De l’animal au steak, des rendements passés à la loupe
L’Institut de l’élevage et Interbev ont mis à jour les rendements d’abattage et de découpe des principales races bovines abattues en France, datant de l’inventaire de 1984.
L’Institut de l’élevage et Interbev ont mis à jour les rendements d’abattage et de découpe des principales races bovines abattues en France, datant de l’inventaire de 1984.
L’Institut de l’élevage et Interbev ont travaillé en commun afin d’actualiser l’inventaire des carcasses des principaux types de bovins abattus en France. Les données concernant les rendements d’abattage et/ou de découpe par race, catégorie animale… sont en effet basées sur des chiffres anciens, datant des années 1980. « Pour passer du bœuf au bifteck, le bovin subit d’importantes transformations. Classiquement, on parle d’un rendement carcasse de 55 % et d’un rendement en viande de 70 %, soit pour un animal départ ferme de 670 kg vif, l’obtention d’une viande nette d’environ 250 kg dont 138 kg de morceaux à cuisson rapide et 118 kg de morceaux à cuisson lente », note Isabelle Legrand du service qualité des carcasses et des viandes de l’Institut de l’élevage.
Certes solides, ces chiffres, se basant sur la dissection par un boucher de 429 carcasses de bovins, ne tiennent pas compte de l’évolution des caractéristiques des animaux, ni des comportements en matière d’achats des viandes et de commercialisation.
Ainsi peut-on se demander si ces chiffres, habituellement diffusés, sont encore valables à l’heure actuelle et selon quelle variabilité et quels facteurs de variation ? D’où, la réalisation d’un projet de réactualisation (Carcabov (1)) sur le rendement d’abattage (rendement carcasse) et de découpe (rendement en viande nette). Ce travail a concerné six races (Prim’Holstein, Normande, Montbéliarde, Charolaise, Limousine, Blonde d’Aquitaine) et quatre catégories (vache, génisse, bœuf et jeune bovin).
1 Les rendements d’abattage
Ce programme a permis de recueillir les rendements d’abattage moyens issus de stations pratiquant la pesée des bovins, avant le départ à l’abattoir de 278 lots de bovins, soit un total de 36 742 bovins sur la période de 1984 à 2019.
« On a obtenu des rendements très variés intrarace ou intracatégorie qui oscillent entre 45 et 65 % en moyenne. Les tendances historiques sont confirmées. À savoir que les jeunes bovins obtiennent les meilleurs rendements suivis par les bœufs, les génisses et les vaches et ce, quelle que soit la race, à l’exception de la race Angus qui affiche des rendements identiques pour les bœufs et les jeunes bovins mais la faiblesse des effectifs ne permet pas de conclure. La hiérarchie n’est pas bousculée selon les catégories. Les animaux de type laitier disposent des rendements carcasses les moins conséquents suivis des mixtes et des races à viande. À l’exception une nouvelle fois des Angus dont le rendement se rapproche des bovins mixtes. »
Le rendement d’abattage moyen des vaches se situe autour de 55-56 % mais cache une grande disparité. Les rendements des races Charolaise (53 %) et Limousine (55,5 %) ont peu changé comparativement aux références historiques. Ceux des races Blonde d’Aquitaine et Blanc Bleu ne figuraient pas dans l’inventaire.
Les rendements d’abattages moyens des différents lots sont de l’ordre de 60 % pour les jeunes bovins. Le rendement pour ces derniers ne semble pas connaître d’évolution dans le temps, n’étant pas un critère de sélection.
2 Critères impactant le rendement d’abattage
Les effets de l’âge à l’abattage sur le rendement d’abattage ne sont pas clairs. Ils ne permettent pas de tirer de conclusion. Le fichier de données disponibles est par ailleurs insuffisant pour affirmer qu’il existe un effet père sur le rendement de jeunes bovins ou un lien entre rendement d’abattage et état d’engraissement des individus. Les éléments recueillis ne mettent pas non plus en évidence d’amélioration de ce rendement avec le GMQ. Le délai entre la sortie des animaux de l’élevage et le moment de l’abattage impacte logiquement le rendement de ce dernier. L’augmentation du délai entraîne en effet une diminution du rendement qui croît par ailleurs avec la note de conformation.
