Des Bazadaises bio bien valorisées
Suite à son installation, Paul Dussau a substitué les palmipèdes gras par un cheptel bazadais naisseur engraisseur. Malgré ce changement radical, il a choisi comme le faisaient ses parents avant lui, de rester en bio et de valoriser ses animaux en vente directe.
Suite à son installation, Paul Dussau a substitué les palmipèdes gras par un cheptel bazadais naisseur engraisseur. Malgré ce changement radical, il a choisi comme le faisaient ses parents avant lui, de rester en bio et de valoriser ses animaux en vente directe.
Dans le sud des Landes, aux confins des Pyrénées-Atlantiques, le village de Pimbo domine une plaine où les hectares de maïs succèdent aux hectares de maïs associés à de nombreux élevages de volaille et surtout de canards. « On est à 200 mètres d’altitude. C’est presque le point culminant du département ! », souligne avec humour Paul Dussau, installé depuis 2013 en EARL avec ses parents sur l’exploitation familiale, laquelle était en bio depuis 1994 avec une production de canards gras. Une production entièrement écoulée en vente directe depuis de nombreuses années. « Mon père a fait partie des pionniers de l’agriculture biologique du département. » L’exploitation faisait alors 28 hectares, principalement en cultures, avec comme seule surface en herbe les parcours des canards. « Quand je me suis installé en 2013, nous avions 35 hectares après la reprise quelques prairies en prévision de la constitution du troupeau. J’ai toujours été attiré par l’élevage bovin. Un de mes oncles avait des laitières. J’ai fait la plupart de mes stages dans des élevages laitiers ou allaitants. Mon attrait pour les Bazadaises remonte à l’enfance. J’en voyais dans les prés depuis le car du ramassage scolaire. Je me disais : plus tard, je serai éleveur et il y aura des Bazadaises sur mon exploitation ! » En murissant son projet, Paul Dussau s’est rendu compte que son rêve d’enfant était loin d’être farfelu. Les Bazadaises s’avèrent bien adaptées à une conduite en bio. Elles se maintiennent en état avec une alimentation reposant à la belle saison sur le seul pâturage et des rations hivernales essentiellement composées de fourrages grossiers. Le choix d’une « race locale » est également un atout pour la vente directe.
Paul Dussau a acheté ses premiers animaux à 18 ans, mais les principaux achats ont été réalisés en 2013 et 2014 : à savoir une bonne vingtaine de femelles de tous âges provenant de sept élevages différents. « En 2015, j’ai présenté un premier animal sur un concours. Les autres éleveurs ont vu que j’étais vraiment mordu et m’ont aidé à partir sur de bonnes bases », souligne celui qui est également devenu en 2017, président du syndicat départemental bazadais. « Cela me prend du temps, surtout cette année où nous avons organisé le national à Vieux-Boucau au bord de l’océan. J’ai voulu marquer le coup en préparant 20 animaux ! »
Des prairies peu convoitées
Sur l’exploitation, l’objectif initial était de maintenir quelques canards gras à côté de Bazadaises destinées à une production de veaux sous la mère, mais les deux crises de l’influenza aviaire et la nécessité de procéder à de nouveaux investissements ont eu raison des volatiles. Décision a en revanche été prise de porter à 50 le nombre de vaches en se recentrant sur ce seul atelier associé aux cultures. La vente directe a été confortée en capitalisant sur les acquis et le savoir-faire des parents de Paul, toujours associés dans le cadre de l’EARL. « On est très soudé autour de cette activité. Je me retrouve parfaitement dans les valeurs que m’ont transmises mes parents : choix du bio et volonté de tout avoir en main depuis le pré jusqu’à l’assiette. » Son père Patrick lui donne un sérieux coup de main dans la conduite au quotidien de l’exploitation et plus particulièrement des cultures. Sa mère Marinette se consacre plus particulièrement au suivi administratif et commercial de l’activité vente directe.
