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[De conseiller à éleveur] "La passion de la Charolaise et le chemin vers le bio"

Emmanuel Turpeau a travaillé pour le herd-book charolais avant de s’installer. Il met désormais en application les principes génétiques auxquels il croit, avec à la fois sa casquette d’éleveur et celle de responsable professionnel. En parallèle, l’élevage est entré en conversion bio au terme de quinze ans de trajectoire vers un système économe et autonome.

Emmanuel Turpeau s'est installé en 2007. Son élevage allie génétique de très haut niveau et autonomie alimentaire.  © S. Bourgeois
Emmanuel Turpeau s'est installé en 2007. Son élevage allie génétique de très haut niveau et autonomie alimentaire.
© S. Bourgeois

« Mon parcours n’a rien d’exceptionnel. Mes parents avaient une petite exploitation avec 25 à 30 charolaises et 90 chèvres, et j’ai toujours pensé m’installer un jour », raconte Emmanuel Turpeau, 47 ans, installé à Bressuire dans les Deux-Sèvres. Petit dernier d’une famille de six enfants, il a suivi des études agricoles classiques : Bepa, BTA puis BTS ACSE, et il rentrait participer au travail de la ferme le week-end et pendant les vacances.

La génétique l’a toujours attiré. « Je passais beaucoup de temps à étudier les catalogues d’IA », s’amuse-t-il. Une rencontre importante s’est produite à l’occasion de son stage de BTS, qu’il a effectué chez Christian Brunot, à Saint-Menoux dans l’Allier. « Tout était passionnant car Christian Brunot était passionné, et j’ai appris beaucoup de choses. » C’est à ce moment que le taureau Damas a obtenu le prix de championnat à Paris. Un moment fort et de quoi bien imprimer le « virus » de la sélection pour toute sa vie au jeune stagiaire.

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« C’est à ce moment que j’ai fait connaissance avec l’équipe du herd-book charolais, car les champions étaient à cette époque support de promotion pour la race. Nous sommes allés avec Damas en Italie, au salon de Vérone », se souvient-il. Après son service militaire, alors qu’un poste se libère justement au herd-book charolais, il a logiquement posé sa candidature et sa carrière a démarré à 23 ans en tant qu’inspecteur animateur. Cela a duré presque dix ans. Emmanuel Turpeau a travaillé d’abord dans le Centre, puis il a couvert le Nord de la France, avant de revenir dans le Sud-Ouest. « Cela m’a permis de rencontrer des gens très différents, avec des qualités remarquables, tous passionnés. J’ai eu le temps de bien les connaître et de les comprendre. » Pour lui, avoir vu fonctionner beaucoup d’exploitations de polyculture élevage est capital. « J’ai eu le temps aussi de mieux me connaître, de savoir ce que je veux faire et ce que je n’ai pas envie de faire. »

En Gaec avec un associé puis avec son épouse

Emmanuel Turpeau voulait s’installer avant ses 35 ans. Une opportunité s’est présentée en 2007 quand un éleveur de Bressuire, Éric Fuzeau, lui a proposé de s’associer avec lui en reprenant une ferme de 40 hectares qui se libérait à côté de son élevage. Six mois plus tard, un de leurs voisins leur a proposé une autre exploitation de 70 hectares, si bien qu’ils sont arrivés à 209 hectares et sont rapidement passés à 125 vêlages.

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Le jeune éleveur et son associé ont été confrontés d’entrée de jeu à la flambée du cours des matières premières en 2007. « On travaillait alors avec des mashs complets achetés, et ce n’était plus possible. La priorité était de rendre le système plus économe et plus autonome. » Cette ligne n’a depuis pas cessé d’être suivie. Les deux éleveurs ont commencé par développer les cultures, malgré le très faible potentiel agronomique des sols. Une autre étape a été franchie en 2012 avec l’introduction des prairies multi-espèces qui ont pris de plus en plus de place.

