« Le consommateur moyen n’existe pas »
Les attentes et le comportement du consommateur face au produit viande ont évolué. Un casse-tête pour la filière qui doit composer avec des postures très diverses.
Lundi soir, dans le cadre du dispositif Ville Apprenante Unesco dans lequel est impliqué la municipalité de Clermont-Ferrand, l’Inra proposait une conférence sur l’évolution de la consommation de viande. Pierre Sans, docteur vétérinaire, professeur de l’unité Alimentation et Sciences Sociales de l’INRA dévoilait son analyse.
Prix et revenu impactent la consommation
C’est un fait, la consommation de viande (toutes espèces confondues : bovin, ovin, porc, volaille et cheval) a bel et bien évolué en l’espace d’un demi-siècle. Elle a progressé fortement jusque dans les années 90 avant de se stabiliser, voire diminuer. Ainsi, dans les années 1970, la consommation de viande était de 50,5 kgec1/habitant/an ; en 1998, elle atteint le sommet des 94 kgec/habitant/an avant de redescendre en 2010 autour de 84 kgec de viande consommée par habitant. « Une décroissance rapide » selon Pierre Sans, qui impacte particulièrement les espèces bovine et ovine au profit notamment de l’augmentation des produits volailles. Ces évolutions tiennent avant tout au prix et au revenu, « c’est une constante au niveau mondial : quand le pouvoir d’achat augmente, la consommation de protéines animales augmente par rapport aux protéines végétales » précise P. Sans. Le prix intervient également puisqu’un prix jugé « favorable » comme celui de la volaille joue sur la consommation. La démographie – à travers les phénomènes de croissance/décroissance, l’âge de la population, la taille des ménages –, ainsi que les valeurs et les attitudes portées par les consommateurs, agissent également sur l’évolution de la consommation de produits carnés.
Des tendances difficiles à satisfaire
« Le comportement du consommateur face au produit viande est aujourd’hui bien difficile à décrypter » ose le professeur Sans. « Le consommateur moyen n’existe pas » tant les comportements divergent de l’un à l’autre. Tout dépend des caractéristiques qu’il recherche dans un produit carné : couleur, persillé, goût, tendreté, propriétés nutritionnelles etc…. Chacun va concéder une qualité au produit en fonction de différents critères, de leur perception et hiérarchisation. Malgré tout, le consommateur est attentif aux produits vecteurs de satisfaction des cinq sens, de sécurité alimentaire, de santé et de service (praticité du produit, DLC…). Il veille aussi à la régularité et à la part de rêve que le produit véhicule. « L’éclatement de crises sanitaires accentue cette recherche constante de sécurité sanitaire. Elle fait aussi évoluer les craintes des consommateurs » précise Pierre Sans. « En 2009-2010, l’inquiétude du consommateur porte sur l’alimentation des animaux, en 2016 elle se focalise sur le bien-être animal qui devient un des indicateurs du questionnement sur les systèmes d’élevages ». Le rapport de l’homme à l’animal est alors très vite redéfini : il y a « le maître », l’Homme domine la nature ; « le Frère » qui protège la nature et ne s’octroie aucun droit sur elle ; et « l’Intendant » qui la gère avec des droits et des devoirs. De là découlent alors 3 tendances de (dé)consommation de viande : le véganisme, le végétarisme/végétalisme et le flexitarisme (ou moindre consommation de viande) ; et 3 controverses autour de la consommation de produits carnés : arrêt total, consommer autrement et maintenir la consommation avec des changements de pratiques.
Face à ces tendances, les acteurs de la filière viande changent peu à peu leurs pratiques de production, de transformation et de communication. Mais les réponses apportées sont insuffisantes face à la diversité des comportements des consommateurs. Car ce qui est important dans un produit pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre ; ce qui est attendu en termes d’informations n’est pas identique d’un consommateur à l’autre. Par ailleurs, il faut s’interroger sur ce que le consommateur est prêt à payer pour ces changements. Dans la pratique, il semble en effet qu’il y ait « dissonance entre ce que le consommateur dit être prêt à payer et ce qu’il fait réellement ». « Le consentement à payer est plus faible dans la réalité que ce qui est déclaré » constate Pierre Sans.
1. kg équivalent carcasse.