Commerce
Loc’halle bio fédère l’offre sur le Min de Bordeaux
Au départ, il y avait une demande du marché d’intérêt national (Min) de Bordeaux pour ramener des producteurs sur le carreau. À la fin, il y a une société coopérative qui fait feu de tout bois, au Min et ailleurs.
« Nous étions à la bonne place et au bon moment. » Pour être lapidaire, ce résumé auquel procède Marc Faugeron, président de Loc’halle bio, recèle sa part de vérité. Au départ, on est au début des années 2010, plusieurs volontés se font jour qui, indépendamment les unes des autres, convergent vers un même but. D’un côté, il y a le marché d’intérêt national (Min) de Bordeaux qui souhaite renforcer l’attractivité de son carreau, faire de nouveau la part belle aux producteurs, et réintroduire des maraîchers dans l’enceinte du marché. Ceux-ci, autrefois maîtres de la ceinture verte de l’agglomération bordelaise, ont été réduits à peau de chagrin par l’urbanisation et ceux qui subsistent ont trouvé d’autres moyens de vivre, d’autres circuits de commercialisation. La deuxième demande est plus politique et émane de la communauté urbaine de Bordeaux et de sa volonté, nouvelle à l’époque, de préserver du foncier agricole sur son territoire. Il y a une troisième demande pour fermer ce triangle prometteur, celui des producteurs aux alentours de Bordeaux désireux de mieux valoriser leurs produits sur ce vaste marché urbain que représentent l’agglomération et son marché d’intérêt national. La suite, c’est Marc Faugeron, producteur en Lot-et-Garonne, qui la raconte. « Au début il n’y avait que la demande du Min. Nous nous sommes alors réunis, des producteurs indépendants, des bios, et la Sica maraîchère, un groupement de producteurs historique à Bordeaux pour voir ce qu’il était possible de faire. »
Une association avant la coopérative
La Sica n’ayant pas donné suite au projet, ne sont restés au final autour de la table que des producteurs bio. Avec cette question lancinante : est-ce que la bio a un avenir sur un marché d’intérêt national ? « Nous avons retourné le problème, explique Marc Faugeron. En nous disant, au final, que s’il n’y a pas de demande pour les produits bio sur le Min de Bordeaux, c’était peut-être tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’offre… » Une question en forme de déclic qui préside à la constitution d’une association de producteurs intéressés pour que démarre l’aventure. Et qu’elle aille au-delà du simple projet initial de renforcer l’offre de produits locaux sur le carreau bordelais.
Nous avons écrit des règles plus strictes que le projet de départ; les produits sont bio et locaux
L’affaire prend assez vite, si bien qu’en 2016 est créée la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) Loc’halle bio. « Nous avons écrit des règles plus strictes que le projet de départ, les produits sont donc forcément bio, mais en plus ils doivent être locaux, donc issus d’une zone géographique de 150 km autour de Bordeaux. En plus, ce ne peuvent être que des produits de producteurs, nous ne travaillons pas avec le négoce… » Pari osé, pari tenu.
Aujourd’hui, Loc’halle bio commercialise entre 1 000 et 1 200 tonnes de légumes par an, dont 40 % sur le Min de Bordeaux, le reste en direct dans les réseaux spécialisés de la région. « Nous essayons vraiment de jouer cette carte locale, les produits sont commandés le soir, cueillis le lendemain matin, nous sommes en mesure de les livrer en 24 heures chez nos clients », explique le président de la coopérative. Le fonctionnement de la coopérative est aussi atypique par le mode de rémunération des producteurs.
Nous tenons à ce que les producteurs soient aussi payés en fonction de la qualité de leur travail
« Nous tenons à ce que les producteurs soient aussi payés en fonction de la qualité de leur travail. Chaque lot est ainsi enregistré à son arrivée dans nos locaux, et à la fin de la vente, une moyenne est faite pour calculer la valeur du lot. Si un producteur fournir par exemple des tomates Cœur de bœuf mieux travaillées, plus belles qu’un autre et qu’elles se vendent mieux, sa rémunération sera meilleure. Et nous travaillons aussi dans le cadre qui nous est désormais imposé par la loi Egalim, puisque chez nous les prix de vente sont construits à partir du prix de revient. »
20 producteurs associés et 70 apporteurs
Bien sûr se restreindre au local pose parfois des problèmes d’approvisionnement, il n’est pas toujours évident de tenir les calendriers d’une gamme qui compte près de quatre-vingts références. « C’est vrai qu’en février, mars ou avril, nous sommes parfois en peine pour trouver certains produits. Mais quand il n’y en a pas, il n’y en a pas… Toutefois, c’est un des sujets sur lesquels nous travaillons en ce moment, parvenir à mettre en place une planification plus efficace. Pour l’instant, nous raisonnons en colimaçon, nous cherchons les produits au plus près, puis nous élargissons au fur et à mesure. »
En quête de nouveaux producteurs
Tout en cherchant de nouveaux producteurs. En trois années, Loc’halle bio a réussi son pari et regroupe aujourd’hui des producteurs bio, des clients des producteurs, des collectivités locales et des salariés, qui constituent les quatre collèges de l’assemblée générale.
Si le principe « un homme une voix » cher aux coopératives est de mise, la prépondérance a toutefois été donnée au collège des producteurs pour assurer leur mainmise sur cet outil de commercialisation. Ils sont une vingtaine d’associés aujourd’hui, pour environ 70 apporteurs.
Projets à foison
Si les ventes au marché d’intérêt national (Min) représentent 40 % du total, la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) ne reste pas les deux pieds dans la même cagette. Outre les circuits spécialisés qu’elle dessert en direct, elle réfléchit aujourd’hui aussi à la restauration collective girondine, en réponse aux demandes des collectivités. « Nous sommes en train de mettre en place des contrats avec les producteurs pour cela", indique Marc Faugeron. Il y a aussi les installations de maraîchers. Deux se sont déjà installés depuis la mise en place de la coopérative. Un partenariat avec Biocoop, qui a collecté une cagnotte auprès de ses propres clients, doit générer de nouvelles créations d’entreprises. La coopérative a d’autres idées, à plus long terme, autour des fruits notamment. « Les arbres fruitiers ont disparu de la région parce que les prix n’étaient pas rémunérateurs. Mais s’ils le redeviennent, cela peut-être intéressant de replanter des pêchers, des cerisiers, des abricotiers chez nous, il n’y a pas de raison qu’il n’y ait que le Sud-Est pour en produire ! »