POMPIDOU
La performance économique au service du progrès social
Le Cantal, où il est né, se devait de célébrer le cinquantenaire de la disparition de Georges Pompidou. Deux jours lui étaient consacrés à Aurillac, avec une table ronde offrant un éclairage sur son précieux héritage économique.
Le Cantal, où il est né, se devait de célébrer le cinquantenaire de la disparition de Georges Pompidou. Deux jours lui étaient consacrés à Aurillac, avec une table ronde offrant un éclairage sur son précieux héritage économique.
Le mandat de Georges Pompidou (1969 – 1974) a été caractérisé par une croissance économique exceptionnelle, au point que la France de l'époque est souvent comparée au Japon. Pompidou est célèbre pour sa maxime : "On ne gouverne qu'en prévoyant et en agissant", illustrant sa vision proactive et pragmatique.
Au cours d'une première table ronde, Nicolas Baverez, historien et essayiste, a ouvert les discussions en rappelant l'âge d'or économique sous Pompidou. Le spécialiste l'explique par une modernisation rapide et une prospérité inédite, qui s'est appuyée sur des piliers tels que l'accès à des biens de consommation comme la voiture ou l'électroménager.
"Les années Pompidou ont marqué l'apogée des Trente Glorieuses." (Nicolas Baverez, historien)
Olivier Marleix, député et spécialiste des questions industrielles, a mis en avant la relation étroite que Pompidou entretenait avec les chefs d'entreprise. "Chaque semaine, il dialoguait avec des responsables d'entreprises de toutes tailles pour comprendre leurs besoins et lever les obstacles à la croissance", a-t-il observé.
Résultat : "des projets emblématiques tels qu'Airbus, la production énergétique d'EDF, Ariane, le TGV, les supercalculateurs du Plan calcul... Accompagnés par une croissance annuelle de 7 %, une augmentation de 13 % des exportations, une élévation de 27 % du niveau de vie des Français durant les années Pompidou."
Quatrième puissance mondiale
Éric Bussière, professeur d'histoire économique, a insisté sur le fait que pour Pompidou, la croissance industrielle était indissociable de l'amélioration des conditions de vie sociales. Car parallèlement aux résultats évoqués par Olivier Marleix, la France du travail connaît la généralisation des conventions collectives, la création du Smic, etc(1). "Une manière de répondre aux aspirations de mai 68."
Pour autant, Pompidou voyait l'industrialisation comme un moyen de garantir la présence de la France sur la scène internationale, à travers des partenariats équilibrés et des initiatives majeures comme Airbus et Ariane : "Sa vision était que la France ne devait pas être isolée, mais active sur tous les fronts économiques essentiels", précise Éric Bussière.
Pierre Todorov, ancien secrétaire général d'EDF, a quant à lui loué les accomplissements exceptionnels du parc nucléaire français sous l'impulsion de Pompidou.
"En deux décennies, nous avons construit 58 réacteurs, positionnant la France comme la deuxième puissance nucléaire mondiale après les États-Unis, avec une énergie totalement décarbonée" (Pierre Todorov, ancien secrétaire général d'EDF).
Il souligne également l'organisation administrative efficace mise en place pour gérer cette expansion, avec la création d'un secrétariat général de l'énergie rattaché au Premier ministre. "Le Plan Mesmer, souvent attribué à Valéry Giscard d'Estaing, trouve ses racines dans la vision de Pompidou, qui voyait dans l'énergie nucléaire un pilier de l'indépendance et de la modernisation de la France", a-t-il ajouté.
Peut-on parler de facteur chance, durant ces années-là où on a l'impression qu'on pouvait innover sans compter ? Pierre Todorov rectifie : "Le financement des infrastructures n'était pas une question de chance, mais le résultat d'une réflexion stratégique. Le parc nucléaire a endetté un temps EDF, mais avec la garantie de l'État avant d'exporter notre énergie.
Industrie et agriculture
L'attachement de Pompidou à ses racines et son approche équilibrée entre tradition et modernité se traduit par du dialogue conduisant, avant d'imposer des règles, à une écologie de l'enracinement compatible avec l'industrialisation. À ce titre, les intervenants ont rappelé le choc du naufrage du pétrolier Torrey Canyon, qui a conduit Pompidou à repenser sa politique environnementale et à créer un ministère dédié, plus pragmatique que des ajustements au coup par coup.
Selon la doctrine pompidolienne, pas question de dresser une partie des Français contre d'autres. Olivier Marleix a tenu à rappeler que Pompidou, à la tête d'un pays en pleine mutation qui passait d'une économie agricole à une économie industrielle ouverte sur le monde, n'a jamais laissé pour compte ceux qui pouvaient être déstabilisés par ces changements : "Il a su accompagner les mutations économiques tout en protégeant les plus vulnérables." Favorable à l'Europe, parce qu'elle nous était favorable. Une dynamique maîtrisée, entre libéralisme et colbertisme.
(1) Ce qui a fait dire à Bruno Faure, un peu plus tôt, que "si je ne dis pas que nous vivons sur ces acquis, je le pense très fort."