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La ruralité en difficulté dans les rues de Guéret

© JG

Ce samedi 6 novembre, la FDSEA 23 et Jeunes Agriculteurs Creuse appelaient l’ensemble du monde rural à s’exprimer sur l’inflation qui a marqué ces derniers mois. En effet, la reprise économique post-covid est caractérisée par une hausse de la demande et une offre stagnante, voire en baisse, dans certains secteurs, avec des répercussions de proche en proche. Le bois et les métaux sont montés les premiers, rapidement suivis par les énergies fossiles ces dernières semaines. Et c’est justement le carburant qui a été choisi comme symbole de la grogne rurale. Impossible en effet dans les campagnes de se passer de son véhicule, qu’il soit personnel ou professionnel.
La journée a donc commencé par un blocage des différentes stations service de Guéret. Le message était destiné à l’État, qui bénéficie de l’inflation grâce aux taxes.
Après 2 heures, les tracteurs et les 250 manifestants ont convergé vers la place Bonnyaud pour une dégustation de viande et de longues discussions des différents acteurs de la vie creusoise. Après ce déjeuner, les responsables économiques et politiques du département ont pu s’exprimer à la tribune.

Une vie locale mise à mal
Marie-Françoise Fournier, maire de Guéret, a souhaité indiqué son soutien aux agriculteurs. Elle se dit consciente de l’importance économique de l’agriculture dans le département et des difficultés rencontrées : « Je suis de tout coeur avec vous »
Jean-François Ruinaud, président de la Fédération des chasseurs de la Creuse a écarté d’un revers de main les tensions qui existent parfois avec les agriculteurs. Rural et fier de l’être, il a rappelé que « la campagne n’est pas le jardin public des villes ». Il a notamment critiqué, sans les nommer l’attitude de certains responsables politiques, candidats aux élections présidentielles, particulièrement ceux qui souhaitent interdire la chasse le week-end, oubliant que la plupart des chasseurs travaillent, comme les citadins, en semaine, et qu’ils font vivre l’économie locale. « Derrière cette idée, c’est l’interdiction pure et simple de la chasse qui est l’objectif ». Il a également souligné le partenariat nécessaire entre chasseurs et agriculteurs, les premiers protégeant le travail des seconds.
Autre acteur de la vie économique locale, Philippe Micard, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, a mis en avant le rôle économique essentiel des agriculteurs dans le département. En effet de nombreuses entreprises gravitent autour du monde agricole, ce sont de très nombreux emplois qui en dépendent dans le département.
Pascal Lerousseau, président de la Chambre d’agriculture, s’est lui alarmé de la très forte hausse du coût des intrants, prenant pour exemple l’amonitrate, passé en quelques mois de 350 à plus de 800 euros. Un coût qui n’est pas compensé par la hausse des cours constatée ces derniers temps. Sur les relations avec l’aval des filières, il espère que la loi dite Egalim 2 aura de réels effets. Il s’inquiète également de l’arrivée sur le marché de produits de mauvaise qualité et de la viande de synthèse. Si les éleveurs viennent à disparaître, « on nourrira les Français avec de la merde ».
Thomas Saby, président de Jeunes Agriculteurs de Creuse, a rappelé que dans le monde rural « nous sommes tous dans le même panier » et que, grâce aux taxes, l’État profite bien de la hausse des cours des matières premières, à commencer par celle des carburants dénoncée le matin même. Il a également critiqué l’ingérence des citadins dans la vie agricole, citant entre autres le dossier des bassines, ces réserves d’eau destinées à l’irrigation, dont deux ont été vandalisées dernièrement dans les Deux-Sèvres. Avec autant de bâtons dans les roues, difficile d’encourager des jeunes à s’installer, même si cette année le chiffre des nouvelles installations approchera des 70, le bilan 2020 est catastrophique, avec seulement 20 installations sur le territoire creusois.
Enchaînant sur l’agribashing, Christian Arvis, président de la FDSEA, a indiqué qu’il respectait les végans et leurs choix « mais qu’ils ne viennent pas nous les imposer jusque dans les écoles ! » Revenant sur la loi Egalim, il n’a pas caché sa déception, la première aurait dû fonctionner, la seconde ressemble à une dernière chance. Réagissant à la critique sur le blocage des stations services alors qu’elles vendent à prix coûtant, il a rétorqué que les éleveurs aimeraient bien vendre leur production à prix coûtant.

Des élus dépassés
La parole a ensuite été cédée aux responsables politiques, les sénateurs Jean-Jacques Lozach et Eric Jeansanetas ont mis en avant le travail de leur collègue André Chassaigne sur les retraites agricoles. Ils ont bien conscience qu’on ne se déplace pas de la même façon en Creuse et à Paris. La vie économique locale dépend des transports. « Dans la vie rurale, agriculture, commerce, chasse, services publics, tout est lié », une symbiose mise à mal, selon M. Jeansanetas, par la loi Notre, qui privilégie les grands ensembles aux dépens de la proximité. Sur le revenu des agriculteurs, M. Lozach attend lui aussi beaucoup de la loi Egalim 2, la prise en compte des coûts de production dans les prix de vente devrait, en théorie, compenser la hausse des charges.
Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse, a tâché de défendre son bilan, précisant qu’il ne savait pas encore s’il se porterait candidat à sa succession. En tant que rapporteur de la première loi Egalim, il est déçu du peu d’effets de celle-ci. Il a rappelé les difficultés qu’il a rencontré lors de sa rédaction, avec des oppositions nettes à certaines de ses propositions, et des articles contre lesquels il n’a pas pu lutter, comme le menu végétarien à l’école. Il a encouragé les agriculteurs à bien s’organiser pour l’application de la version 2, « la contractualisation fonctionne, on le voit déjà dans certaines filières, il faut bien se structurer pour être plus forts ».
Enfin, c’est à la préfète Virginie Darpheuille que le micro a été tendu pour conclure le débat. En tant que représentante de l’État, c’est à elle que s’adressait chacune des remarques sur les taxes dont les recettes s’envolent grâce à l’inflation sur les matières premières. Notant bien la situation paradoxale d’une reprise économique qui crée une crise inflationniste, elle n’a rien pu promettre en dehors d’une remontée à Paris de ce qui avait été dit, elle a encouragé tous les acteurs du monde rural à pousser dans le même sens, à l’image d’une équipe de rugby et affirmant qu’elle ferait son possible pour aider dans leur sens.
En fin de journée, les manifestants se sont séparés en se donnant déjà rendez-vous très rapidement, tant la situation semble vouloir perdurer.

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