La volonté de se recentrer sur les bovins a été confortée par les disponibilités de parcelles en herbe. Dans le sud des Landes, l’élevage d’herbivores est en déclin. La tendance est aux céréales et à l’aviculture. Pour peu que les prairies soient de qualité moyenne et non labourables, il y a plus d’offre que de demande. « On m’en propose régulièrement de nouvelles alors que pour les surfaces labourables, le contexte est nettement plus tendu. » La progression du cheptel s’est faite simultanément à une évolution de la conduite. Les veaux ne sont plus en permanence dans leur case sous la stabulation, mais suivent leur mère en pâture et ont libre accès à un nourrisseur où un mélange associant 55 % de maïs grain aplati, 15 % de tourteau de tournesol et 30 % de méteil (avoine + 80 % de féverole) complète les lactations. « Notre clientèle est satisfaite. C’est ce qui compte. Elle est habituée à cette viande rosée. Nous travaillons en toute transparence sur la façon dont sont élevés les animaux. » Les veaux gambadant avec leur mère sont globalement plus en phase avec leurs attentes qu’un veau qui reste en bâtiment.
La vente directe nécessite en revanche d’avoir des vêlages tout au long de l’année. « J’évite simplement l’été, compte tenu de la chaleur. C’est aussi une période clé pour les cultures et la récolte des fourrages. » Les parcelles situées autour de la stabulation recouverte de panneaux photovoltaïques sont réservées au lot des vaches suitées et à celui des génisses non encore mises à la reproduction. Le lot des suitées inclut des veaux de tous âges. « Dans la théorie ce n’est pas l’idéal, mais il est difficile de faire autrement compte tenu des contraintes du parcellaire. » Tous les lots sont en pâturage tournant. Les vaches taries et les génisses pleines sont réparties sur les parcelles éloignées en plusieurs lots d’une demi-douzaine et ramenées un mois avant le terme près de la stabulation.
Trier les femelles après vêlage
Le nombre de femelles réformées est inférieur à celui des génisses entrant en production et traduit une progression des effectifs. Pour atteindre sans tarder les cinquante vêlages annuels, Paul Dussau a conservé certaines femelles qui s’étaient décalées dans la mesure où les surfaces en herbe ne sont pas vraiment un facteur limitant. Le niveau moyen des IVV en a été sérieusement pénalisé. Il était l’an dernier de 411 jours après avoir avoisiné les 380 jours les années qui ont suivi l’installation. Comme l’objectif de 50 mères est atteint, l’ambition est de revenir rapidement à de meilleurs résultats grâce aux nombreuses génisses de renouvellement. « Je vais également pouvoir mieux trier avec quatre priorités : le caractère, la morphologie avec un compromis entre gabarit, qualité de bassin, finesse d’os et conformation, les aptitudes laitières et le potentiel de croissance. Cette année sur 45 vêlages, j’en ai assisté trois et je n’ai jamais fait faire de césarienne depuis mon installation. »
Actuellement la plupart des réformes pèsent entre 400 à 450 kg de carcasse avec une dimension de muscle bien en phase avec les attentes de la clientèle. Toutes les génisses vêlent entre 32 et 36 mois. « Une Bazadaise gagne en format jusque vers 6 à 7 ans. On a intérêt à les faire vêler une ou deux fois pour gagner du poids et des veaux supplémentaires. Cela permet également d’effectuer un tri plus judicieux sur les qualités maternelles. » Il y a toujours une case de femelles en finition en essayant de les rentrer déjà bien en état. La ration d’engraissement se compose d’un mélange associant 70 % de maïs grain, 20 % de méteil (avoine-féverole) et 10 % de tourteau de tournesol. Il est proposé broyé à raison de 10 à 12 kg/tête selon le gabarit, accompagné de foin appétent. « Je n’hésite pas à conserver jusqu’à 12 ou 13 ans mes bonnes vaches. » Toutes sont hivernées sous une stabulation recouverte de panneaux photovoltaïques et l’EARL est en attente d’un second bâtiment construit sur le même principe. Il permettra de remiser du matériel et des fourrages et d’hiverner la dizaine de vaches en fin de gestation qui jusqu’à présent passaient l’hiver dehors. « Ici avec nos sols très argileux, il faut tabler sur quatre mois d’hivernage. Les rations des vaches en lactation reposent alors sur 7 à 8 kg de MS d’enrubannage ou de regain avec du foin à volonté et 1 à 3 kg d’un mélange méteil + maïs grain aplati dont la quantité est réduite une fois que les vaches sont pleines." Pour l’instant Paul Dussau s’en tient là. Côté objectifs de production : le souhait est de valoriser en vente directe toutes les vaches finies dont le nombre va forcément progresser dans les années à venir. L’ambition est également de réfléchir à une nouvelle organisation du travail en prévision du désengagement progressif de ses parents.
