Assurer la préparation sanitaire des mères
La limitation des pathologies du nouveau-né passe par la maîtrise sanitaire du troupeau et la qualité de son statut immunitaire. La préparation sanitaire avant vêlage contribue à mettre les animaux dans les conditions optimales pour assurer le bon démarrage du veau.
La limitation des pathologies du nouveau-né passe par la maîtrise sanitaire du troupeau et la qualité de son statut immunitaire. La préparation sanitaire avant vêlage contribue à mettre les animaux dans les conditions optimales pour assurer le bon démarrage du veau.
« L’objectif de la préparation au vêlage est de donner aux vaches et à leur veau, les moyens nécessaires pour se défendre. L’éleveur doit faire en sorte que ses futures mères soient en bonne santé et qu’elles puissent par la suite fournir des armes de qualité ciblées (colostrum, transfert de l’immunité passive) à leur veau. Car, rappelons-le, à leur naissance, ces derniers sont dépourvus de défenses immunitaires acquises, la placentation des bovins empêchant tout passage des immunoglobulines maternelles au fœtus. Le préventif sur les vaches permet d’éviter de courir après les pathologies sur les veaux », note Thomas Vauzelle, vétérinaire libéral. La qualité du colostrum passe certes par une alimentation adaptée des mères mais aussi par une bonne hygiène au moment du vêlage et une santé satisfaisante des mères. Ainsi, alimentation en fin de gestation et qualité sanitaire du troupeau vont de pair.
« La première étape consiste à faire en sorte que le vêlage ne commence pas avant d’avoir eu le temps de préparer les gestantes en fin de période. Il faut donc anticiper la rentrée des futures mères en bâtiment pour des vêlages fin d’automne – début d’hiver. En cas d’impossibilité, il serait judicieux de retarder la période de vêlages les années suivantes », avertit Jocelyn Amiot, vétérinaire libéral et responsable de la commission vaches allaitantes de la SNGTV (Société nationale des groupements techniques vétérinaires).
La vaccination des gestantes répond à un double objectif. Elle permet tout d’abord d’agir directement sur la santé des futures mères en les protégeant directement contre certaines maladies (entérotoxémies, BVD, grippes…). Elle apporte par ailleurs au veau des armes spécifiques grâce à la prise colostrale, en enrichissant le colostrum en anticorps spécifiques contre les pathogènes responsables des diarrhées ayant pu être identifiés au sein de l’élevage. Toutefois, cette immunité ne pourra être transmise que par une prise rapide et conséquente du colostrum à la naissance du veau.
La vaccination se gère dans un calendrier de troupeau. Pour être efficaces, les vaccins doivent être utilisés dans le respect du protocole car ils disposent d’une fenêtre d’action. Par ailleurs, le colostrum n’est synthétisé que trois semaines avant mise bas, d’où l’importance de connaître ses dates de vêlage et de les faire dater par une fouille ou un suivi échographique (entre un et trois mois de gestation). « La vaccination est à réfléchir en fonction des résultats d’analyses et des risques identifiés dans l’élevage (rotavirus, coronavirus et autres agents de diarrhées néonatales, RS, pasteurelles et autres agents de grippes, BVD… FCO) pour savoir que faire et atteindre l’efficacité escomptée. Si l’éleveur constate un apparent défaut d’efficacité, dans la quasi-totalité des cas, ce n’est pas le vaccin qui est à remettre en cause mais le protocole ! Les principales raisons de cet état de fait résident dans un choix inadapté du vaccin, une utilisation inopportune, une mauvaise conservation, un problème d’immunité (carence alimentaire). En effet, on ne peut pas s’affranchir de la zootechnie. La vaccination est un enduit sur le mur. Elle lui évite de se faire grignoter. Le mur représente quant à lui le plan zootechnie », précise Thomas Vauzelle.
D’autre part, la vaccination doit démarrer dès le premier vêlage. Il ne faut pas attendre d’être avancé dans la période de mises bas pour agir. « La vaccination apporte une protection contre l’agent pathogène présent dans l’environnement. On ne voit des animaux malades que lorsque la concentration de cet agent pathogène dépasse le seuil clinique. Le premier vêlage participe à cette concentration. Donc, si on vaccine dès le premier vêlage, on contribue à sa diminution et on évite ainsi l’atteinte du seuil clinique. Si on attend, pour vacciner, d’être avancé dans la campagne de vêlages, on arrive plus vite à ce seuil. »
L’immunité créée par le vaccin se raisonne ainsi à l’échelle individuelle (couple mère–veau) et à l’échelle du troupeau.
Une bonne gestion du risque parasitaire est également de mise. Les conséquences de la contamination des bovins par des parasites sont importantes. « Ce sont des spoliateurs alimentaires et immunitaires. Les parasites détournent une partie de l’énergie et des protéines distribuées aux animaux et occupent leur système immunitaire. Ils empêchent ainsi la future mère de se concentrer sur la fabrication du colostrum. Ils ont un impact direct sur la qualité du colostrum. Sur les adultes, on rencontre trois grands types de parasites : les strongles digestifs, la grande douve et le paramphistome. Les strongles digestifs entraînent une spoliation alimentaire forte dans l’intestin. Le paramphistome est un parasite digestif d’accumulation qui entraîne une petite spoliation alimentaire d’une part, ainsi qu’un dysfonctionnement digestif par encombrement en cas d’infestation importante d’autre part. La grande douve est un parasite du foie, c’est donc un spoliateur alimentaire et immunitaire important. Un dysfonctionnement du foie (qui permet la détoxification de tout ce que mange une vache) impacte également la valorisation alimentaire de la ration. Si les troupeaux sont bien gérés en amont, les vaches développent au cours du temps une immunité vis-à-vis des strongles digestifs », souligne Thomas Vauzelle. Cependant, selon la charge parasitaire des pâturages et l’âge des animaux, une contamination est possible. « Dans le cas de vêlages 2 ans, les bêtes sont encore en phase d’immunisation, il faudra donc être d’autant plus attentif. Un traitement peut être envisagé avec son vétérinaire de préférence après réalisation d’un test (coproscopies, dosage pepsinogène…). Chaque décision doit être prise en connaissance de cause. »
La coproscopie permet de mettre en évidence la présence de strongles digestifs et de paramphistomes. « La grande douve du foie, quant à elle, n’est pas forcément détectée lors de coproscopies car elle pond peu et n’a pas besoin d’être présente en quantité (quatre à cinq douves adultes suffisent pour spolier un animal). La meilleure méthode de diagnostic de ce parasite reste la réalisation de sérologies anticorps à l’entrée en bâtiment. Il est toutefois intéressant de noter que le traitement effectué contre le paramphistome sera également efficace contre la grande douve du foie.»
