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Sénégal : là où l’eau ne coule pas de source...

Sapeur-pompier volontaire et responsable de projets à l’Idele, Joël Guillemin était en mission d’évaluation au Sénégal sur un programme d’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement.
 

A chaque village, la mission a rencontré les autorités locales, le chef de village et le chef religieux.
© DR

Responsable de projets bas carbone au sein de l’Institut de l’élevage qu’il a rejoint il y a trois ans après avoir dirigé Cantal conseil élevage, Joël Guillemin est spécialisé dans 
l’accompagnement des entreprises laitières dans leur programme de décarbonation. C’est avec une autre casquette, celle de sapeur-pompier volontaire membre de l’ONG Les Pompiers solidaires, qu’il est parti en mission en novembre dernier au Sénégal. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest qui a vu sa population doubler en 20 ans, si le changement climatique et les sécheresses sont une dure réalité, il n’était point question de quantifier, réduire ou compenser des émissions de gaz à effet de serre, la priorité étant tout autre, primaire : l’accès à l’eau et à des installations minimales en matière d’hygiène et d’assainissement.  

Quel était l’objet de cette mission ?
Joël Guillemin : “Il s’agissait d’une mission d’évaluation afin d’auditer les problématiques rencontrées par la population dans différents villages prospectés et d’identifier la faisabilité d’un nouveau programme eau, hygiène, assainissement. L’association Pompiers solidaires, qui repose sur l’implication de bénévoles, intervient en effet sur plusieurs axes : secours à des populations sinistrées en cas de catastrophes naturelles, conflits, exodes... en déployant son USI(1), et programmes d’accompagnement des populations dans différents pays sur plusieurs thématiques. Actuellement, il s’agit de l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement. Des programmes de développement ont ainsi vu le jour en Bosnie, Haïti, au Pérou,... D’autres sont en cours au Liban, au Bénin, au Togo, et en 2024, la pertinence de tels programmes en Côte d’Ivoire, en Ouganda et au Sénégal a donc été évaluée.”

En mission pour les Pompiers volontaires

C’était votre première mission ?
J. G. : “Oui, pour l’association. J’ai postulé car je ne connaissais pas du tout l’Afrique et que le Sénégal étant un pays francophone. Même si je ne suis pas du tout spécialiste de ces questions d’eau et d’assainissement, mon profil a été jugé pertinent car dès qu’on amène l’accès à l’eau potable, derrière c’est l’agriculture - particulièrement le maraîchage - qui se développe.”

Comment une telle mission se prépare ?
J. G. : “Avec les trois autres membres de l’association de la mission, nous avons pris des contacts en amont avec des interlocuteurs sénégalais pour planifier notre séjour et nos déplacements, je me suis aussi renseigné sur les filières locales auprès du Cirad et d’étudiants sénégalais en écoles d’ingénieurs en France. Mais au final, tout s’est organisé sur place, au jour le jour, en fonction des informations et des échanges que nous avons eus. On a pu par exemple rencontrer la préfète de la Région de Kaffrine, ce qui nous a ouvert des portes et donné de nombreuses pistes. Partout où nous sommes allés, nous avons pris soin de rencontrer les autorités administratives, les chefs de village, les chefs religieux pour leur expliquer notre démarche et recueillir leur assentiment. Et en aucun cas, Pompiers volontaires n’intervient à la place de l’État.”

Explosion démographique

Vu de la France, on a l’image de Dakar - et donc d’un Sénégal - moderne, globalisé, 
ouvert sur le monde. C’est une autre réalité que vous avez trouvée sur place ?
J. G. : “C’est une image trompeuse car si le quart de la population vit à et autour de Dakar, les grandes infrastructures mises en place par l’État  - les routes, réseaux d’eau, d’électricité... - s’arrêtent aux centres des “villages” (de plusieurs milliers d’habitants) mais pas plus loin. Il faut alors se déplacer sur des pistes. Le pays affiche en outre une très forte croissance démographique qui fait que toutes les semaines, les villages qui 
entourent Dakar voient arriver de nouvelles familles qui s’installent comme elles peuvent, sans que les réseaux en place soient en mesure de suivre.”

