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Politique agricole commune
Jacques Chazalet : « Notre métier a de l’avenir. Il faut y croire ! »

Des marchés régulés, des producteurs pouvant s’organiser, des normes harmonisées, des outils de gestion des crises et des soutiens ciblés, voilà les propositions que la FRSEA Massif central, entend porter au débat engagé par la FNSEA sur l’avenir de la PAC.

Jacques Chazalet : « Les soutiens doivent être aussi des outils d’orientation. Les références historiques ne peuvent servir durablement de base de répartition ».
Jacques Chazalet : « Les soutiens doivent être aussi des outils d’orientation. Les références historiques ne peuvent servir durablement de base de répartition ».
© D.R.

La réforme de la politique agricole commune (PAC) se prépare déjà à Bruxelles. Et il semble que c’est d’abord en terme budgétaire que celle-ci est appréhendée ? Une erreur selon vous ?

Jacques Chazalet : Il serait en effet dommageable de commettre les mêmes erreurs que par le passé et que sous couvert de restrictions budgétaires tout azimut, on parle budget de la PAC, avant même d’avoir défini ses objectifs. A l’heure où nous travaillons sur nos propositions, nous pouvons nourrir quelques espoirs malgré les épreuves que nous sommes en train de traverser.

 

Les agriculteurs européens devront assurer la sécurité et l’indépendance alimentaire pour les 500 millions d’européens. Ils devront participer à l’approvisionnement alimentaire de la population mondiale qui ne cesse de croître. Ils devront s’inscrire dans une croissance durable en participant notamment à la limitation des conséquences des changements climatiques. Ils seront les principaux garants de la vitalité des territoires ruraux et tout particulièrement des zones à handicaps naturels. Mais c’est bien une fois ces objectifs déterminés, que l’on peut commencer à discuter d’outils et de moyens.

 

 

Parmi les outils, vous défendez les principes de préférence communautaire et de marchés régulés…

J.C : L’Europe doit protéger son modèle agricole et alimentaire fait notamment de normes élevées. Il est indécent d’imposer des contraintes élevées aux producteurs européens et d’ouvrir grand nos frontières aux produits d’importation ne respectant pas les mêmes normes. Ensuite, pour que la future PAC soit efficace, elle doit assurer la régulation des marchés, protéger les agriculteurs contre les effets dévastateurs de la volatilité des marchés, contre les risques climatiques ou sanitaires et mettre en valeur les nombreux « biens publics » fournis par les agriculteurs.

 

La régulation des marchés ne pourra se faire de manière efficace qu’avec une évolution du droit européen à la concurrence pour que celui-ci reconnaisse les spécificités des marchés agricoles et permette aux producteurs de mieux s’organiser, de mieux connaître les éléments des marchés et ainsi de peser d’un poids plus important dans les négociations avec l’aval. Il doit permettre la gestion collective des volumes et des prix et l’organisation des filières en interprofession. Les outils de régulation au sein de la PAC devront être renforcés : stockage publics, aide au stockage privé, etc. Ils devront pouvoir être utilisés de manière préventive. Ils devront aussi être rénovés pour réellement protéger les agriculteurs où qu’ils soient en Europe. Comment fixer aujourd’hui un prix d’intervention unique pour toute l’Europe alors que les coûts de production sont si différents d’un pays à l’autre et que les monnaies de certains pays européens fluctuent indépendamment de l’euro ? C’est avec de telles incohérences qu’on arrive à avoir des filets de sécurité, à des niveaux minima incapables de garantir le revenu des producteurs français alors qu’ils constituent un effet d’aubaine pour d’autres.

 

Que faire face à l’instabilité des prix et des charges ?

J.C : Qu’on le veuille ou non, il est clair que nous sommes entrés dans l’ère de l’instabilité des prix et des charges. Par conséquent dans la future PAC, les agriculteurs devront disposer d’outils de gestion des risques. Gestion des risques climatiques et sanitaires bien sûr, mais aussi gestion des risques économiques jusqu’à présent oubliés dans la politique européenne. Ainsi, des dispositifs de sécurisation des marges et des revenus, fondés sur des fonds de mutualisation ou des fonds de péréquation doivent être créés pour aider les producteurs à faire face aux variations erratiques de charges et de prix.

 

Pour que ces dispositifs soient efficaces, le budget de la PAC devra être désannualisé pour être plus flexible et pouvoir aider davantage quand ça va mal et dans les secteurs les plus touchés.

 

La question de la justification des soutiens de la PAC aux agriculteurs fait débat et suscite certaines polémiques. Quels arguments comptez-vous développer pour démontrer leur légitimité ?

J.C : Les soutiens directs de la PAC sont là pour préserver le modèle agricole et alimentaire de l’Europe. Ils restent donc plus que jamais justifiés. La PAC « pèse » moins de 1 % des dépenses publiques de l’Union (y compris les dépenses des Etats Membres). Le budget de la PAC doit être préservé pour conserver une politique efficace et ambitieuse.

 

Reste la question épineuse de la méthode de répartition de ces soutiens et de leur nature. La politique de découplage total et du tout DPU que Mariann Fischer-Boel nous avait vendu pour régler tous nos problèmes a démontré son inefficacité et ses effets catastrophiques. Le même DPU sur tous les hectares européens ce n’est pas une politique et ce n’est pas sérieux.

 

Les soutiens doivent être aussi des outils d’orientation. Les références historiques ne peuvent servir durablement de base de répartition. Des soutiens efficaces et justes, ce sont des soutiens ciblés en fonction des objectifs que l’on poursuit. Chaque soutien doit répondre à une problématique : il s’agit de rémunérer les normes de production qu’on nous impose par un soutien de base, de financer les « biens publics » fournis par les agriculteurs et qui ne sont pas rémunérés par le marché, de soutenir de manière ciblée les productions fragiles et déficitaires selon le principe de l’article 68 créé dans le cadre du bilan de santé et qui concerne les productions spécifiques. Il faut enfin compenser les handicaps naturels pour redonner de la compétitivité à l’agriculture de ces zones.

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