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Quand l’heure du départ en retraite de son associé est arrivée, Sonia, l’épouse d’Emmanuel, a racheté ses parts. Sonia et Emmanuel ont ensemble franchi encore un pas par conviction vers un système plus respectueux de l’environnement et plus stable économiquement. « Nous sommes redescendus à 110 vêlages. Jusqu’à cette année, on achetait encore un peu de correcteur azoté mais désormais, nous n’avons besoin que de 10 tonnes de luzerne déshydratée par an. » Celle-ci est distribuée aux broutards dans les nourrisseurs, mais tout le reste de l’alimentation du troupeau est produit sur l’exploitation avec des méteils grains (34 ha de mélange féverole, pois fourrager, triticale et blé), un peu de maïs grain humide, et cette année 4 hectares de pois de printemps.

De l’autonomie alimentaire à la conversion au bio

L’idée de passer au bio était dans l’air depuis plusieurs années, mais Sonia et Emmanuel Turpeau ne voulaient s’engager qu’une fois que leur système était techniquement bien en place. « On s’est plantés comme tout le monde. C’est comme ça qu’on apprend, et progressivement, on trouve ce qui fonctionne sur notre élevage, explique Emmanuel Turpeau. Cette année, l’élevage entre en conversion bio."

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Il est adhérent au Civam du Haut-Bocage et apprécie beaucoup les échanges avec les autres éleveurs au quotidien, notamment via un groupe sur Whatsapp. « Ce matin, j’ai demandé l’avis de mes collègues pour remplacer mon semis de maïs que les corbeaux ont détruit… » C’est un soutien précieux et efficace. Le groupe lui a beaucoup apporté sur les méteils et le pâturage. « Aujourd’hui, la moitié des vaches sont engraissées avec une ration 100 % herbe pâturée. Je ne cherche pas la performance mais l’optimum économique. Elles pourraient prendre 30 kilos de plus sans que cela n’améliore la marge », observe Emmanuel Turpeau.

Priorité aux qualités maternelles

En parallèle, l’activité de vente de reproducteurs est toujours restée importante et elle fonctionne très bien. La clientèle est fidèle, et 25 à 30 mâles partent chaque année à la reproduction. « Je mets en application les valeurs que je défendais quand j’étais au herd-book : un travail de fond sur la facilité de naissance, l’aptitude au vêlage, et les qualités maternelles. Même si on cherche toujours les qualités de race et la conformation. »

Emmanuel Turpeau s’est investi dès son installation en tant qu’éleveur au herd-book charolais, et a pris récemment de grosses responsabilités. Il a été élu en 2019 secrétaire général. Il a aussi de nombreux autres engagements dans le monde du charolais : coprésident de l’association des éleveurs charolais des Deux-Sèvres avec Catherine Gallard, président de la station d’évaluation charolais diffusion de Bressuire, et depuis 2017 président de la fédération nationale des stations d’évaluation charolaise. À ce titre, il siège aussi à l’OS. Et il sort des animaux en concours locaux et nationaux.

Un bel équilibre entre la vie de famille et l’exploitation

Au bout de quelques années, et encore plus quand sa première fille est née, passer au moins une semaine sur trois en déplacement était devenu pesant pour Emmanuel Turpeau. Lui et sa famille apprécient d’autant plus ce que la vie d’éleveurs leur permet.

Sonia Turpeau travaillait auparavant pour une entreprise de construction plastique. Le projet de travailler à deux sur l’élevage a été assez rapidement décidé. Elle est retournée « à l’école » pour faire un BPREA et n’a pas mis longtemps à trouver ses marques sur l’élevage. Le rythme de travail en commun a été trouvé. « Ici tout le monde fait tout. Sonia adore faire le tour du troupeau le matin. Et quand il faut prendre le tracteur, ce n’est pas un problème. On fait les foins tous les deux », explique Emmanuel Turpeau. Sonia Turpeau a elle aussi conservé des responsabilités à l’extérieur.

Leurs deux filles, âgées de 12 et 16 ans, ont été gagnées par la passion en voyant leurs parents s’épanouir dans leur travail. Elles participent à la vie de l’élevage, ce qui offre d’autant plus de place au temps passé en famille. « Nous avons l’astreinte du troupeau, mais nous faisons en sorte de contre-balancer cela avec un avantage, par exemple accompagner les filles à leurs activités dans l’après-midi en semaine. » C’est aussi le choix de décaler le début des vêlages à fin décembre dans l’objectif d’être tranquilles pour les fêtes. « Sans quand même trop décaler certaines vaches ! »

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