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Bien gérer la transition vers l'agriculture de conservation

L’agriculture de conservation effraye souvent en raison de la phase de transition, qui peut se montrer délicate. Voici quelques points clés pour éviter les écueils.

Pas de recette toute faite

« Quand on veut réduire le travail du sol, la difficulté c’est la période de transition ! ", martèle Thierry Gain, de l’Association pour la promotion d’une agriculture durable (Apad) Centre-Atlantique. " L’objectif est de remplacer la porosité mécanique par une porosité liée à l’activité biologique du sol. Cela suppose que le sol retrouve sa biodiversité. Ce laps de temps peut prendre plusieurs années. Généralement trois à six ans. »  Le fait d’arrêter le labour et de limiter le travail mécanique modifie les conditions d’air, de température et d’humidité dans le sol. C’est pourquoi il convient d’anticiper ces changements et de se former pour apprendre les principes de base de l’agriculture de conservation. « La démarche s’avère plus difficile dans certains types de sols, notamment les sols riches en argile et les limons battants qui prennent en masse. En se refermant, ils privent la biodiversité du sol d’oxygène et l’empêchent de se développer. »

« Pour se lancer, il n’y a pas de recette toute faite, mais des règles et des leviers à appliquer selon le type de sols, l’historique des parcelles, la rotation, les objectifs de l’élevage, et aussi l’état d’esprit de l’éleveur », souligne Virginie Riou, conseillère en agronomie à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.

Poser le bon diagnostic

Avant de se lancer dans le semis direct, il est indispensable de poser le bon diagnostic sur son exploitation et ses parcelles. Structure des sols, analyses chimiques (pH, éléments minéraux...), biologie du sol et qualité de la matière organique, flore adventice, zones hydromorphes... « On hiérarchise les facteurs limitants. Puis, comme on ne peut pas tout faire à la fois, on choisit le plus important et on met le levier en face qui permettra de le résoudre. Ensuite, on entreprend d’éliminer petit à petit les autres par ordre d’importance, avance Sarah Singla, agronome et formatrice en agriculture de conservation. Il faut faire la transition avec méthode et rigueur et y aller doucement pour ne pas prendre de risque. » Si une parcelle est compactée, il faudra d’abord la fissurer avant de se lancer dans le semis direct. Si le pH est bas, on chaulera... Il faut repenser aussi la charge de transport (ensileuses, tonnes à lisier...) à l’échelle de l’exploitation. La compaction est un des gros fléaux du semis direct.

Observer le sol

C’est l’état de sol qui va guider le processus de transition vers le semis direct. « Pendant la phase de transition, il n’est pas toujours cohérent d’arrêter tout travail du sol. Parfois, il faut absolument accompagner le sol par de la fissuration mécanique », considère Virginie Riou. Si une zone tassée ou compactée apparaît, mieux vaut réaliser un passage d’outils pour recréer une structure favorable aux racines, en adaptant la profondeur nécessaire. « Attention à choisir des outils qui ne bouleversent pas les horizons du sol (outils à dents) avant de réaliser le semis d’un couvert végétal. Un couvert seul ne récupère pas une structure dégradée, il participe au maintien d’une structure créée par un passage d’outils. »

Lors de vos tours de plaine, armez-vous d’une bêche et d’un couteau ! Pour vérifier la structure du sol, l’idéal est de réaliser un profil ou mini-profil 3D (à l’aide du télescopique) sur vos différentes parcelles. Observez aussi les mottes. Elles renseignent sur le comportement du sol. Sont-elles compactes et angulaires, ou plutôt arrondies ? Les agrégats se brisent-ils facilement entre vos doigts ? Voit-on des racines à l’intérieur des agrégats ? Pour sécuriser le passage au semis direct sous couvert, le profil doit comporter majoritairement des mottes ouvertes, afin de faciliter l’exploration du sol par les racines.

Enfin, il est également important, avant de se lancer, de connaître la fertilité chimique de son sol, en réalisant des analyses, puis régulièrement tous les 4-5 ans. C’est surtout l’évolution des paramètres tels que le pH, la teneur en minéraux, le taux de matière organique, le rapport C/N qui est intéressante à suivre au fil de l’évolution des pratiques.