100 % des animaux finis en vente directe
En 2019, 14 veaux et 6 vaches ont été valorisés en vente directe. Pour 2020, hormis trois mâles et quelques génisses vendues pour la reproduction, ce débouché concernera 20 veaux et une vache toutes les six à huit semaines avec de ce fait des tonnages qui devraient progresser. Les animaux sont abattus à Hagetmau à 25 kilomètres de l’exploitation. L’existence et la proximité de cet outil sont une donnée clé pour assurer cette activité dans de bonnes conditions. « Hagetmau est le dernier abattoir en activité du département. J’amène les animaux avec la bétaillère de l’exploitation », explique l’éleveur Paul Dussau. Après une petite semaine de maturation pour les veaux et quinze jours à trois semaines pour les vaches, les carcasses sont ramenées dans un atelier de transformation utilisé en Cuma où un boucher prépare les muscles en prestation de service. On se charge ensuite de la mise sous vide puis de la préparation et livraison des commandes auprès de particuliers et de magasins de producteurs à Dax, Saint-Vincent-de-Tyrosse, l’agglomération bordelaise et Vielle-Saint-Girons sur la côte.
Les colis sont vendus par unités de 5 kg. Le prix diffère selon le contenu. Il est de 19 ou 15,80 €/kg pour la viande de veau et 11 ou 18,50 €/kg pour la viande rouge. Des conserves à base de viande mitonnée dans l’atelier en Cuma sont également proposées. « Notre clientèle peut grossièrement se scinder en trois catégories. Un tiers est sensible à une viande produite en bio, un second tiers apprécie le fait de pouvoir manger de la bazadaise et le troisième tiers recherche en priorité une viande locale. Les carcasses sont conformées R + à U +. Les veaux sont le plus souvent notés 2/3 en état de gras et les vaches ne descendent jamais sous la note 3."
Terre très argileuse
Malgré des surfaces en cultures limitées, l’assolement est très diversifié. La famille Dussau a la possibilité d’irriguer 20 hectares, principalement le maïs et le tournesol avec un rendement moyen de 90 qt/ha pour le maïs (120 en 2019 !). Maïs et tournesol sont sarclés jusqu’à quatre fois au printemps. « Ce sont nos deux cultures phare auxquelles est destinée la quasi-totalité du fumier. » Sarrazin et tournesol sont vendus en l’état. Les méteils sont moissonnés et toute la récolte est destinée au troupeau. Cette année, les rendements ont été très mauvais avec guère plus de 5 qt/ha. « C’est d’abord la conséquence d’une année très défavorable, on est d’habitude plus proche de 40, voire 45 qt/ha », explique Paul Dussau.
Avis d’expert - Marion Lapoujade, technicienne de l’OS Excellence bazadaise
Un troupeau récent bien conduit
« Le troupeau de Paul Dussau est récent. La difficulté de trouver les premières vaches et génisses a été accrue par la nécessité d’acheter des animaux issus d’élevages conduits en agriculture biologique avec forcément du bon et du moins bon. La conduite de la reproduction associe IA et monte naturelle avec un choix de taureaux minutieusement réfléchi incluant des taureaux évalués en station. D’après les données de la BDNI, il y avait l’an dernier en France 3 786 vaches adultes et 4 010 génisses. Ces effectifs demeurent modestes mais progressent. L’intérêt pour la Bazadaise est renforcé par les tarifs dont bénéficient les animaux de notre race. Ils avoisinent 5,80 euros du kilo carcasse pour des animaux de bonne qualité bouchère correctement finis. C’est très lié à la bonne notoriété du bœuf de race Bazadaise produit rare avec une qualité gustative exceptionnelle, qui a un effet « locomotive » pour tirer vers le haut le prix de l’ensemble de nos animaux. »