Sans solution face à la jaunisse virale, les betteraviers en appellent au président de la République.
Entretien avec Gilles Berthonneche, président de Cristal Union-Bourdon.
Que pensez-vous de l’annonce récente du gouvernement sur l’interdiction de dérogation pour les néonicotinoïdes utilisés en enrobage de semences de betteraves sucrières ?
Le Président Macron avait été clair, aucun agriculteur ne devait être laissé dans des impasses techniques. C’est pourtant ce que vient d’annoncer le gouvernement à l’occasion de la présentation du plan Ecophyto en excluant sans concertation la possibilité d’une dérogation pour les néonicotinoïdes utilisés en enrobage de semences de betteraves.
Lors de sa dernière évaluation, l’ANSES concluait pourtant «qu’il n’y a pas d’alternative réelle à l’enrobage des semences de betteraves avec des néonicotinoïdes alors que les ravageurs semblent déjà montrer des résistances aux principaux insecticides de substitution par traitement foliaire». Cette résistance aux pyréthrinoïdes et carbamates pour lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse virale est corroborée à plusieurs reprises par les instituts techniques betteraviers français, belge, hollandais ou encore anglais. Refuser une dérogation à l’interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semences de betteraves, c’est donc renier un engagement présidentiel qui refuse de mettre les agriculteurs dans une impasse technique.
Quels sont les dangers de ce refus de dérogation ?
Sans dérogation, c’est exposer les betteraviers à des pertes de production pouvant aller jusqu’à 50 %, c’est déstabiliser des régions betteravières entières, c’est fragiliser des sites industriels structurants pour l’économie de leurs territoires. Surtout, c’est ne pas donner le temps nécessaire à une filière d’aboutir dans sa recherche active de nouvelles solutions autour de produits de biocontrôle, de nouvelles variétés ou de plantes de service… Et ce alors même que plusieurs pays européens étudient la possibilité d’octroyer de telles dérogations.
La filière betteravière a pourtant fait des propositions ?
Nous avons effectivement proposé d’aménager l’utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semences de betteraves lors des deux prochaines années pour se donner du temps pour aboutir dans cette recherche d’alternatives. Il a été proposé de n’utiliser que la molécule ayant le temps de dégradation le plus court, d’en réduire les doses de 30 % par hectare, d’encadrer les types de cultures pouvant succéder à la betterave et de promouvoir la mise en place de bandes mellifères. Autant de propositions qui prouvent que notre filière agit en pleine responsabilité, autant de propositions qui n’ont jamais pu être débattues avec les ministres ou même les responsables des ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique ou de la Santé pourtant tous trois compétents sur le dossier… Et ce, malgré les multiples demandes de rendez-vous.
Que souhaite le gouvernement en frappant aveuglément une filière reconnue pour son excellence ? Que souhaite le gouvernement en restant sourd à nos demandes de concertation ? Face à cet aveuglément et à cette surdité, nous en appelons à la parole présidentielle pour sortir les 26 000 betteraviers de l’impasse technique dans laquelle ils sont plongés.