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Composer avec la flambée des coûts alimentaires en élevage allaitant

Les prix des matières premières atteignent des niveaux historiques. Mieux gérer le pâturage, améliorer la valeur alimentaire des fourrages récoltés et diversifier la nature de ces derniers sont classiquement mis en avant comme les principales possibilités d’adaptation.

Composer avec la flambée des coûts alimentaires en élevage allaitant

Faudra-t-il s’habituer à travailler avec des céréales à plus de 350 euros la tonne (€/t) et des tourteaux de soja à 700 € ou peut-on tabler sur une détente du prix des différentes matières premières et dans quels délais ? Bien difficile de répondre à ces questions. Une certitude cependant : les besoins en céréales et oléagineux ne vont pas faiblir dans les mois à venir et du fait de la guerre, les exportations russes et ukrainiennes seront nettement diminuées ou réorientées sur d’autres destinations.

Il est donc difficile d’envisager une réelle détente des prix, au moins sur le court terme. Dans ces conditions, plus un élevage est gourmand en intrants et plus il est pénalisé par ce nouveau contexte. « La priorité doit être de nourrir le cheptel en achetant le moins possible », souligne Stéphane Violleau, spécialiste de la production fourragère à la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme.

Et de souligner toute l’importance de limiter le gaspillage au pâturage avec une bonne gestion de l’herbe sur pied. Et donc de répéter une nouvelle fois l’une des données fondamentales d’un système herbager : « la pâture d’une prairie au bon stade est la ration la moins coûteuse et la plus efficace ». Gérer la ressource pour faire pâturer le plus longtemps possible une herbe de qualité est aussi un atout pour limiter les besoins en fourrages et les frais inhérents à leur réalisation, leur stockage et leur distribution.

Des fourrages riches pour limiter les achats

Et tous les techniciens d’insister sur l’importance de la valeur alimentaire des fourrages récoltés. Au moins pour certaines catégories de bovins ils doivent permettre de se passer de concentrés ou de réduire sensiblement le volume de leurs achats. « Produire des fourrages plus riches en énergie et en matières azotées est une stratégie gagnante pour réduire les apports en concentrés azotés de la ration. Cela passe par l’optimisation du stade et de la technique de récolte. Par exemple, un gain de 8 g PDIE/kg MS d’ensilage d’herbe en ensilant précocement (1 semaine avant début épiaison au stade feuillu) est possible, souligne Jérémy Douhay, chef de projet bovins viande à l’Institut de l’élevage. De plus, le fourrage sera moins encombrant et plus riche en énergie, ce qui améliorera l’ingestion. Pour un troupeau de 70 vaches allaitantes alimentées en bâtiment pendant 200 jours, l’introduction de 3 kg de MS d’ensilage d’herbe par vache et par jour dans la ration hivernale représente une économie de l’ordre de 3 tonnes de tourteau de soja par an. »

Menaces liées au déficit hydrique

D’après les annonces communes de la Coopération agricole nutrition animale et du Syndicat national des industriels de la nutrition animale, la hausse pour les aliments du bétail devrait avoisiner les 100 €/t entre avril et juin avec forcément des nuances selon les formules. Sans exclure pour autant des hausses supplémentaires. En effet, les pays habitués à importer des céréales russes ou ukrainiennes vont chercher à s’approvisionner auprès des fournisseurs des fabricants français. Des tensions encore accrues ne sont donc pas exclure. En particulier pour les tourteaux de tournesol, majoritairement produits en Ukraine, ainsi que pour l’ensemble des approvisionnements en tourteaux et céréales non OGM.

« On est parti sur des prix élevés une grosse partie de l’année », estime Pascal Cousin, chef produits ruminants chez Sanders en soulignant qu’au contexte géopolitique il convient de rajouter les incertitudes liées au climat. L’année fourragère 2021 a globalement été un cru exceptionnel. Pour celle en cours, c’est pour l’instant mal parti dans bien des départements. Souvent froid, sec et venteux, le début du printemps ne s’est guère montré favorable au développement de la végétation. Mi-mai, le déficit hydrique devenu réellement préoccupant fait une nouvelle fois planer bien des menaces sur les stocks à récolter dans les mois à venir avec également des craintes sur les disponibilités en paille.

