Rugby : La deuxième vie de Toki Pilioko
Depuis Gaby Maka, le Stade aurillacois accueille de nombreux joueurs du Pacifique. Rencontre avec deux Espoirs, Toki Pilioko et Loïc Pakihivatau.
Scène 1. Moteur, action. Toki Pilioko arrive en France il y a à peine trois ans, en provenance de Nouvelle-Calédonie. À Aurillac, il voulait “voir autre chose que le rugby à 7”, là où il a commencé. “La France, c’est à voir à tout prix ! Pour mes 18 ans, j’ai franchi le cap. Ça a surtout été dur pour mes parents, d’autant que je suis l’aîné.” Il est recruté par le Stade aurillacois, en tant que pilier droit. “Je ne savais même pas ce que c’était un pilier droit ! En 7, il n’y a pas tout ça.” Seul, il décide donc “de partir à l’aventure, en faisant confiance à Walter Olombel”, directeur du centre de formation. Au fil des mois, Toki “apprend” à jouer au rugby. “Chez nous, on mise beaucoup sur l’affrontement physique. Ici, on joue dans les intervalles, le niveau change beaucoup !”
Année blanche
Scène 2. Tout juste arrivé, après un match avec les Espoirs, Toki s’effondre, victime d’un AVC. Un mois et demi en chambre d’hôpital, seul, encore, à Montpellier. Rupture scolaire, année blanche sportivement. “Quand on ne peut plus bouger, on réfléchit, on se remet en question. Est-ce que je rentre chez moi, est-ce que je reste ici, est-ce que je rejouerai un jour au rugby ?” Il a tranché. Grâce notamment au soutien du centre de formation et de Walter Olombel, qui lui a “fait confiance, et m’a prolongé”. Il reprend donc son sport favori, “avec beaucoup de volonté. Le rugby, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Je devais prendre une revanche sur la vie”.
Jouer au rugby... et un rôle
Scène 3. Alors qu’il se remet doucement sur pied, le jeune homme est casté par Sacha Wolff, qui lui propose le scénario de “Mercenaire”, l’histoire d’un rugbyman de Nouvelle-Calédonie qui s’exile en métropole pour vivre de sa passion, contre l’avis de son père. “Si Toki avait joué avec l’équipe 1, on aurait réfléchi et on aurait arbitré. Mais là, il a vécu une expérience unique et on lui a permis de le faire.” Walter Olombel s’en amuse : “Nous n’avons pas organisé sa carrière cinématographique !” Le directeur du centre de formation a reçu l’équipe du film, “et ce n’était pas une arnaque. La seule condition qu’on leur a fixé : qu’ils ramènent Toki le vendredi soir !” Après huit mois de tournage, “Mercenaire” sort en salle fin 2016 et Toki assure le service après-vente, notamment sur les plateaux télé (Stade 2 par exemple) et lors de festivals consacrés au 7e art. Cette fois, il est en première ligne. À Cannes, le film reçoit un prix lors de la Quinzaine des réalisateurs (le Label Europa cinema) ; à Angoulême, Sacha Wolff décroche le prix de la mise en scène. Un coup de maître pour un premier long-métrage. “J’ai vécu une très belle expérience avec le cinéma, confirme Toki. J’ai côtoyé de grandes personnalités de ce monde et pour la première fois, j’ai pu rentrer chez moi, en Nouvelle-Calédonie. J’ai grandi aussi. C’est beaucoup de responsabilités d’être acteur principal ! J’appréhendais la manière dont serait perçu le film en Nouvelle-Calédonie car j’utilise souvent des insultes un peu crues... La plupart ont bien accepté ça et mon plus gros souci, c’était que mes parents le prennent bien... Mais ça reste du cinéma !” Une nouvelle carrière sous les feux de la rampe se profilerait-elle pour le garçon ? “J’ai envie de reproduire cette expérience, avec le rugby à côté. Je sais que tout peut s’arrêter demain et le sport reste mon seul revenu fixe. Je continuerai à faire mon maximum et à m’améliorer le plus possible. Après, il ne faut pas se leurrer : il me reste un an chez les Espoirs, que je jouerai à fond, mais la Pro D2, ça me semble compliqué...” Pas question donc de tout abandonner maintenant : avant de le retrouver la saison prochaine en Espoirs, Toki s’illustrera d’ici la fin de l’année dans un thriller, et cet été, dans un nouveau film dans lequel il “jouera”... un rugbyman ! Coupé.