Les analyses sont à réaliser selon la date de vêlage et la période de pâturage. Pour des mises bas l’hiver, des coproscopies ou sérologies sont à effectuer à l’automne, au plus tard à l'entrée en bâtiments. Pour des vêlages au pâturage, des coproscopies sont à faire un mois avant vêlage. Le dosage de pepsinogènes sur les génisses de renouvellement de 1 et 2 ans permettra quant à lui de s’assurer d’une bonne mise en place de l’immunité contre les strongles digestifs chez les futures vaches du troupeau.
« Les ectoparasites ne sont pas non plus à négliger. Les poux piqueurs parasitent rapidement les veaux et sont la cause d’anémie… Ils sont à traiter tout de suite à l’entrée en bâtiments », ajoute Jocelyn Amiot.
La gestion des lots tout comme la propreté des bâtiments auront aussi une influence sur le reste. Une conduite logique des lots est à mettre en place : séparer autant que possible les futures primipares et les multipares pour faciliter leur accès à l’eau et à l’alimentation, éviter de surcharger les cases. « Attention également au mélange des animaux. En effet, les génisses sont conduites en parallèle du troupeau pendant deux ans et y sont introduites d’un coup. Idéalement, pour favoriser un microbisme de troupeau, il faudrait conduire les génisses avec quelques vaches du troupeau en amont. On limitera également les achats de vaches pleines juste avant vêlages », remarque Jocelyn Amiot. En stabulation, il faut faire attention à alloter par date de vêlage pour empêcher par la suite de trop grands écarts d’âge entre les veaux et limiter les « veaux voleurs » qui boivent le colostrum des mères encore gestantes.
« Le retour en bâtiment doit par ailleurs s’effectuer dans un environnement sain, autrement dit le nettoyage, la désinfection et le vide sanitaire de trois semaines sont nécessaires pour limiter la pression des pathogènes. Aussi, il est essentiel de ne pas laisser traîner des broutards ou des laitonnes avant départ, là où les futures mères vont loger », souligne Jocelyn Amiot.
Attention également à la qualité de la litière. Elle doit être propre et les cases correctement paillées. « Elle représente une prévention contre la contamination à la cryptosporidiose en contribuant à la propreté de la mamelle. Contre des problèmes récurrents d’infections du nombril ou de diarrhées néonatales, l’ensemencement de la litière avec des « noyaux » bactériens de milieu, avant l’entrée en bâtiment des animaux, peut être réfléchi. Il permet de réduire l’incidence des omphalites et améliore le compostage des fumiers. La qualité sanitaire des aliments est un point également à ne pas négliger, comme par exemple les moisissures que l’on peut trouver dans l’ensilage qui impliquent un risque mycotoxines », note Jocelyn Amiot.
Attention à la qualité de l’eau
Il est nécessaire de réaliser des analyses d’eau de temps en temps pour en vérifier la qualité. « Et ce, d’autant plus pour les élevages disposant d’une station de pompage. Cette année, avec l’assèchement des puits, la réalisation d’analyses, au moins pour le contrôle bactérien, est plus que recommandée car on s'expose à des risques de coccidies et de cryptosporidies », souligne Jocelyn Amiot.
Veiller aux mesures de biosécurité
Les règles habituelles de biosécurité restent d’actualité. « Une attention toute particulière doit être portée aux intrants et aux personnes circulant dans l’exploitation car potentiellement vecteurs de pathogènes. Pour se prémunir des risques sanitaires, il est conseillé de s’équiper d’un poste de lavage des bottes et d’un pédiluve à l’entrée en bâtiments », rapporte Jocelyn Amiot.
Daniel Durand, éleveur à Montgivray dans l’Indre - 100 vêlages (75 % en Charolaise et 25 % en Parthenaise)
« Alimentation et sanitaire sont passés en revue »
« Les vêlages commencent autour de la Toussaint et se terminent à la fin mars. La préparation des futures mères débute au champ. Elles ont à disposition des seaux à lécher. Je leur distribue également une complémentation en sélénium et iode, apportée un mois avant vêlage. L’alimentation en fin de gestation est à base de foin, de céréales et de minéraux. Elle est adaptée ensuite chaque année en fonction de la qualité des récoltes. Une bonne alimentation est la base et permet également une bonne efficacité de la vaccination. Les futures reproductrices sont d’ailleurs vaccinées contre le rotavirus autour du 8-10 octobre, soit environ trois semaines avant les premiers vêlages. La fenêtre d’action du vaccin étant de trois mois, il m’arrive de revacciner celles qui n’auraient pas mis bas dans ce délai. À la rentrée en bâtiments, les bêtes sont tondues et traitées contre les poux et gales. Un traitement contre la grande douve et le paramphistome est également effectué après quelques coproscopies. »