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Dossier
Les acteurs du bio relèvent le défi de l'origine France

Concilier l’offre et la demande pour réussir à atteindre les objectifs de la loi Alimentation, tel est l'épineux sujet auquel est confronté l'ensemble des acteurs des filières biologiques. L'idée est de répondre à une forte demande en produits bio français.

Les terres cultivées en agriculture biologique ont progressé de 17% en 2018, dont +31% pour les grandes cultures. © G. Omnès / Réussir
Les terres cultivées en agriculture biologique ont progressé de 17% en 2018, dont +31% pour les grandes cultures.
© G. Omnès / Réussir

Votée le 2 octobre 2018, la loi Alimentation a gravé dans le marbre deux objectifs ambitieux : atteindre 15 % de la surface agricole utile conduits en agriculture biologique et introduire 20 % de produits biologiques en restauration collective d’ici à 2022. En 2018, 7,5 % de la surface agricole utile française était conduite selon ce mode, avec deux millions d’hectares cultivés en bio. Une augmentation significative de 17 % par rapport à 2017. L’année dernière a marqué un pas de plus dans le développement de ce mode de production. « Il y a eu un phénomène psychologique essentiel chez les agriculteurs pour expliquer ce bond, car il y a encore 15 ans, il n’était pas de bon ton d’être en bio », a estimé Philippe Henry, le nouveau président de l’Agence bio, lui-même producteur et éleveur bio depuis 22 ans près de Nancy, à l’occasion d’une conférence de presse de l’Agence en juin dernier. Les grandes cultures, les fruits, les légumes et la vigne ont été les quatre cultures biologiques les plus dynamiques, intensifiant un mouvement de conversion initié l’année précédente. En dix ans, les surfaces biologiques dédiées aux fruits et aux grandes cultures ont quadruplé, les surfaces fourragères et les surfaces de légumes ont triplé. Reste à voir si ce rythme va se poursuivre dans les années à venir. Dans le secteur des grandes cultures, la croissance a été permise par l’augmentation importante des capacités de traitement et de stockage dédiées, l’ouverture de silos et de moulins spécialisés dans les blés bio. Concernant les fruits et légumes, le secteur a été encouragé par les objectifs de la loi Alimentation de servir la restauration collective.

3 % de produits bio servis en restauration collective

Un effort conséquent doit encore être fourni par les établissements de la restauration collective. Ce débouché doit aussi permettre d’organiser et de développer la production biologique en France. En 2017, seuls 3 % des produits servis en restauration collective étaient issus de l’agriculture biologique, bien loin des 20 % voulus. Ce chiffre fourni par l’Agence bio sera probablement en hausse à sa prochaine mise à jour, car les collectivités prennent les obligations de la loi Alimentation à bras-le-corps. Depuis la publication de la loi, bon nombre de villes ont fait part de leurs engagements en la matière. « Il y a des engagements publics. Je n’ai pas le choix », expliquait Frédéric Souchet, directeur du Siresco, syndicat intercommunal pour la restauration collective, gestionnaire des cantines de 19 communes situées sur cinq départements (Oise, Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, Val de Marne et Val d’Oise). En mars 2019, le Siresco a notamment adhéré à la Coopérative Bio d’Ile-de-France, permettant ainsi au syndicat intercommunal de proposer des produits bio et locaux comme des betteraves et du fromage blanc. Il affiche également sa volonté de revoir sa manière d’appréhender ses appels d’offres afin d’intégrer davantage de produits bio dans son approvisionnement.

En Bretagne, la plateforme Initiative Bio Bretagne continue de susciter l’intérêt de communes pour sa charte Il fait bio dans mon assiette. Il s’agit d’une charte régionale d’engagements réciproques entre les acteurs de la filière bio et de la restauration collective pour l’intégration d’ingrédients bio dans les repas des cantines scolaires. Une trentaine d’utilisateurs, de structures d’accompagnements et de fournisseurs de produits bio sont signataires de cette charte dont des villes comme Brest, Rennes, Lorient ou des acteurs de l’agroalimentaire comme Triballat Noyal, Terre Azur Bretagne, Biocoop Restauration. Et ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres.

Soutenir l’investissement, selon FNH

En juin dernier, la Fondation Nicolas Hulot (FNH) et le réseau de la restauration collective en gestion directe, Restau’Co, lançaient un pavé dans la mare. « Les objectifs de la loi Alimentation ne sont pas tenables sans financements adéquats », martelaient les deux organismes, à la suite des résultats d’une enquête réalisée auprès de 28 gestionnaires engagés, représentants 617 restaurants en gestion directe, soit 225 000 repas servis chaque jour. 78 % d’entre eux considèrent qu’ils n’y parviendront pas « sans une prime à l’investissement ». Elle leur permettrait notamment de « participer à la mise en place de plateformes logistiques d’approvisionnements et d’ateliers de transformation » et « à la gouvernance alimentaire territoriale ». La structuration de filières locales durables est estimée comme un investissement nécessaire pour atteindre les objectifs de la loi Alimentation.

Il faut que les collectivités s’approchent des acteurs sur le terrain pour que les produits bio se développent

76 % des produits bio d’origine française

Quand la restauration collective se met à intégrer des produits biologiques, elle semble privilégier la production française. Selon une enquête de l’Agence bio, dévoilée en novembre 2018, 76 % des produits bio achetés sont d’origine française, et même à 48 % régionale. « 71 % des établissements de restauration collective encouragent l’approvisionnement bio de proximité », indique l’Agence. Selon Éric Grunewald, coordinateur de la plateforme Manger bio ici et maintenant (Mbim), qui intervenait à l’occasion de la présentation de cette enquête, il est question pour les collectivités de changer leurs pratiques pour absorber le surcoût en moyenne de 18 % pour les produits. « Les produits bio sont plus chers, mais manger bio, ce n’est pas plus cher. Il y a un cap à franchir dans l’introduction des produits bio. Mais quand il est passé, le pourcentage de produits bio achetés a tendance à augmenter et le coût diminue avec. Les pratiques changent aussi », explique-t-il. Pour lui, « financer un produit » est contre-productif, car « quand ce financement s’arrête, le produit s’arrête aussi ». Les problématiques d’approvisionnement ainsi que le dilemme entre bio et local sont souvent cités par les élus comme les principaux freins à l’augmentation de la part de bio dans la restauration collective. 63 % des élus interrogés pour l’occasion considéraient le manque de fournisseurs et de produits comme un frein majeur. Ce à quoi Eric Grunewald leur répond : « Il faut que les collectivités s’approchent des acteurs sur le terrain pour que les produits bio se développent ».

L’axe 2 du plan Ambition bio 2022 est orienté structuration des filières

Un des enjeux majeurs du plan Ambition bio 2022 est de faire se rejoindre l’offre et la demande de manière équilibrée. « Pour cela, il est nécessaire d’encourager la structuration des filières de production, de transformation et de distribution pour répondre à la demande, permettre une valorisation optimale des productions biologiques, et garantir une répartition de la valeur équilibrée entre les différents acteurs », est-il écrit dans le plan rendu public en juin 2018. L’État avait alors annoncé le renforcement de son effort financier pour porter à 8 millions d’euros les moyens alloués annuellement au Fonds avenir bio dans le cadre du volet agricole du Grand Plan d’Investissement et pour encourager les initiatives de financement privées visant à structurer les filières.

Rédaction Réussir

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