Autonomie protéique : « Des méteils et ensilages d’herbe de qualité plutôt que du maïs »
Avec peu de prairies accessibles pour le pâturage, le Gaec de Lanzéon, dans le Finistère, atteint 77 % d’autonomie protéique en misant sur de bons ensilages d’herbe et de méteil.
Avec peu de prairies accessibles pour le pâturage, le Gaec de Lanzéon, dans le Finistère, atteint 77 % d’autonomie protéique en misant sur de bons ensilages d’herbe et de méteil.
En 2013, le Gaec de Lanzéon, en nord Finistère, a arrêté le maïs ensilage pour se tourner vers l’ensilage d’herbe et les méteils. « Il y a toujours eu un peu d’herbe dans la ration, indique Jonathan Caroff, associé avec ses parents Patricia et Gilbert. Mais le système était très intensif, basé sur le maïs ensilage et le soja, déjà coûteux à l’époque. Les vaches produisaient 9 000 à 1 0000 litres par vache, mais une partie était écartée à cause des cellules. En 2010, nous avons travaillé avec un nutritionniste et décidé de changer de système, pour gagner en autonomie et augmenter nos marges. »
Il n’était pas possible d’augmenter la surface en herbe pâturée et les sols séchants limitent le pâturage. Le choix a été fait de mieux valoriser l’herbe notamment récoltée, d’arrêter le maïs ensilage pour ne plus récolter que les épis et de développer les méteils, équilibrés en azote et énergie et ne nécessitant pas de correcteur azoté.
Cinq coupes d’herbe par an
Depuis 2013, l’alimentation est basée sur les méteils, l’herbe, le maïs épi et la betterave. Les vaches pâturent 270 à 280 jours par an les 12 hectares de prairies situés près des bâtiments, soit 16 ares par vache, avec 4 kg de maïs épi apportés à l’auge. L’hiver, la ration est constituée de 5 kg MS d’ensilage d’herbe, 4 kg de méteil, 4 kg de maïs épi, 1,2 kg de betterave et 1,5 kg de VL, contenant 20 % de féverole de l’exploitation et 0,2 à 1 kg de tourteau de soja.
Huit hectares de prairies implantées pour trois ans sont dédiés à la fauche. Les sols étant séchants l’été, les choix variétaux en graminées se sont portés sur des variétés tardives et peu remontantes. Les mélanges sont constitués de 7 kg/ha de dactyle, 15 kg/ha de fétuque élevée et 10 kg/ha de trèfle. « Nous faisons cinq fauches par an, la première début épiaison, fin avril, puis jusqu’à fin décembre. La dernière fauche est enrubannée, les autres récoltées à l’autochargeuse et ensilées. » Du lisier est épandu quatre fois par an, soit un apport de 30-40 UN/ha. Au final, les éleveurs récoltent 10-12 tMS/ha d’herbe à 17-19 % MAT.
Un orge hybride pour du fourrage et une récolte de graines
Le Gaec cultive aussi 2 hectares de ray-grass italien]]>-]]>trèfle incarnat en dérobée avant maïs, récolté en enrubannage. « Ces deux hectares sont très séchants. Le fourrage y est récolté un mois avant le méteil, ce qui permet de semer le maïs plus tôt. »
En 2022, le Gaec a également cultivé 1,5 hectare d’orge hybride multicoupe. La première coupe, fin mars, a été ensilée et a fourni 2 t MS/ha à 23 % de MAT. La moisson a ensuite donné 78 q/ha de grains et 5 t de paille. Pour 2023, les éleveurs en ont resemé 4 hectares. « Le premier objectif est la paille, précise Jonathan. Mais l’orge hybride apporte aussi un complément de fourrage riche en MAT, pour le même investissement. »
Des méteils de qualité
Douze hectares sont consacrés aux méteils semés autour du 20-25 octobre en dérobée avant maïs. Le mélange sémé à 160 kg/ha est constitué de 72 kg de triticale, 18 kg d’avoine, 30 kg de seigle et 40 kg de pois, auxquels le Gaec ajoute 15 kg de vesce. La vesce apporte de la MAT. L’avoine couvre rapidement pour éviter les mauvaises herbes. Le seigle assure un second étage de végétation et la vesce en profite. Les méteils sont fauchés, préfanés et récoltés entre le 5 et le 15 mai. Le rendement atteint 5-7 tMS/ha avec 13-15 % de MAT. « Comme ils sont encombrants, nous ne pouvons en apporter plus du tiers de la ration. »
Le Gaec cultive aussi 2 hectares de féverole, semée en pure au printemps après la betterave, pour une récolte début septembre. « La betterave apporte de l’énergie et favorise les taux, explique Jonathan. Nous en distribuons d’août à fin avril. Grâce à sa racine pivot, la féverole restructure les sols qui sont souvent compactés par les récoltes de betterave. » Le rendement varie de 45 à 65 q/ha selon le climat. Les graines sont aplaties et apportées aux génisses et dans l’aliment VL à raison de 15-20 % du mélange. Enfin, 14 hectares sont consacrés au maïs épi, avec une variété grain au grain denté farineux, d’indice 265. « L’objectif est d’avoir le maximum d’amidon rapidement dégradable. » Le rendement en épis atteint 9-10 tMS/ha.