Concevoir un nouveau système de culture

« En agriculture de conservation, la diversification des cultures devient primordiale. En complément des couverts et du non-travail du sol, une rotation diversifiée sera la clé pour réussir à contrôler le salissement des parcelles et casser les cycles des bioagresseurs », expose Thierry Gain. L’une des difficultés lors de la transition concerne les ravageurs (limaces, etc.). Ces derniers arrivent toujours avant les auxiliaires. Mais au bout de quelques années, un nouvel équilibre naturel se crée avec le retour sur les parcelles des carabes, hérissons, coccinelles, rapaces, etc.

Le saviez-vous ?

Les talus sont de bons indicateurs de l’objectif à atteindre à terme en matière de vie du sol, de structure, de couleur, etc. Vous pouvez faire un profil sur l’accotement en bord de parcelles afin d’observer le comportement du sol dans cette zone riche en matière organique et en racines. Cela donne un repère visuel.

Quelques conseils au démarrage

Commencer par des plantes se semant à l’automne : les racines peuvent pénétrer des sols compactés car humides.
Attendre 3 à 5 ans avant d’implanter des cultures de printemps, très sensibles à la compaction.
Niveler le sol pour avoir une bonne régularité de semis.
Localiser l'engrais au semis les premières années pour aider le démarrage de la culture car le sol se réchauffe moins vite.
Soupeser le bénéfice/risque d’une intervention contre les ravageurs, le temps que les auxiliaires reviennent sur les parcelles.
Commencer le semis direct sur des parcelles avec un bon état structural et un bon équilibre chimique. Le plus simple est après une prairie de plus de 5 ans.
Travailler le sol au minimum, et si possible, pas en dessous de 5 cm pour préserver les habitats.
Laisser un maximum de résidus au sol. Du végétal mort ne suffit pas, il faut aussi des plantes.

Avis d'expert : Virginie Riou, conseillère agronomie à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire

« Acheter un super semoir ne suffit pas »

 

 

 

« Attention à ne pas vouloir aller trop vite pour passer au semis direct. Il faut adopter une démarche globale et repenser son système de production, ses rotations, sa gestion des intercultures... Se contenter juste d’arrêter le labour conduit à l’échec ! L’évolution prend plusieurs années. Le temps d’installer de bonnes conditions de gîte et de couverts aux microorganismes du sol et que la porosité biologique puisse prendre le pas sur le travail mécanique. »

Avis d'expert : Jean-Luc Forrler, chef de projet conservation des sols de la coopérative Vivescia

« Une transition sécurisée est un mix entre TCS et semis direct »

 

 

 

« La phase de transition vers l’agriculture de conservation des sols correspond au temps nécessaire pour parvenir à inverser la tendance d’un sol à déstocker l’humus (matière organique stable). Au contraire, il doit s’enrichir en humus, pour favoriser sa réserve utile, son autofertilité, sa stabilité structurale… Quelques règles permettent dès les premières années d’obtenir des résultats positifs.

Parmi les deux leviers majeurs, le premier consiste à limiter l’impact du travail du sol. Cela ne signifie pas qu’il faille arrêter pour autant tout travail du sol. Au contraire, en passant au semis direct pur et dur, la période de transition sera plus longue car un sol non travaillé se réchauffe moins vite et stocke plus difficilement la matière organique. De plus, cette technique engendre des risques de compaction, d’acidification de la surface des sols et de présence de ravageurs. Je préconise plutôt une transition sécurisée en optant pour un mix entre techniques culturales simplifiées et semis direct. Un travail du sol dans les cinq premiers centimètres, après la récolte du précédent ou au moment du semis, se justifie en cas de présence de campagnols (pour détruire leurs couloirs de circulation) ou si la structure du sol est dégradée. Par contre, pour semer les cultures, il faut éviter de remuer le sol afin d’éviter toute levée d’adventices à ce moment-là.

Le second levier tient à la présence d’un vrai couvert agronomique. Son rôle est de capter l’azote de l’air et de le restituer aux cultures. Si la biomasse produite en surface dépasse 2,5 à 3 t/ha, on peut miser sur 1 t/ha dans le sol. Dans ce cas, le système racinaire a travaillé en profondeur et le semis direct est possible sans nécessiter de travail mécanique. Nombre d’échecs viennent des couverts. Soit parce qu’ils ne se sont pas suffisamment développés, soit parce que leur composition n’est pas adaptée. Un couvert doit permettre de rééquilibrer le rapport carbone sur azote du sol et fournir de l’azote pour la culture suivante. C’est pourquoi il faut viser un rapport C/N inférieur à 20 au moment de la destruction. Le choix des espèces et variétés se raisonne en fonction des sols et des dates de semis. »

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