“Le Cantal a besoin d’équité et non d’égalité des soutiens de la Pac”
Répondant à la volonté du ministre Barnier d’une France offensive sur la future Pac, les élus de la Chambre d’agriculture ont appelé à une réorientation des soutiens.
Pousser l’esprit de réforme
Et Louis-François Fontant de rappeler que “par le passé on a payé, et plutôt cher d’ailleurs, des consensus professionnels mous”, faisant ainsi référence aux précédentes réformes de la Politique agricole commune longtemps décriées par les responsables cantaliens pour avoir choyé le secteur végétal au détriment de l’élevage à l’herbe. “C’est une occasion unique de rebattre les cartes, en étant au moins aussi offensifs, précis et vindicatifs que notre ministre”, a incité le président de la Chambre d’agriculture. Un avis emboîté sur le champ par son prédécesseur dans la fonction, Michel Teyssedou, pour qui la France, trop longtemps restée dans la défense de ses acquis agricoles, a un impératif de restaurer la légitimité sociétale, et donc politique, des soutiens à son agriculture. Un préalable pour redevenir convaincante sur la scène européenne des 27, encore fortement à l’écoute des tendances libérales des pays anglo-saxons. “On entend beaucoup ceux qui ne veulent pas changer grand chose à la Pac des dernières décennies appeler à des discours de modération, conjuguant le “pas beaucoup” et “le pas vite”...”, a explicité L.-F. Fontant. Et derrière ces allusions, c’est bien du secteur du végétal et plus particulièrement du monde céréalier que les élus agricoles cantaliens attendent un vrai geste de solidarité. Un juste retour des choses en quelque sorte selon Patrick Bénézit : “Nous ne sommes plus dans la situation de 1992 où le “deal” était cohérent, à savoir une affectation prépondérante des soutiens de la Pac aux céréaliers, dans un contexte de prix des céréales à 100 euros la tonne. Croire que la France aura capacité à convaincre qu’on peut laisser perdurer des références historiques remontant à huit ans sur des animaux qui parfois n’existent plus dans les exploitations, est utopique”. Face à un marché des céréales qui s’annonce durablement haut, Michel Teyssedou considère lui aussi indispensable que “ceux qui bénéficient à la fois de prix hauts et de DPU (droits à paiement unique) élevés, évitent de transférer au fisc une grande partie de leur revenu...”.
Des soutiens en phase avec le marché
Et pour “accompagner” leurs collègues céréaliers dans ce sens, les responsables FDSEA, Patrick Escure et Patrick Bénézit, ont détaillé les positions du Livre blanc du Massif central, “qui dépassent le seul périmètre des éleveurs des zones herbagères pour concerner bien au-delà tout le secteur de l’élevage ovin et bovin”. La première priorité affichée est donc d’opérer un transfert d’une partie des huit milliards d’euros du premier pilier (à partir des aides découplées) vers la production à l’herbe via un soutien de 300 euros par hectare d’herbe, “quelle que soit sa localisation ou sa nature”. Cette nouvelle politique de l’herbe, sortie du développement rural, viserait à redonner une viabilité économique aux élevages allaitants dans un contexte de pénurie de viande dans l’UE. Elle suppose, selon Patrick Escure, d’activer, en le rénovant, l’article 69, une clause ouverte par la Pac de 2003 pour orienter des fonds du premier pilier vers des secteurs particuliers. Avec un objectif similaire, les élus ont validé le projet d’un soutien structurel et pérenne au secteur ovin, “qui ne souffre pas du prix de l’agneau, mais d’une moindre rentabilité que les importations privilégiées par l’Europe”. Les responsables agricoles ont en outre avancé un appui spécifique à la production laitière dans les zones fragilisées et de montagne à hauteur de 30 euros/1 000 litres. Quand au découplage total avancé par Bruxelles, il a été battu en brèche : “Là où les États membres l’ont mis en place, la production a reculé”, a interjeté Michel Teyssedou. “Il faut traiter de façon différenciée les inégalités des zones herbagères, des secteurs allaitants et de la montagne”, a martelé Louis-François Fontant. S’opposant de fait à une harmonisation des soutiens prônée par la Commission européenne. Lui et nombre de responsables du syndicalisme, de la coopération ou des organisations mutualistes, ont donc plaidé pour que ce bilan de santé de la Pac réponde à sa motivation première actée en 2003 : “corriger les impacts négatifs de la réforme au vu de l’évolution des marchés”. “Le premier et le second pilier de la Pac, c’est un peu l’histoire du nouveau et du vieux tunnel, a conté Joël Piganiol des JA. Le premier pilier, c’est notre nouveau tunnel, beau, riche, opulent mais qui nous pose un problème de gabarit pour développer l’économie cantalienne. Le second pilier, c’est l’ancien ouvrage, basé sur le bon sens, solide et bien bâti. Conclusion : il faut faire sauter les gabarits du premier pilier pour retrouver notre compétitivité.”