« Le rendement carcasse reste une variable difficile à appréhender car le poids vif retenu dans le calcul du rendement n’est pas toujours celui avant départ à l’abattoir. De même, le poids carcasse retenu n’est pas forcément le poids de carcasse froide. Et les conditions de mesures restent rarement précisées dans la littérature. Les données obtenues sont donc à relativiser. Cette donnée est pertinente en comparatif intra-essai avec une seule méthodologie de mesures. Malgré les limites évoquées, ce recueil de données est utilisable à diverses fins comme l’actualisation des tables de références des applications informatiques destinées à la profession… »
3 Les rendements de découpe
La collecte de données de découpe a été réalisée auprès de cinq abattoirs du Grand Ouest sur des références individuelles recueillies de janvier à juin 2018, de manière à correspondre à une réalité du marché. Tous les types d’animaux sont représentés dans cet échantillon à l’exception des génisses de races laitières et des bœufs de races à viande. Soit une base de données qui, après tri, s’élève à 23 080 animaux.
« Le rendement de découpe varie entre 69 et 76 %. Globalement, les rendements en races laitières sont les plus bas et ceux des races allaitantes les plus élevés, les races mixtes étant intermédiaires. Toutefois, les écarts restent faibles et les comparaisons entre races doivent se faire avec prudence, les protocoles d’abattage étant différents d’une race à l’autre (âge…). Interraces, les jeunes bovins disposent des meilleurs rendements », souligne Paul Tribot-Laspière du service qualité des carcasses et des viandes de l’Institut de l’élevage.
Globalement, les pourcentages de muscles destinés à être vendus piécés sont assez bas (de 17 à 32 %), d’où des proportions de viande partant en hachés importantes et ce, quelles que soient les races et les catégories. Elles oscillent entre 44 et 57 %. Il existe donc un effet entreprise et marché. « Ces chiffres nous apprennent aussi que dorénavant, une partie de l’arrière de la cuisse finit en hachés et ce, même pour les races à viande. Intrarace, les jeunes bovins présentent des résultats nettement plus élevés que ceux des vaches, génisses et bœufs, reflétant les réalités anatomiques des carcasses mais également les choix des entreprises et du marché (faible demande sur les muscles catégoriels de jeunes) », observe Paul Tribot-Laspière.
4 Critères impactant le rendement de découpe
Les rendements de découpe sont supérieurs pour les conformations les plus élevées, intrarace et intracatégorie. On constate un écart de 0 à 8 points de rendement par note de conformation. Selon les races et les catégories, ils oscillent entre 73 % à 78 % pour les conformations U (moyenne 75 %) et entre 66 et 70 % pour les conformations P (moyenne 67 %). Les pourcentages de muscles augmentent avec les conformations mais pas de manière systématique selon les races et les catégories. On observe une forte variabilité à relier notamment aux effets cahier des charges.
« Le rendement de découpe croît avec l’état d’engraissement. On observe jusqu’à 4 points d’écart par classe d’état d’engraissement, quelles que soient la race et les catégories d’animaux. Quand la carcasse est grasse, les industriels parent grossièrement le muscle et déposent du rouge sur le gras retiré qu’ils peuvent ensuite valoriser en viande pour hachage (VPH). Globalement, le pourcentage de muscles des carcasses augmente lorsque l’on passe d’un état d’engraissement de 1 à 2 et de 2 à 3. L’optimum est atteint pour une note de 3. La part de muscles décroît au profit du haché entre 3 et 4. »
Les résultats précisent également l’existence d’un lien entre le poids carcasse et ceux de l’entrecôte et du faux-filet, intrarace et intracatégorie. Ainsi, 80 % du poids de ces deux muscles sont liés au poids de la carcasse. Il est donc envisageable d’établir des équations de prédiction par race permettant, à partir du poids de carcasse pour une race donnée, d’estimer le poids du faux-filet ou de l’entrecôte.
On ne constate pas d’effet du poids de carcasse sur l’ensemble des variables étudiées. Il n’a pas été mis non plus en évidence de lien entre l’âge des vaches et le pourcentage de muscles.
Pour tenir compte de la demande du marché, les cahiers des charges de découpe doivent s’adapter et peuvent ainsi avoir un impact non négligeable sur les rendements, VPH et pourcentage de muscles.
Définition
Perspectives
« Ce travail permet de disposer d’une vision à jour des rendements d’abattage et de découpe, de la part réelle représentée par les catégories de morceaux (cuisson lente, cuisson rapide, viande pour hachage…) en lien avec les réflexions sur la valorisation de la viande hachée. Cette étude représente un outil pertinent de réactualisation des rendements de découpe utilisés par l’Observatoire des prix et des marges », observe Mathieu Repplinger de la section bovine d’Interbev.
Ces résultats constituent une base à disposition de la filière pour répondre à des besoins de communication. Ils fournissent des premiers éléments d’informations qui pourraient être exploités pour estimer, à partir des caractéristiques des carcasses, celles de certains muscles, pour établir des rendements prédictifs des carcasses, pour déterminer la valeur d’une carcasse en fonction de ses caractéristiques et pour optimiser la valorisation des carcasses en fonction de leurs caractéristiques et du prix de marché des différents muscles….