ne pas dépasser les 500 kilos de carcasse à 16,5-17 mois (GMQ naissance-vente de 1430 g/j). Les femelles à l’engraissement ont toutes la même ration (20 % d’enrubannage de luzerne et 80 % d’ensilage de maïs et 3 à 4 kilos de concentré). Les boiteries, l’âge, les vêlages ratés et le décalage de la période de vêlages représentent les principales causes de réforme.
« Au fur et à mesure, je m’équipe pour des interventions plus rapides, produire des fourrages de qualité, simplifier le travail et préparer le départ en retraite de ma mère en 2020. Jusqu’à présent, on fonctionnait en cage de contention mobile. Une cage fixe vient d’être installée dans le bâtiment des génisses. J’ai également investi dans une herse étrille pour redynamiser les pâtures au printemps, étaler les fumiers en fin d’hiver, et pour désherber la luzerne et ainsi réduire les traitements phytosanitaires. Des pratiques sont également en réflexion, comme le semis direct », observe Stéphane Divouron.
Chiffres clés
En 2017
Thierry Offredo, conseiller bovins viande à la chambre d'agriculture des Côtes-d'Armor
« Rechercher la performance utile »
« Plusieurs points caractérisent l’exploitation de Stéphane et Evelyne Divouron. En premier lieu, la recherche d’autonomie alimentaire depuis quelques années. L’autonomie a débuté par la récolte de fourrages de qualité (enrubannage de RGA et trèfles), puis par l’introduction de la luzerne, l’achat du bol mélangeur (rations plus complexes) et maintenant l’implantation de féveroles pour réduire l’achat de complément azoté.
Stéphane Divouron fait aujourd’hui évoluer son système pour trouver celui qui lui correspond le mieux et pallier au départ en retraite de sa mère en 2020. Il prépare son outil pour un fonctionnement optimum en maîtrisant temps de travail (génétique sans cornes, bol mélangeur…) et économie. L’EBE sur produit de 46 % concrétise ce dernier objectif. Ce bon résultat s’explique par la maîtrise des charges, la valorisation des femelles et les bonnes performances des mâles. Un travail de longue date engagé sur la génétique permet des poids carcasse élevés et une production de femelles en lien avec leur débouché. »
Une très bonne valorisation bouchère des femelles
Jusqu’à présent, 35 à 40 femelles (génisses de 36 mois et jeunes vaches) étaient valorisées en circuit court par le biais d’une boucherie de producteurs. « Cette boucherie a été créée à Guingamp en 1992, par trois éleveurs associés dont mon père. Aujourd’hui, elle compte quatre points de vente, trois à Guingamp et un à Morlaix, vingt-cinq à vingt-sept salariés et écoule 250 génisses à l’année, seize cochons par semaine, et un à un veau et demi par semaine. Les animaux sont bien valorisés, mais j’ai toutefois commencé à diversifier mes débouchés. Désormais, je fournis des animaux au label. La demande dans la région est importante et la valorisation presque identique, une fois les frais de transport déduits. En effet, dans le cadre du créneau boucherie, c’est à moi d’emmener les animaux à l’abattoir. Dans le cadre du label, ce sont eux qui se chargent du transport », note Stéphane Divouron.
Cette année, les génisses de 36 mois ont été commercialisées 4,30 €/kg de carcasse et les jeunes vaches 4,20 €/kg de carcasse. Chaque année, une vingtaine de génisses nées au printemps sont achetées pour étaler les ventes avec celles de l’élevage. Elles sont engraissées à l’herbe avec un complément (en moyenne 3 kilos d’un mélange céréales – correcteur label en proportion 80-20).