Mobilisation des agriculteurs : acte 3 !
Près de 1 000 tracteurs pour bloquer Paris en ce mercredi 27 novembre. À leur bord, des agriculteurs en colère. En Auvergne-Rhône-Alpes, plusieurs centaines de paysans ont convergé vers Lyon afin d’organiser le blocage de trois des axes principaux d’accès à la capitale des Gaules. Une action similaire s’est mise en place au péage de Gerzat, sur l’autoroute A71, aux portes de Clermont-Ferrand.
Ils sont toujours là. Même si une once de fatalisme se ressent chez certains agriculteurs. Après les 5 et 22 octobre, à l’appel de la FRSEA et des Jeunes agriculteurs d’Auvergne-Rhône-Alpes, un nouveau rendez-vous était donné mercredi 27 novembre, avec pour objectif de bloquer trois des axes principaux d’accès à Lyon, dont l’A6, au niveau de Limonest. Une quarantaine de tracteurs et une centaine d’agriculteurs, du Rhône, de la Loire et de la Saône-et-Loire ont donc convergé à partir de 10 heures en direction de l’autoroute. Ils sont à la retraite, d’autres l’entrevoient, et puis il y a des jeunes, beaucoup, qui s’inquiètent de leur avenir. Quelques pneus déversés plus tard, le cortège s’est stabilisé et installé sur les trois voies dans le sens Paris-Lyon, à une dizaine de kilomètres du centre-ville de la capitale des Gaules. Sur place, Pascal Girin, président de la FDSEA du Rhône, a rappelé les raisons de cette mobilisation : « À la suite de la manifestation du 22 octobre, le préfet devait nous recevoir, or ça n’a pas été le cas. Ils se renvoient la balle avec la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) […]. La principale revendication reste la même : les revenus. À cela on pourrait rajouter les normes environnementales, la lourdeur administrative... On espérait beaucoup avec la loi Egalim, on voit bien que ce n’est pas le cas. On a souhaité montrer au Gouvernement, avec près d’un millier de tracteurs en France, que les agriculteurs restent mobilisés ». En début d’après-midi, une délégation devait se rendre dans les rayons de la grande surface Auchan, située à proximité du blocage, à Dardilly, pour contrôler la provenance des produits en rayon. L’opération n’a finalement pas eu lieu.
Une mobilisation soutenue par la population
Dès 10 heures également, dans l’Est de Lyon, une trentaine de tracteurs se sont rassemblés le long de la D1084 à Beynost. Après une distribution de drapeaux de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, le cortège a pris la direction de Lyon, escorté par les forces de l’ordre. Loin de passer inaperçus, les agriculteurs se sont engagés sur l’A42 avant de bloquer les trois voies. À la jonction de l’A42 et de l’A46, au niveau de Vaulx-en-Velin, le convoi s’est ensuite immobilisé. Descendant de leurs véhicules, les manifestants, venus de l’Ain, de l’Isère et des Savoies, ont déployé des banderoles portant les inscriptions « Laissez-nous travailler » et « Pas de pays sans paysans ». Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, a ensuite pris la parole pour porter les revendications des manifestants : « Après les beaux discours, nous voulons des actes ! La loi Egalim n’est pas suffisante, il faut durcir les EGA et mettre en place une loi-cadre », a-t-il affirmé.
Aux alentours de midi, les participants ont partagé un repas dans une ambiance conviviale, au son des klaxons de soutien envers le mouvement des agriculteurs. Après avoir déjà déversé du fumier en fin de matinée, les manifestants ont disposé des pneus sur la route pour ralentir la circulation en sens inverse. Ils ont également distribué des tracts et arrêté des camions de marchandises pour contrôler la provenance des chargements. Dans le sud de Lyon enfin, une vingtaine de tracteurs et une quarantaine d’exploitants ont organisé un troisième point de blocage sur l’A47, à hauteur de Givors. Issus des rangs FNSEA et JA, ceux-ci avaient fait le déplacement depuis la Loire, le Rhône, l’Ardèche, la Drôme et l’Isère.
Barrages filtrants à Clermont-Ferrand
Dans l’ouest de la région Auvergne-Rhône-Alpes, une trentaine de tracteurs et une centaine d’agriculteurs se sont postés en début de matinée au niveau du péage de Gerzat, sur l’autoroute A71 en direction de Clermont-Ferrand. Ils venaient du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Haute-Loire, de l’Allier, certains même de la Loire et de la Creuse. Ils ont organisé des contrôles de chargements de camions frigorifiques. Malheureusement, la circulation des poids lourds ayant été déviée par les autorités en amont du point de blocage, ces opérations n’ont pas été concluantes, selon la profession. Dans le cortège, bon nombre d’éleveurs ont été contraints d’acheter des fourrages et de décapitaliser leur cheptel dans l’espoir de « passer un hiver convenable ». Si « les bêtes seront au chaud et bien nourries, c’est moins sûr pour nous » assure cet autre éleveur qui a fait une croix sur son revenu pour les prochains mois.
Les céréaliers ne sont pas en reste. Les récoltes catastrophiques en plaines de Limagne et d’Allier, et la fermeture en fin d’année de la Sucrerie de Bourdon n’aident pas les trésoreries à se renflouer. « C’est un coup dur pour nous (ndlr la fin de Bourdon) qui vient s’ajouter à la surtransposition des normes, contraintes et freins qu’on nous impose pour faire correctement notre métier ; sans compter le dénigrement de notre profession de la part d’une frange de la population dont les agissements sont d’une rare violence » s’insurge ce producteur de la Limagne. « Aujourd’hui, on a le sentiment que quoique nous fassions, c’est mal […] Et nous n’avons plus de visibilité sur l’avenir de notre métier... »
Des actes concrets
De ce nouveau coup de semonce, tous attendent des actes concrets de la part du Gouvernement. C’est donc tout naturellement que mercredi, le convoi de tracteurs a gagné dans l’après-midi les locaux de la DRAAF à Lempdes, où ils ont été reçus par le directeur régional, Michel Sinoir. Les revendications sont claires : une baisse de la pression fiscale et administrative, le refus des ZNT à tout va, au profit du dialogue et des recommandations scientifiques. « L’État doit soutenir les filières au lieu d’investir son énergie à mettre en place de nouvelles distorsions à travers des accords commerciaux de libre-échange (CETA, Mercosur) totalement déséquilibrés et qui plombent nos exploitations » affirme David Chauve, président de la FNSEA 63. Car pour les agriculteurs, ces accords posent « problème », notamment du point de vue du respect des normes sanitaires et environnementales.
Du côté de Jeunes Agriculteurs du Puy-de-Dôme, leur président Baptiste Arnaud, réclame l’application de la loi EGalim. « Les résultats se font attendre, et à défaut d’avoir plus de prix, les agriculteurs ont surtout eu plus de charges ! » dénonce-t-il. « Certains acteurs ont une réelle volonté d’aller dans le sens des agriculteurs, mais cette loi n’est pas contraignante. Donc certaines enseignes de la grande distribution et des industriels de l’agroalimentaire continuent à ne pas jouer le jeu ». Le ministre de l’Agriculture l’a pourtant dit lui-même, au sujet de la rémunération des agriculteurs : « Le compte n’y est pas ! » « Nous avons besoin d’entendre que l’exécutif nous soutient, qu’il a une vision, un projet pour l’agriculture française, non pas juste des mesures à court terme » souligne Baptiste Arnaud.