Très peu de soja, mais plus de travail
Avec ce système, le Gaec de Lanzéon ne distribue plus que 0,2 à 1 kg/VL de tourteau de soja et atteint 77 % d’autonomie protéique. En 2022, les éleveurs n’ont acheté que 10 tonnes de correcteur azoté. « Tout dépend de la valeur de l’herbe et notamment du climat, analyse Jonathan. Mais le fait de récolter l’herbe en cinq fois et la diversité des fourrages limitent les risques. Et comme l’essentiel des stocks est fait avant l’été, nous sommes plus sereins par rapport au risque de sécheresse. »
Le principal inconvénient est un besoin en main-d’œuvre plus important. « Il y a beaucoup de récoltes, cinq coupes d’herbe, la récolte du maïs épi, celle des méteils, de la féverole, au moins quatre récoltes de betterave… La ration est aussi plus complexe, ce qui implique plus de travail de distribution, de 1h30 à 2h le matin. Mais nous sommes moins dépendants des achats d’aliment et le travail est plus technique et plus motivant. »
Le Gaec recherche également la valeur ajoutée par la génétique plutôt que le volume (le rendement laitier est passé de 9 000 à 6 000 l/VL/an). « Toutes les vaches sont inséminées, avec les taux comme principal critère et la recherche de vaches assez grandes pour ingérer beaucoup de fourrage, indique Jonathan. Et, parce qu’elle permet de très bons taux et valorise très bien les fourrages, nous avons introduit la jersiaise qui représente aujourd’hui 60 à 70 % du troupeau. »
Du lait mieux valorisé et à faible empreinte carbone
En plus de la baisse des intrants (moins de 1 kg/VL de correcteur contre 3,5-4 kg auparavant, moins d’engrais et de phytos…), le nouveau système permet une meilleure valorisation du lait. « Le changement de ration, le développement de la jersiaise et la sélection sur les taux ont permis d’augmenter la plus-value qui dépasse 100 €/1 000 l par rapport au prix de base » se réjouit Jonathan.
L’empreinte carbone nette de l’atelier s’est réduite. Le bilan Cap’2ER réalisé par le BTPL l’établit à 0,69 kg éq. CO2/l lait corrigé. La moyenne régionale est de 0,90 kg éq. CO2. « Il y a peu d’intrants et les vaches valorisent très bien la ration », analyse Christophe Monnerie, du BTPL. La race jersiaise, de petit gabarit, émet moins de méthane et permet des vêlages à 24 mois, ce qui diminue le nombre de jours improductifs. « Il faut accepter de produire moins de lait par vache, mais le système est cohérent par rapport aux objectifs et à la stratégie de Jonathan » résume le conseiller.
Fiche élevage
Côté éco
Chiffres 2021
À retenir
* Des méteils à la composition bien réfléchie
* 5 coupes d’herbe par an
* Du maïs épi pour l’énergie
* La betterave pour les taux et l’énergie
* La féverole pour décompacter le sol