Économiser le carburant

Sur le court terme, pour limiter le poste lié aux achats de carburant, les marges de manœuvre sont forcément limitées.
Sur le long terme, la stratégie de conduite de certains systèmes de production gagne souvent à être remise en question. Les évolutions classiquement préconisées vont dans le sens d’une meilleure gestion de la ressource en herbe, laquelle se traduit le plus souvent par un allongement de la durée de pâturage.

Analyser les fourrages

Établir au plus juste les rations et mieux valoriser l’alimentation produite sur la ferme passe par des analyses de la valeur alimentaire des fourrages afin d’ajuster au mieux les apports aux besoins. Cela évite d’avoir des animaux qui au printemps ressortent parfois en meilleur état qu’ils n’étaient rentrés.

Les défauts de l’ensilage de maïs plante entière

L’utilisation de maïs ensilage plante entière contribue à asseoir la dépendance aux tourteaux. Il n’est pas facile d’équilibrer en protéine une ration basée sur ce fourrage sans tourteau. Ensiler une part de cette culture sous forme de maïs épis ou de maïs grain humide permet de concentrer la ration sur le volet énergie et d’avoir recours à une autre source de protéine pouvant être produite sur la ferme (ensilages et enrubannages d’herbe, de luzerne ou de trèfles récoltés précocement et dans de bonnes conditions) pour équilibrer la ration.

Le gros « plus » du pâturage tournant

Pour des vaches suitées, l’adoption du pâturage tournant permet d’avoir sur les broutards des croissances plus autonomes. « Les essais conduits à la ferme de Jalogny sur des veaux mâles nés à l’automne montrent qu’avec une conduite en pâturage tournant optimisée, en maîtrisant les hauteurs d’herbe à chaque entrée (entre 9 et 15 cm) et sortie de parcelle (entre 4 et 6 cm), une économie de 100 kg de concentrés par veau est possible sans détérioration des performances », souligne Jérémy Douhay, chef de projet bovins viande à l’Institut de l’élevage.

L’inflation pourrait faire progresser les charges de 77 centimes par kilo de carcasse

Pour un système naisseur engraisseur, la flambée du prix des céréales, des tourteaux, des engrais et des carburants pourrait, d’après les calculs de l’Institut de l’élevage, se traduire par une hausse des charges de 77 centimes par kilo de carcasse.

L’inflation en cours va se traduire par une nette progression des coûts de production. D’après les premiers calculs de l’Institut de l’élevage, selon les hypothèses d’évolution des tarifs pour les principaux intrants, la hausse des coûts de production se situerait entre + 26 et + 77 centimes d’euros par kilo équivalent carcasse (voir graphique). Cette estimation tient compte des seuls trois postes clés que sont les aliments achetés, les carburants et travaux par tiers et les engrais de synthèse. À la date où a été réalisé ce travail, il n’était pas possible de prendre en compte les évolutions tarifaires pour les autres postes de charge.

Deux scénarios

Ces hausses de tarifs ont été appliquées à des élevages de ruminants suivis dans le réseau Inosys pour deux scénarios différents selon l’évolution de la situation économique et géopolitique. Le premier est celui très optimiste d’une « hypothèse basse » avec retour assez rapide à la situation du début de l’année 2022 donc avant le début de la guerre en Ukraine. Le second, probablement plus réaliste, correspond à une poursuite des tensions et de l’instabilité. Les prix des différentes matières premières se maintiendraient aux niveaux atteints en mars peu après le début de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.

Les élevages bovins viande pour lesquels ces simulations ont été réalisées étaient des systèmes spécialisés (naisseurs et naisseurs engraisseurs de jeunes bovins) situés en zone de plaine. Il s’agit d’un groupe de 124 exploitations produisant une moyenne de 40 tonnes de viande vive/UMO et conduites par 1,5 UMO. Dans l’hypothèse basse, cette progression des coûts de production aurait un impact de + 13 centimes/kg vif, soit + 26 centimes/kg eq carcasse et dans l’hypothèse haute la progression serait de 41 centimes/kg vif soit 77 centimes/kg eq carcasse.

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