Tony Liège : “ La BVD n’est pas un sujet à prendre à la légère ”
PAROLE D’ÉLEVEUR / Éleveur à Saint-Léopardin-d’Augy (Allier), Tony Liège (Gaec des Tilleuls) a été confronté, en mars 2017, à la contamination d’une partie de son troupeau de vaches charolaises par la BVD, la diarrhée virale bovine. Il témoigne.
Quel type d’exploitation avez-vous ?
Tony Liège : « Je suis installé en Gaec avec ma compagne et mes beaux-parents, depuis 2008, sur la commune de Saint-Léopardin-d’Augy dans l’Allier. Nous avons un cheptel de 130 vaches charolaises pour la reproduction et de 360 chèvres en lactation. Nous disposons également de 60 hectares de céréales et de 190 ha d’herbe. De plus, nous avons rajouté un atelier d’engraissement pour près de 300 bêtes broutardes à l’année. »
L’année 2017 a été quelque peu particulière. Racontez-nous ?
T.L. : « En effet, en mars 2017, nous nous sommes aperçus d’un souci de reproduction. Les taux ont largement chuté et nous ne comprenions pas pourquoi. Nous n’avions, jusque là, rien changé à nos habitudes. Nous avons contacté divers vétérinaires : certains nous ont demandé si nous avions vérifié la BVD, d’autres pensaient à un déficit en oligo-éléments dû à la sécheresse de la saison précédente. Personnellement, j’ai préféré retenir la deuxième réponse et je ne me suis pas inquiété outre mesure, jusqu’au mois d’août. »
Que s’est-il passé à ce moment-là ?
T.L. : « Ma réflexion avait fait son petit bonhomme de chemin et j’ai décidé de déclencher la prise de température sur mes trois générations de génisses. Après analyse, il s’est avéré qu’une de mes vaches laitonnes était positive à la BVD. Je me suis donc rapproché du groupement de défense sanitaire (GDS) pour mettre en place une vaccination en vue de la campagne 2018. Mais très vite, il s’est avéré que dix-sept veaux étaient infectés (infecté permanent immunotolérant, IPI). Concrètement, j’ai pu, grâce à la présence de deux stabulations sur notre exploitation, séparerles cas malades des autres. La mise à l’écart a été primordiale pour limiter la contagion. Au total, nous avons subi un taux de 12 à 13 % de mortalité : six veaux sont morts en l’espace de 48 heures. Désormais, nous faisons une campagne de vaccination chaque année au mois de septembre sur les femelles. »
Qu’est-ce que la vaccination a apporté à votre troupeau ?
T.L. : « Il faut savoir que le virus se transmet par le foetus. La transmission est ensuite exponentielle. Le fait de vacciner les futures mères avant la mise en reproduction permet non seulement de protéger les veaux mais aussi d’améliorer leur santé globale. Nous avons amélioré la santé des veaux, des vaches. L’ensemble du troupeau va mieux : moins de problème pulmonaire, meilleure reproduction, etc. »
Quel a été l’impact au niveau économiquesuite à la BVD ?
T.L. : « Globalement, l’exploitation a connu, sur l’année 2018, une perte de20 000 € : mortalité des veaux, problèmes de reproduction, etc. La BVD n’est donc pas un sujet à prendre à la légère, car les conséquences économiques auraient pu être plus importantes si nous n’avions pas pris les choses à temps. Il faut noter aussi que les dépenses liées aux détections et aux doses de vaccination sont des investissements utiles : en contrepartie, l’économie se fait par la qualité sanitaire du cheptel. »
A ce titre, quelles recommandations feriez-vous aux autres éleveurs ?
T.L. : « En tant qu’éleveur touché par ce virus, je suis bien placé pour alerter mes collègues là-dessus. Il faut mettre son égo de côté et se dire que cela n’arrive pas qu’aux autres. La BVD est vectrice de nombreux problèmes sanitaires dans les élevages. Alors aujourd’hui, la détection, même s’il n’y a pas de suspicion, devrait être rendue obligatoire pour protéger le troupeau et l’équilibre économique de l’exploitation. Il faut renforcer la communication à cet égard. »
Justement, la communication est-elle suffisante, selon vous ?
T.L. : « Non et c’est ici le gros point noir de notre profession. A tel point que certains vétérinaires sanitaires ne nous ont jamais parlés de vacciner nos bêtes contre la BVD. Le GDS, et plus largement les vétérinaires, ont le devoir d’informer davantage. Si 90 % d’entre eux ont bien conscience de ce problème, les autres font prendre un risque inconsidéré aux éleveurs. Même si c’est compliqué de faire entendre à un éleveur que son troupeau peut être touché, il ne faut pas passer à côté de ce sujet. »
Propos recueillis par Amandine Priolet