Le Préfet découvre le système bovins-viande
Le 10 juillet, la FDSEA et les JA ont invité le Préfet Nicolas De Maistre sur le Gaec Astruc, à Esplantas.
L’occasion d’échanger sur la production bovins viande, d’évoquer les problématiques locales et les dossiers d’actualité.
Après la visite du Gaec La Romaine à St Julien Chapteuil le 4 juin dernier, le Préfet de Haute-Loire Nicolas De Maistre s’est rendu au Gaec Astruc à Esplantas à l’invitation de la FDSEA et des JA. Après les porcs et les ovins, le représentant de l’Etat a pris connaissance des problématiques en production bovins viande.
Thierry Astruc et son fils Anthony (installé depuis 2016), élèvent 94 vaches de race Aubrac sur une SAU de 153 ha. Comme chez beaucoup d’autres agriculteurs, chez les Astruc, l’élevage c’est une passion qui se transmet ; Anthony est d’ailleurs la 6ème génération d’éleveurs à travailler sur cette ferme.
Si son père élevait ses Aubracs en plein-air, des conditions peu idéales pour les vêlages et le suivi du troupeau, Anthony a tenu à mettre fin à ce système en construisant un bâtiment neuf de 75 places en aire paillée en 2017.
Ils confient leurs objectifs : réduire au maximum les coûts de production et être autonomes ; des objectifs qu’ils arrivent à atteindre sauf pour la paille et l’achat d’un correcteur azoté. Le Gaec Astruc achète chaque année 50 tonnes de paille.
“Pour être autonome en paille, il faudrait réduire notre cheptel ou bien défricher quelques terres” indique Thierry Astruc. Or, un arrêté boisement ne favorise pas du tout le défrichement. “La déforestation est soumise à taxation. Lorsqu’on défriche une parcelle forestière de 30 ans ou plus, soit on la replante à l’identique, soit on paye une taxe compensatoire de 1800€/ha”, indique le président de la Chambre d’agriculture, Yannick Fialip.
Faire plus de place au labour
“Il faut faire plus de place au labour, et si l’on ne s’attaque pas à ce sujet, on ne sera pas compétitif. Si l’on veut inscrire l’agriculture dans la durée, il faut rendre les exploitations les plus compétitives possible !“ signale le Préfet. En la matière, Anthony Fayolle liste deux problématiques : les petites parcelles et l’éloignement du parcellaire, mais pour autant : “il ne faut pas croire que tout sera résolu si on a 200 ha à cultiver !”. Les échanges se sont ensuite intéressés aux débouchés et à la valorisation des produits du Gaec Astruc. Sur les 87 veaux nés, 41 mâles sont vendus en broutards légers et sur les 43 femelles 27 sont vendues ; le reste est conservé pour le renouvellement.
La discussion s’est orientée sur l’opportunité de repousser davantage de veaux. “Le Gaec va augmenter ses charges et se retrouvera en concurrence avec les 100 000 tonnes de boeuf brésilien” indiquent Thierry Cubizolles, président de la FDSEA, et Yannick Fialip.
“Repousser plus de veaux permettra seulement de bénéficier de fenêtres plus importantes pour les vendre” note le président des JA.
Faible rentabilité
Le Préfet De Maistre a pris note de la faible rentabilité de ces systèmes bovins viande et de la menace (sur les cours de la viande) que représente l’accord entre l’UE et le Mercosur. Mais du côté des éleveurs, on reste guidés par la passion du métier !
“Mais il y a des limites à la passion. Aujourd’hui, la technique n’est pas rémunérée” lance Anthony Fayolle.
“Cela me rend un peu malade que la valeur ajoutée parte en dehors de la Haute-Loire” confie le Préfet.
Yannick Fialip a alors confié la réflexion initiée par la profession sur la possibilité d’engraisser des veaux laitiers dans les zones intermédiaires (pourtour du Massif-central type Allier et Nièvre).
“On arrive à capter de la valeur ajoutée dans les filières circuits courts, dans le haut de gamme et à l’exportation. Et ça coince sur le marché français” signale Anthony Fayolle.
Le président de la Chambre d’agriculture souligne alors toute l’importance des aides de type ABA, DPB et ICHN dans les systèmes allaitants.
Quant au bio, “les animaux vont perdre un peu de poids, certes les éleveurs bénéficieront d’une aide durant les 5 premières années, mais il n’y a pas de plus-value pour les animaux maigres en bio” préviennent les professionnels.
Eric Planchette, président de la coopérative des Veaux des Monts du Velay-Forez a alors présenté la filière veaux de lait qui permet de capter de la valeur ajoutée : “Avec moins de vaches, on peut arriver à doubler la plus-value par veau”. Mais il s’agit-là d’un tout autre système !
Face à la fragilité économique des exploitations de montagne, à l’image du Gaec Astruc, c’est toute la dynamique d’un territoire qui est en jeu. Et le préfet semble avoir fort bien saisi cet enjeu. “Si les agriculteurs disparaissent et que les paysages se ferment, les touristes ne viendront plus ici !”. Thierry Cubizolles ajoute : “Le territoire doit être attrayant pour les familles et ces dernières doivent pouvoir vivre de leur métier”.
Un agriculteur du secteur a pointé du doigt la solitude de certains agriculteurs et leur comportement individualiste qu’il a qualifié de “drame”.
“Si on travaille de manière collective, on peut ensuite débrayer et avoir une vie de famille. Et c’est aussi un plus pour l’attractivité du métier” souligne le Préfet. Anthony Fayolle a confirmé l’inadéquation entre les offres d’installation en sociétés et des jeunes qui préfèrent s’installer en individuel...
Les échanges ont ensuite concerné un sujet brûlant : les accords avec le Mercosur.
Une convergence écologico-agricole ?
“On nous met dans les pattes de la viande produite sans condition de l’autre côté de la planète. Les agriculteurs ne comprennent pas ! Notre métier fait l’objet d’attaques régulières, et on a le sentiment que les pouvoirs publics nous laissent un peu tomber” lance le président des JA.
Selon Nicolas De Maistre : “Sur l’accord du Mercosur, je vois que les écologistes se trouvent du côté des agriculteurs. Il y a donc un alignement des planètes pour une convergence écologico-agricole. C’est assez nouveau ! De plus, l’accord ne sera pas appliqué avant plusieurs mois, vous avez un vrai travail à faire pour expliquer que l’agriculture française est celle qui est la plus proche des valeurs écologiques”.
Du côté des professionnels, on reste très prudents et on redoute que cette convergence ne soit que de courte durée !
En ce qui concerne les attaques dont fait l’objet le métier d’éleveur, le Préfet a confirmé qu’il ne laisserait rien passé quant aux violences perpétrées contre les installations et les personnes ; quant à Thierry Cubizolles, il a annoncé le “0 tolérance“ prôné par le réseau FNSEA.
Cette matinée d’échanges s’est poursuivie autour d’un repas pris au Domaine du Sauvage.