Agronomie : quels sont les indicateurs les plus pertinents en vigne ?
Il est parfois difficile de faire le tri dans la panoplie de tests et analyses agronomiques disponibles. Voici des conseils d’experts pour y voir plus clair.
Il est parfois difficile de faire le tri dans la panoplie de tests et analyses agronomiques disponibles. Voici des conseils d’experts pour y voir plus clair.
Avec la montée en puissance du questionnement sur la vie des sols, les viticulteurs voient apparaître différents tests, analyses et autres indicateurs agronomiques. Mais comment s’y retrouver ? Lesquels sont adaptés à sa propre situation ? « On peut distinguer deux grandes catégories d’indicateurs, plante Battle Karimi, directrice scientifique du bureau d’études Novasol Experts. Ceux qui relèvent de la fertilité et du fonctionnement du sol, avec une portée à court terme, et ceux qui relèvent de la durabilité. »
Des analyses de labo pour évaluer la fertilité du sol
En ce qui concerne la première catégorie, le calcul de la biomasse microbienne est un bon indice. Il existe différentes méthodes pour cela, notamment l’analyse de la biomasse moléculaire, c’est-à-dire de la quantité d’ADN totale dans le sol. Mais aussi la fumigation-extraction ou encore la cytométrie. « Je recommande pour ma part la méthode moléculaire, qui est robuste et a été validée par la communauté des chercheurs, indique Battle Karimi. Et nous avons un référentiel national avec les usages de sol et les conditions pédoclimatiques qui nous permet d’interpréter les résultats. » Pour ce type d’analyse, l’Inrae a transféré sa méthodologie au laboratoire privé Auréa.
D’autres mesures permettent d’apprécier le fonctionnement biologique du sol et sont validées scientifiquement, comme le calcul de l’activité enzymatique ou bien celui de la respiration du sol. Mais ces méthodes pêchent dans l’articulation entre le labo et le terrain ainsi que dans les référentiels pour l’interprétation des résultats. « Les viticulteurs s’intéressent beaucoup à l’équilibre entre les champignons et bactéries, car ils entendent qu’il faut beaucoup de champignons dans le sol, ajoute la directrice scientifique. C’est vrai que c’est un indicateur intéressant, mais attention à ne pas le surinterpréter. Il est surtout complémentaire. » Ici encore, il existe différentes méthodes de mesure, par microscope, cytométrie ou ADN. L’experte recommande cette dernière, que l’on peut trouver chez Auréa ou bien au laboratoire montpelliérain IAGE.
Qualité de la matière organique et diversité fonctionnelle
Pour ce qui relève de la durabilité, Battle Karimi suggère de regarder les aspects de diversité microbienne. Car même avec un sol équilibré et une bonne biomasse microbienne, si le patrimoine de biodiversité est faible, le système risque d’être moins résilient. L’analyse, dans ce cas-là, relève forcément de la méthode ADN. La notion de diversité fonctionnelle, c’est-à-dire le lien entre les espèces et les fonctions qu’elles occupent dans la fertilité du sol, relève des tout derniers développements scientifiques.
« Il n’y a que très peu de laboratoires qui le proposent, c’est pourtant un aspect fondamental dans un contexte de dépérissement de la vigne et de changement climatique », estime la scientifique. Pour compléter ces indicateurs de la vie du sol, Matthieu Archambeaud, formateur en agroécologie et associé dirigeant de l’entreprise Icosystème, ajoute volontiers un autre indicateur qu’est l’état de la matière organique. « Regarder la quantité, aujourd’hui, ne suffit pas, estime-t-il. Il y a besoin de la qualifier pour savoir si cette matière organique est là depuis longtemps, est-ce qu’elle est stable, est-ce qu’elle va servir à la fertilité du sol… » Ce type d’analyse est proposé notamment par le laboratoire Celesta-lab à Montpellier.
La fosse pédologique doit rester la première étude
Les deux experts mettent en garde, toutefois, sur le fait qu’une analyse n’est pas une fin en soi. « Il faut résister à l’envie de croire en l’outil magique, avertit Matthieu Archambeaud, et ne pas mettre une mesure de l’activité biologique sur un piédestal. Cela doit prendre place dans une analyse globale de la fertilité. » Pour lui, il y a une hiérarchie à respecter et une gestion des priorités à avoir. Se lancer dans la réflexion sur la vie du sol passe par un bilan en plusieurs étapes. Commencer par ouvrir le sol en réalisant une fosse pédologique pour apprécier l’organisation du sol, sa structure. Puis effectuer des analyses classiques physico-chimiques en laboratoire pour s’assurer du pH, du calcium, du cuivre, etc. Ensuite quantifier et qualifier la matière organique, afin d’avoir des repères.
Viennent se greffer enfin les analyses biologiques et les indicateurs de la vie du sol. « Ce qui est primordial, c’est de remettre le résultat de l’analyse dans un contexte, et de l’interpréter, martèle Battle Karimi. Une fois que j’ai payé pour une mesure, il faut savoir ce que j’en fais derrière. » Elle a d’ailleurs vu certains viticulteurs se lancer dans les analyses de biologie du sol, puis arrêter d’en faire parce qu’ils n’avaient pas les clés. « Or on en a besoin pour piloter ses pratiques », estime l’experte. Aussi elle préconise de se faire accompagner en amont et en aval des analyses, au moins le temps de mettre le pied à l’étrier.
Les tests maison ne permettent pas un pilotage
Quant aux tests agronomiques que l’on voit foisonner (test bêche, slake test, litter bag…), ils sont de formidables outils d’observation et de sensibilisation. « Attention toutefois à ne pas confondre sensibilisation et pilotage », avertit Battle Karimi. « Ces tests sont pédagogiques, faciles à réaliser, pas chers, on peut les utiliser sans modération, s’enthousiasme Matthieu Archambeaud. Mais à condition de pouvoir les comparer à une situation de référence. » Une parcelle désherbée chimiquement par rapport à une travaillée, le rang avec des engrais verts par rapport à celui enherbé naturellement… Un moyen de confronter ses pratiques, donc, mais pas de se faire une idée dans l’absolu.
En somme, il est nécessaire de revoir notre habitude de penser à court terme, où une analyse amène à une correction. « Si l’on s’intéresse à la fertilité du sol, on est amené à réfléchir à moyen terme, et à considérer la culture comme un système global », conclut Matthieu Archambeaud.
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