À l'assemblée générale d'Elvéa, la filière fait corps autour des éleveurs
Face à la décapitalisation, la filière bovins viande a affiché sa solidarité à l'assemblée générale d'Elvéa (organisations de producteurs), le 29 juin au Mans. Tout en s'efforçant de tracer des perspectives encourageantes, entre engraissement des jeunes bovins et démarches bas carbone.
Négociants, marchés aux bestiaux, abatteurs... Le 29 juin au Mans, l'assemblée générale d'Elvéa France (réseau d'organisations de producteurs) a été l'occasion de mesurer l'impact de la décapitalisation sur les différents maillons de la filière bovins viande. Un secteur déboussolé par la fonte continuelle du cheptel bovin, à -3,2 % sur un an en vaches allaitantes et à -2,5 % en vaches laitières, selon les derniers chiffres au 1er mai de l'Institut de l'élevage (Idele). Hormis les éleveurs eux-mêmes, les plus inquiets semblent être les opérateurs de l'abattage-découpe. Interpelé par l'assistance, Dominique Guineheux, du groupe Bigard, reconnaît que « les industriels subiront les conséquences de la baisse de production : il y aura des outils à fermer ».
« Une quinzaine de salaisonniers et une vingtaine de petits abattoirs sont en grave difficulté et pourraient cesser leur activité d'ici la fin de l'année », prévient son collègue Philippe Pruvost, administrateur de Culture viande. D'autant que les industriels font face, selon lui, à « une hausse de 350 % des prix de l'énergie ». « C'est la décapitalisation qui nous inquiète le plus », note ce patron d'un abattoir du Pas-de-Calais, qui décrit « une forte réduction des abattages » et « des outils qui fonctionnent quatre jours par semaine ».
« Se protéger contre les importations »
Alors que la consommation de viande se maintient - notamment grâce à la restauration - « les importations n'ont jamais atteint un niveau aussi élevé », déplore Philippe Pruvost. Selon l'Idele, au premier trimestre 2023, elles ont couvert 25 % de la consommation française. Dominique Guineheux appelle à « se protéger contre les importations ». « On peut peut-être accepter 15 % d'importations, a-t-il estimé. Mais plus il y aura de viandes importées, plus leurs prix feront référence et pèseront sur les prix français. » Pour l'heure, les prix à la production restent élevés, en raison du manque de viande provoqué par la décapitalisation, mais aussi, selon Philippe Pruvost, grâce à la « volonté commune des abatteurs de maintenir les cours, car nous savons que les coûts de production sont hauts ».
Les abatteurs sont loin d'être les seuls à s'inquiéter. « L'incertitude et la lassitude sont grandes sur le terrain », constate ainsi Bruno Debray, le président de la FMBV (marchés aux bestiaux). Du côté des négociants, qui écoulent presque deux tiers des bovins allaitants, cette « décapitalisation jamais vue » se traduit par « une lutte quotidienne pour l'achat d'animaux », explique le président de la FFCB (commerçants en bestiaux) Dominique Truffaut. Lors d'une conférence de presse le 22 juin, il indiquait que « forcément, les entreprises vont devoir se restructurer face à la baisse extraordinaire du cheptel ». Et de poursuivre, comme le rapporte Réussir Bovins viande : « La pyramide des âges facilite cette transition, car celle des négociants est à l'image de celle des éleveurs. » Avec « plus d'un tiers de jeunes » dans les réunions et une commission « jeunes » de la FFCB comptant une centaine de membres, « la relève est assurée », assure Dominique Truffaut.