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Un puits de carbone stratégique

Le 5e rapport (2013-2014) du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a montré que le « secteur des terres » (l’agriculture/alimentation, la forêt et les sols) pourrait contribuer de 20 à 60 % au potentiel total d’atténuation des émissions planétaires de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. Les prairies, notamment, contribuent au stockage de carbone d’où l’intérêt de l’élevage des ruminants.

L’élevage de ruminants pourvoyeur secondaire de gaz à effet de serre (GES)
Trois GES sont émis dans le cadre des activités liées à l’élevage de ruminants et plus largement en agriculture : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O). En tant que principal GES d’origine humaine, le CO2 sert de référence au calcul de contribution au changement climatique. En comparaison, le méthane et le protoxyde d’azote ont un potentiel de réchauffement global respectif 25 et 298 fois plus important. En élevage, les émissions de CO2 proviennent de la fabrication et du transport des intrants (engrais, aliments du bétail, semences, produits phytosanitaires) et de la consommation d’énergie sur l’exploitation (fioul, électricité, gaz). Le méthane a deux origines : pour 2/3, celui qui se forme dans le rumen et 1/3, celui issu de la dégradation anaérobie de la matière organique contenue dans les déjections animales. Le protoxyde d’azote résulte de la transformation des produits azotés sur les terres agricoles : engrais, fumier, lisier, résidus de récolte. L’élevage contribue pour 5 % des émissions de GES dans le monde et en Europe et 9 % en France (cf. illustration).

Pour réduire les GES : un troupeau performant en reproduction et en croissance…
Les principaux postes d’émissions de GES en élevage bovin et ovin allaitant sont la fermentation entérique (50 %), la gestion des déjections (10 %) et les intrants (15 %). Deux leviers permettent la réduction des GES : la conduite du troupeau et la gestion des surfaces cultivées et pâtures. Cela demande de maîtriser la productivité numérique (nombre de veaux ou agneaux produits), donc de limiter la mortalité des veaux ou agneaux, d’avoir un intervalle optimal entre les mises bas, de réduire l’âge au premier vêlage/agnelage et de réformer le plus tôt possible les animaux improductifs afin de diminuer les effectifs présents sur l’exploitation et donc les émissions de méthane et protoxyde d’azote (cf. tableau).

… et une bonne gestion des surfaces agricoles associées à l’élevage
Via la bonne gestion des surfaces en herbe et en cultures, vous agissez sur l’autonomie alimentaire de votre exploitation, sur l’adaptation des rations à vos objectifs de production et aux besoins des animaux, ainsi que sur la valorisation agronomique des déjections animales (fertilisation). L’autonomie alimentaire diminue les quantités de concentrés achetés. Si l’équilibre de la ration implique l’achat de concentrés énergétiques, les coproduits issus de la transformation des végétaux (tourteaux, pulpes…) sont à privilégier plutôt que les céréales avec si possible des aliments d’origine européenne pour minimiser l’impact environnemental. En maximisant le temps passé à la pâture, la consommation d’intrants (fioul, concentrés) et les émissions de méthane et de protoxyde d’azote liées au stockage et à l’épandage des déjections sont limitées. En outre, le pâturage comme les cultures sont des surfaces sur lesquelles le potentiel agronomique des effluents peut être valorisé et leur épandage diminue fortement l’achat d’engrais minéraux et économise les émissions de GES associées (CO2, protoxyde d’azote). Les légumineuses ou l’association graminées-légumineuses, à travers la fixation de l’azote atmosphérique dans le sol, participe à entretenir la fertilité des sols et à réduire l’utilisation d’intrants (engrais).

 

Des prairies pour stocker le carbone…
À travers les prairies qui participent à l’alimentation des animaux (via le pâturage et le fourrage/ensilage), l’élevage de ruminants exerce une seconde influence sur le climat. En maintenant plus de carbone dans les sols qu’elles n’en restituent par la respiration, les prairies contribuent au stockage de carbone, via le retour au sol de la biomasse aérienne et racinaire (production issue de la photosynthèse), et l’apport de matières organiques exogènes. Les prairies représentent un véritable levier d’atténuation du réchauffement climatique. La matière organique carbonée entre dans le sol sous trois formes : des feuilles sénescentes ou non-exploitées par les animaux, l’accumulation des racines mortes et l’activité des racines vivantes qui va fournir une partie de ce carbone directement dans le sol pendant toute la croissance du végétal.

… avec leur fertilisation pour améliorer la quantité stockée
Tout l’enjeu du stockage du carbone comme outil d’atténuation du réchauffement climatique réside dans l’accumulation et le maintien du carbone dans les sols à long terme. Pour y parvenir, deux actions sont à mener simultanément : conserver les stocks présents et favoriser un retour de matières organiques dans les sols. À travers l’augmentation de la production de fourrage, la fertilisation présente un fort potentiel d’accroissement du stockage du carbone. À l’inverse, la mise en culture d’une prairie conduit au déstockage du carbone du sol. Une augmentation de la durée de vie des prairies temporaires prolonge la phase de stockage de carbone.

Les prairies, levier de compensation des émissions de gaz à effet de serre à intégrer dans les apports de l’élevage des ruminants
L’élevage de ruminants exerce donc deux influences sur le climat. À travers l’émission de GES (CO2, méthane et protoxyde d’azote), comme toute activité, il contribue au réchauffement climatique. La seconde influence sur le climat concerne l’absorption de GES via le stockage de carbone dans les sols des prairies. Celui-ci est aujourd’hui suffisamment compris pour être reconnu comme levier de compensation des émissions de GES. Sa prise en compte dans l’évaluation de la contribution de l’élevage de ruminants au changement climatique n’est toujours pas effective alors qu’elle constitue un élément indispensable à la réalisation du bilan de l’influence climatique et à un calcul rigoureux de l’empreinte carbone de la viande bovine et ovine.

L’espace vert et bleu, la Creuse, avec de forts atouts à faire valoir pour atténuer le réchauffement climatique
La Creuse détient de nombreux atouts dans le « secteur des terres » tel que défini par le GIEC. Sa forêt représente une richesse très utile pour l’atténuation du réchauffement climatique. Son élevage allaitant bovin, caprin et ovin va d’autant mieux contribuer que le troupeau sera performant en reproduction et en croissance et que les prairies seront correctement fertilisées. Cela vient, une fois de plus, contrecarrer certaines idées reçues comme celles évoquées l’année passée (cf. article du 02/01/2015). C’est pourtant bien par une production et une utilisation raisonnées de ces ressources que nous serons le plus utiles à notre planète.

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