Huit sanitaires pou 1 156 élèves

Vous avez d’abord prospecté des villages dans la zone d’expansion de Dakar, dans la zone désertique du nord-est, celle du lac rose avec une problématique spécifique...
J. G. : “Oui, ça a été le premier “choc” : nous avons rencontré le directeur d’une école primaire couplée à un collège qui accueille au total 1 156 élèves, avec 106 élèves dans la classe la plus chargée, le CE1, deux seuls points d’eau (non analysée) et huit sanitaires pour l’ensemble des enfants et des enseignants. Notre objectif était de voir s’il était possible de contribuer au financement de l’extension du réseau d’eau et à l’installation de toilettes supplémentaires, en faisant travailler des entreprises locales. On a commencé à recueillir quelques devis et de retour en France, on a monté un dossier de demande de financement auprès des agences de l’eau(2), partenaires de Pompiers solidaires sur ces programmes.” 

Noyés ou rongés par l’eau salée

“Dans ce secteur très plat, l’élévation du niveau de l’océan fait que dès qu’on creuse, on tombe sur de l’eau salée, qui remonte de plus en plus dans les terres. Dans une autre zone de delta, on assiste même à une inversion des courants et des villages sont inondés en permanence, soit par l’eau salée qui remonte, soit par l’eau douce lors de la saison des pluies, avec des problèmes de moustiques. Dans le troisième village de ce secteur que nous avons visité, N’Dangane, au bord du littoral, tout est mangé par le sel : les tôles, le tableau de l’école... Impossible dans ces conditions de faire des forages. C’est ce qui nous a poussés à aller ensuite dans le centre du pays, à la limite avec la Gambie, une zone semi-aride plus agréable.”

Des sanitaires rudimentaires

Un secteur plus reculé aussi...
J. G. : “Ces villages de brousse nous ont été indiqués par la préfecture de Région de Kaffrine mais ne sont pas répertoriés sur les cartes, nous avons donc été accompagnés par un guide-interprète. Ce sont des villages en terres cuites, aux toits en végétaux avec toujours un arbre au centre du village où tout le monde se rassemble. Des villages sans électricité, avec de l’eau issue de puits aménagés dans les années 1970 mais qu’il faut creuser de plus en plus profond (jusqu’à 86 mètres pour certains) pour en retirer, à la traction manuelle, de l’eau, non potable. Dans l’un de ces villages, le puits était à sec depuis plusieurs mois et les habitants devaient quémander de l’eau au village d’à côté. Malgré tout, on y a été accueillis avec le sourire et en nous offrant des paquets d’arachides, la culture locale. 
Quant aux sanitaires, parfois ils se résumaient à un trou au milieu de pneus, sans évacuation ni papier WC et avec un système rudimentaire de lavage des mains : un tuyau d’eau d’où on fait couler un maigre filet car il faut économiser l’eau. Ailleurs, c’était le plus souvent des dalles fosses.”

Quel programme pour ces villages et quel suivi sur le long terme ?
J. G. : “Un programme sur plusieurs années avec des forages à renforcer, des toilettes à installer, et un accompagnement à l’hygiène, le tout en s’appuyant sur l’existant. L’USI de l’association va suivre les chantiers et dans les 3-4 ans, une nouvelle mission se rendra sur place pour faire un point et réajuster si nécessaire. Le but est de transférer aux autorités locales et villageois les investissements réalisés afin qu’ils les gèrent à l’avenir ; d’où l’importance de trouver des référents dans chacun de ces villages et de la formation à la maintenance de ces installations. Le souhait localement est de commencer ces programmes par les écoles, ce qui nous va très bien car c’est un très bon levier de sensibilisation.”

A lire aussi /agriculture-massif-central/node/8478
(1) Unité de secours internationale.
(2) Agences de l’eau Loire-Bretagne, Adour-Garonne mais aussi financements de 
Régions, Départements de l’Ouest de la France et de mécènes privés.

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