Aller au contenu principal

Sécheresse historique de 2022 : Des taux de pertes CNGRA déconnectés de la réalité du terrain

Depuis les conclusions du Comité national de gestion des risques en agriculture du 9 décembre, les éleveurs ne décolèrent pas puisque des anomalies majeures dénoncées à plusieurs reprises et objectivées par les expertises terrain des services de l’Etat n’ont pas été prises en compte. Le point avec Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président de la Copamac.

Patrick Bénézit, éleveur dans le Cantal, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président de la Copamac.
Patrick Bénézit, éleveur dans le Cantal, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président de la Copamac.
© @S.Chatenet

2022 restera dans les annales météorologiques comme l’année la plus chaude en France avec pour principale conséquence une sécheresse historique fragilisant bon nombre d’exploitations de notre territoire. Les pouvoirs publics ont-ils bien géré cette crise ?

Patrick Bénézit : Force est de constater que lors du CNGRA de décembre, la sécheresse historique que personne n’avait rencontré jusqu’alors n’a pas été reconnue comme telle par le ministre de l’Agriculture. Les éleveurs sont en colère. Ils ont le sentiment d’avoir été trahis par leur ministre qui s’était pourtant engagé solennellement lors du Sommet de l’Elevage à recourir aux expertises terrain en cas de défaillance manifeste du satellite. Les pouvoirs publics se sont enferrés dans le déni, voyant de l’herbe poussée en pleine canicule ! Au final, la majorité des taux de perte relevées lors des expertises terrain a été abaissée jusqu’à 20 % par les services du ministère de l’agriculture. C’est clairement un désaveu du Ministre vis-à-vis des représentants de l’Etat dans les départements. Cette situation est d’autant plus inquiétante que les services de l’Etat se sont appuyés sur les cartes satellitaires Airbus pour diminuer les taux de perte de manière drastiques, avec pour principale conséquence, soit une indemnisation moindre, soit une exclusion pure et simple de l’aide. Seule avancée positive : le taux de prise en charge de la perte a été réévalué à 35% au lieu de 28.

A ce stade, le système est donc défaillant. Vous appelez donc les pouvoirs publics a rectifié le tir d’autant plus que les cartes Airbus sont annoncées comme le socle du futur système assurantiel et fonds de solidarité ?

P.B. : En effet, le futur système assurances et fonds de solidarité prairie est basé sur l’indice prairie applicable dès 2023 pour les assurés comme pour les non assurés. Il n’est malheureusement plus à prouver qu’en 2022, alors que la sécheresse était dramatique, je le redis, l’indice prairies a « buggé » sur la quasi-totalité du territoire à des niveaux de défaillances inexplicables. L’indice, le satellite, ont vu des pousses d’herbe imaginaires en février ou en pleine canicule…En clair, le futur système ne peut pas se baser exclusivement sur un indice aussi défectueux. Tant que cela ne marche pas, les éleveurs exigent un recours comme le prévoit la loi, basé sur les expertises terrain, comme c’est le cas pour l’ensemble des autres productions (viticulture, arboriculture, céréales…). Il est aujourd’hui inadmissible que ce problème ne soit pas encore réglé. Inadmissible d’une part que les assureurs ne mettent pas du leur pour le régler et encore plus inadmissible que le ministre de l’Agriculture n’est pas déjà pris le décret permettant aux éleveurs d’avoir un recours avec expertise terrain sur la méthode des bilans fourragers en cas de défaillance de l’indice en 2023, comme le prévoit la loi.

Dans ces conditions, incitez-vous les éleveurs à s’assurer ?

