S'adapter au manque d'eau
Entre sécheresses répétées et contamination des eaux liées à la fonte des glaces, les agriculteurs de la Cordillère Blanche, au centre du Pérou, subissent le réchauffement climatique.
De mémoire paysanne, jamais la saison sèche n'a été aussi longue. Alors que le mois de décembre est déjà bien entamé, le soleil s'évertue chaque jour à faire scintiller les neiges éternelles de la Cordillère blanche, dans les Andes péruviennes. « D'habitude, les premières pluies tombent en septembre et nous commençons à semer en octobre. Là, nous avons l'impression d'être encore en plein été* », déplore Robert Balabarca depuis le perron de sa ferme en torchis.
Depuis quatre ans, cet agriculteur de 38 ans est le représentant élu de la communauté paysanne Cordillera Blanca, vivant à Canrey Chico, dans une vallée située à une vingtaine de kilomètres de Huaraz, la capitale régionale. Comme la plupart des 120 agriculteurs dont il est le porte-voix, il n'a pas encore semé les patates, le manioc ou le blé qui assurent la base de sa subsistance.
La sécheresse qui frappe le Pérou depuis deux mois, considérée par le Service national de météorologie et d'hydrologie national comme la plus intense depuis cinquante ans, vient bouleverser l'ensemble du système polyculture-élevage de la communauté andine. Outre les céréales et les tubercules, qui plantées trop tard, laissent craindre des baisses de rendements, la situation est aussi difficile pour les troupeaux ovins et bovins qui déambulent dans des pâturages largement jaunis.
Sécheresse et eaux contaminées
D'autant que leurs propriétaires ne peuvent que constater le manque d'herbe. Il est inenvisageable, faute de budget, d'importer du foin ou des aliments de substitution depuis l'extérieur. « Seuls 20 % des membres de notre communauté vendent quelques surplus à l'extérieur, et en petites quantités. Nous n'avons pas d'autres ressources que ce que nous produisons alors si le réchauffement climatique s'amplifie, l'impact pour nos petites communautés va être énorme », regrette Robert Balabarca.
À Canrey Chico, un détail détonne : le puissant torrent dévalant bruyamment la montagne, directement depuis les glaciers de la Cordillère ; on peine à croire que le village manque d'eau. « Le Rio Negro, notre rivière, est toxique. On le repère à la teinte orangée des roches qui bordent les rives. Nous y avons trouvé des niveaux très élevés de métaux lourds comme le cadmium, l'arsenic ou le plomb », éclaire Robert Balabarca. Si nous l'utilisons, la terre va s'appauvrir jusqu'à devenir infertile ».
Cette contamination des eaux glaciaires qui sévit dans toute la région est une autre conséquence du dérèglement climatique. « En se retirant sous l'effet de la hausse des températures, les glaciers exposent les métaux de la roche mère à l'oxygène présent dans l'atmosphère, entraînant la création de ces oxydes toxiques », décrypte Selwyn Valverde, ingénieur de l'environnement travaillant dans la région. Les eaux du Rio Negro, qui alimentent le canal d'irrigation du village, sont pourtant on ne peut plus vitales à l'heure où les pluies tardent à venir.