Loup : la détresse des éleveurs est immense
Les races locales des Massifs réunies autour du Coram ont profité du salon de l’agriculture, pour organiser une conférence sur la prédation, témoignages poignants à l’appui, d’éleveurs en plein désarroi face à une bête à l’appétit d’ogre.
Des visages marqués, des paroles empreintes de gravité. Difficile de rester indifférent aux témoignages qu’ont livré les éleveurs, la semaine dernière, sur le stand du Coram au salon international de l’agriculture. Partout, désormais aux quatre coins du territoire, la bête sévit, dévorant sur son passage des dizaines de brebis, d’agneaux, de bovins... Sur la seule année 2022, l’activité du loup a bondi de 20 %, ce qui correspond à 1 000 individus. « Les mesures prises contre la prédation ne suffisent pas et cela se retournent contre les bêtes, c’est à nous de les enfermer dans les bergeries pour les protéger », s’est indigné Nicolas Perrichon, éleveur de bovins et d’ovins dans le Var et président de CERPAM (Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée).
Intenable psychologiquement
Même constat d’impuissance chez Mickaël Tichit, éleveur en Lozère et président de la section blanche du Massif central, qui a passé toutes les nuits d’été dehors pour protéger son troupeau : « Après neuf attaques du loup, je peux vous dire qu’aucune mesure mise en place pour protéger le troupeau ne fonctionne. En plus des pertes de troupeaux, je vois mes brebis subir un stress majeur. Elles perdent leur laine et leurs dents. C’est psychologiquement intenable pour nous ». Dans les Alpes, le pastoralisme pourtant dernier rempart à la déprise agricole, commence à reculer, les vallées sont jugées trop dangereuses, les moyens de protection dérisoires. Malgré le profond désarroi, les éleveurs ne veulent pas se résigner. Leurs représentants, qu’ils soient à la tête de la Fédération nationale ovine, comme Michèle Boudoin, président de la Chambre d’agriculture de Creuse comme Pascal Lerousseau, ou président du collectif des races locales de Massif, comme Dominique Pauc, interpellent l’État pour qu’enfin il prenne le taureau par les cornes, au nom des faits : la cohabitation entre le loup et les troupeaux d’ovins et de bovins est impossible. « Le loup a recolonisé toute l’Europe. Ce n’est plus une espèce menacée. Nous demandons un aménagement du plan loup au niveau national d’autant plus qu’il y a désormais des attaques sur les hommes. Des collectivités locales préfèrent que leurs terres soient utilisées pour le tourisme plutôt que pour l’élevage, qu’elles en assument les conséquences sur le plan économique, social, environnemental », a expliqué Michèle Boudoin.
Mise en danger de la vie d’autrui
Si le risque économique est bien identifié, avec « parfois en quelques minutes, toute une lignée génétique qui disparaît, des années de travail de sélection à la poubelle », a insisté Dominique Pauc, il y a manifestement un risque majeur pour la sûreté des populations. « Les animaux traumatisés deviennent dangereux et peuvent se retourner contre leurs éleveurs. Ce fut le cas d’un éleveur piétiné par ses vaches suite à une attaque... Il faut à tout prix former les éleveurs et ne pas être naïfs, le loup est désormais une problématique nationale qui va toucher tous les élevages », a complété Yves Chassany, président de l’organisme de sélection de la race aubrac. Fort de ces constats, la profession agricole exhorte les pouvoirs publics à agir, et vite.
Claude Font, chargé du dossier prédation à la FNO
« Avant, le loup n’attaquait que des troupeaux non protégés maintenant il s’attaque à des troupeaux protégés… Avant, les attaques avaient lieu la nuit, maintenant en majorité le jour… Avant, les attaques avaient lieu loin des habitations, maintenant on constate des attaques en périphérie des villages même des agglomérations… Alors on peut sereinement se poser la question de l’attitude du loup en contact avec l’homme comme dans le massif du Jura où des activités de pleine nature ont été annulées par certaines municipalités. »
Recueillis par Suzanne Marion