P.B. : Soyons clair en 2022, les assurés prairies ont été lésés par l’indice qui a complètement « buggé », nous avons d’ailleurs énormément de plaintes. Malgré tout, nous espérons que le Ministre prendra ses responsabilités en nous donnant le recours nécessaire. Il revient à l’Etat que le système fonctionne de manière honnête et objective. Le taux de perte ne doit en aucun cas être une variable d’ajustement budgétaire, qui plus est, car les sommes engagées sont conséquentes. Des sommes qu’abondent d’une part la puissance publique mais également les éleveurs à travers les budgets de la PAC et leur contribution au fonds de solidarité. Nous appelons le ministre à résoudre le problème le plus rapidement possible, quitte à contraindre les assureurs, et les éleveurs à entrer dans le nouveau dispositif c’est-à-dire à s’assurer. Si le système ne fonctionne pas et n’est pas honnête comme cela a été le cas en 2022, nous irons manifester devant les préfectures et les agences d’assurance.

Sur la conjoncture agricole, des signaux sont plutôt orientés positivement sur les prix… Y-a-t-il clairement un effet Ega ?

P.B. : Aujourd’hui, les premiers effets positifs des Ega couplés à des conjonctures orientées favorablement se font enfin ressentir. Malgré cela, de nombreuses productions d’élevage n’atteignent pas le niveau des coûts de production qui ont fortement augmenté. Les prochaines réactualisations, d’ici quelques semaines des indicateurs coûts de production en viande bovine, devraient dépasser largement la barre des 6 euros du kilo de carcasse pour les vaches, et les 4 euros pour les broutards. Pour le lait, ce sera pareil, on devrait dépasser les 500 euros la tonne. Dans ce contexte, il est essentiel que les lois Ega soient appliquées dans leur intégralité, soient prolongées et renforcées. Il faut atteindre le plus vite possible les niveaux des indicateurs coûts de production, faire respecter la non négociabilité de la matière première, pierre angulaire de la loi Ega 2 et pérenniser les outils « anti-guerre de prix » mis en place dans le cadre de la loi (limitation des promotions et seuils de revente à perte).

Le projet de loi Descrozailles est-il de nature à pérenniser ce dispositif porté de manière trans-partisane ?

P.B. : Ce texte va dans le bon sens puisque, d’une part il pérennise l’encadrement des promotions et le seuil minimum de revente à perte à 10%, deux dispositifs, qui jusqu’à présent n’étaient qu’à l’état d’expérimentation, d’autre part il renforce la non négociabilité de la matière première agricole, qui doit permettre le respect des coûts de production. Cette loi est également essentielle pour empêcher certaines enseignes de contourner la loi en effectuant leurs achats à l’extérieur du territoire français. Ce projet de loi, nous espérons qu’il sera adopté dans les semaines qui viennent par le Parlement et le Sénat.

Propos recueillis par Sophie Chatenet

Les plus lus

Une femme et un homme marchent
Du Liban au Cézallier, une jeune couple s'installe dans le Cantal

Dans le petit village de Chanterelles dans le nord Cantal, un couple de Libanais vit dans l’attente de terminer ses études,…

Dorine Pouderoux
Dorine Pouderoux dans le rôle d'Esmeralda dans le "Bossu de Notre-Dame"

La jeune Murataise Dorine Pouderoux interprète Esmeralda dans “Le bossu de Notre-Dame” actuellement au théâtre de la…

David Chauve sur une estrade lors d'une manifestation agricole organisée sur la Place de Jaude à Clermont-Ferrand.
Pourquoi les agriculteurs manifestent-ils à nouveau ?

David Chauve, secrétaire général de la FRSEA Auvergne Rhône-Alpes, explique qu'entre mesures conjoncturelles et structurelles…

Groupe de jeunes gens en visite à Rungis, revêtus de blouse de protection
Devenir agriculteur : bien plus qu’une question de production...

Dix futurs installés ont suivi la formation Devenir chef d'exploitation agricole des Jeunes agriculteurs du Cantal : dix jours…

Tournée d'IA le dimanche : un accord trouvé entre la direction d'Altitude et les inséminateurs

Les tournées d'insémination pourraient reprendre le dimanche à compter du 24 novembre prochain, annonce la direction du groupe…

Revalorisation des pensions, retraite minimum à 85% du SMIC, équité des droits...Les retraités agricoles ne baissent pas les armes

Depuis l'annonce du gel de six mois de la revalorisation des retraites, les responsables de la section régionale des anciens…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière